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Céréales et maladies transmises par la semence et le sol: comment les identifier et s’en prémunir?

Certaines maladies transmises par les semences et par le sol peuvent s’avérer redoutables en cultures de céréales. Seules des mesures prophylactiques rigoureuses et/ou une désinfection de semences efficace permettent d’éviter tout problème lié à ces pathogènes.

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Le printemps 2022 fut très chaud et sec par rapport aux normales saisonnières. Malgré tout, les pluies survenues, dans certains cas, pile au moment de la floraison des froments, ont engendré le développement de symptômes de fusariose d’épis. Sur les sites touchés, les sévérités observées pouvaient varier grandement. Cependant, l’enquête mycotoxines reprenant plus d’une centaine d’échantillons repartis dans toute la zone de culture céréalière de Belgique n’a révélé aucun dépassement du seuil de DON autorisé. Tout ceci laisse supposer que les symptômes de fusariose de l’épi repérés au champ étaient principalement dus à la présence de Microdochium spp. Des symptômes de cette maladie sur feuille ont d’ailleurs pu être observés dans beaucoup de parcelles de froment cette année. La grande majorité des semences produites cette année sont donc saines. Cependant, Microdochium spp. faisant partie des pathogènes responsables de la fonte des semis, il est tout de même conseillé de ne pas négliger son traitement de semences.

Une forte recrudescence des cas de carie, de charbon et d’ergot a été remarquée cette année, principalement dans des champs emblavés avec des semences non traitées. Des cas de charbon, avec semences traitées ont également été observés. L’importante résurgence de ces maladies rappelle que la désinfection des grains, via des traitements biologique ou chimique, reste une nécessité pour éviter la propagation de ce type de pathogène.

Le charbon nu

Le charbon nu (Ustilago nuda) ne se transmet que par les semences. L’infection se déroule lors de la floraison. Les spores disséminées par le vent infectent les fleurs, puis les grains d’orge. Ces derniers ne présenteront aucun symptôme et le champignon restera latent dans le germe du grain jusqu’au semis suivant. S’ils sont utilisés comme semences, les plantes pousseront sans manifester aucun signe de maladie jusqu’à l’épiaison. C’est à ce moment que des épis charbonneux apparaîtront. Les spores (poudre noire) libérées entre les glumes et les grains pourront alors infecter d’autres fleurs d’orge et, de cycle en cycle, amplifier le phénomène.

Le charbon nu (Ustilago nuda) ne se  transmet que par les semences.
Le charbon nu (Ustilago nuda) ne se transmet que par les semences. - Cra-w

Que faire en cas de charbon nu ?

En agriculture conventionnelle, le charbon est maîtrisé par la désinfection systématique des semences à l’aide de fongicides synthétiques efficaces et ceci, même si des semences sont porteuses de germes.

En agriculture biologique, aucun traitement de semences n’est autorisé contre ce pathogène. Pour éviter toute infection, il sera donc important d’utiliser des semences saines.

Le piétin-échaudage

Gaeumannomyces graminis tritici est un champignon du sol qui infecte les graminées par la racine. Son pouvoir de dispersion naturelle est très faible (de l’ordre du mm) mais il peut cependant être disséminé sur de plus longues distances par le travail du sol. Les plantes infectées présentent des racines nécrosées et noires sur plusieurs centimètres. À l’épiaison, les plantes fortement touchées sont complètement échaudées et prennent une couleur blanche de paille sèche. Les symptômes se présentent en foyer suivant le sens du travail du sol. Les endroits du champ où les andains de paille de la culture précédente ont été déposés sont les plus marqués.

Que faire en cas de piétin-échaudage ?

En agriculture conventionnelle, les traitements de semences spécifiquement destinés à protéger la culture contre cette maladie peuvent être limités aux situations à risque. Seuls le Latifam, le Latifam Extra et le Latitude Max (tous à base de silthiopham) sont autorisés contre le piétin-échaudage. Cette substance active n’ayant d’efficacité sur aucun autre pathogène, elle devra être appliquée en complément à la désinfection visant la fusariose, la septoriose, le charbon nu et la carie.

En agriculture biologique, aucun traitement n’est autorisé. Il sera dès lors important d’éviter de se trouver dans une des situations à risque citées ci-après pour éviter la propagation de cette maladie.

Le risque de piétin-échaudage est bien identifié :

– seuls les précédents « froment » et « prairie » comportent un risque élevé de développement de piétin échaudage ;

– une seule année de rupture entre deux cultures de froment permet de revenir à un niveau d’infection similaire à celui d’un premier froment ;

– les facteurs aggravant le risque sont les suivants : semis précoces, anciennes prairies récemment remises en culture, mauvais drainage ou encore présence importante de certaines graminées adventices, notamment le chiendent ou le jouet du vent.

L’ergot

L’ergot est une maladie qui ne s’attaque pas qu’au seigle. En effet, Claviceps purpurea, le pathogène responsable de l’ergot, est capable d’infecter toutes les graminées. Le classement des différentes céréales, par ordre décroissant de sensibilité se présente comme suit : seigle, triticale et blé, orge, avoine. Les symptômes de ce champignon n’apparaissent que sur les épis car l’infection se produit à la floraison. Ainsi, entre les glumelles, une masse tout d’abord blanchâtre virant plus tard au noir violacé et portant le nom de sclérote sera observable. Ces structures peuvent dépasser de l’épi mais ce n’est pas toujours le cas. Les sclérotes tomberont ensuite sur le sol lors de la récolte ou seront emportés avec le lot de grains. Si les grains ne sont ensuite pas triés ou désinfectés, les sclérotes emportés retourneront sur le sol lors du semis. Lorsqu’ils auront rencontré les conditions favorables à leur développement, ces corps durs vont germer et libérer des ascospores qui pourront alors infecter les graminées adventices en fleur ou les céréales à floraison précoce (infection primaire). Plus tard, les épis touchés vont produire un liquide blanchâtre contenant des conidies. Ce « miellat » sera ensuite transporté par les insectes ou par effet splash vers les autres céréales saines en floraison (infection secondaire). C’est à la suite de cette seconde infection que les sclérotes seront produits, bouclant ainsi le cycle.

L’ergot est une maladie qui  ne s’attaque pas qu’au seigle.
L’ergot est une maladie qui ne s’attaque pas qu’au seigle. - Cra-w

Que faire lorsque l’ergot est présent dans une parcelle ?

En agriculture conventionnelle et biologique :

1) Après la récolte, labourer pour enfouir les sclérotes (fructification noire et dure remplaçant les grains de céréales dans les épis infectés) à plus de 10 cm de profondeur. Bien qu’ils puissent toujours germer dans le sol, ils ne pourront plus atteindre la surface pour libérer leurs spores au printemps.

2) Pendant deux ans, ne pas labourer, afin d’éviter de remonter les sclérotes vers la surface du sol.

3) Pendant ces deux années, éviter de cultiver des céréales, ou au moins privilégier une espèce moins sensible que le seigle ou le triticale.

4) Soigner le désherbage et faucher les bordures de champ, car certaines graminées sauvages, telles que le vulpin ou le ray-grass, sont hôtes de l’ergot et constituent un relais dans la transmission de la maladie.

L’ergot n’a pas d’impact significatif sur le rendement. La nuisibilité du pathogène vient de sa production de toxines dangereuses pour la santé humaine et animale.

Que faire en cas de lot contaminé par l’ergot ?

En agriculture conventionnelle et biologique : nettoyer aussi soigneusement que possible les semences à l’aide d’une table densimétrique et de trieurs optiques.

En agriculture conventionnelle : utiliser un traitement fongicide contenant une triazole. Le Kinto Duo a montré de bons résultats dans un essai réalisé par Arvalis – Institut du Végétal en 2014. Ce traitement n’a cependant pas d’effet sur les sclérotes déjà présents dans le sol.

La fonte des semis

Les fusarioses (Fusarium spp. et Microdochium spp.) et la septoriose (Septoria nodorum) font partie du complexe de pathogènes capables de causer « la fonte des semis ». Ceci se traduit au champ par un déficit de levées plus ou moins important selon la pression des pathogènes. Les fusarioses et la septoriose peuvent être transmises par les semences, mais aussi par le sol lorsque des chaumes de maïs ou de céréales infectés sont au contact des grains en cours de germination.

Que faire pour éviter la fonte des semis ?

En agriculture conventionnelle , des semences bien triées et désinfectées avec un fongicide de spectre complet donneront entière satisfaction.

En agriculture biologique , privilégier l’utilisation de semences saines et bien triées et éviter la mise en contact de celles-ci avec des chaumes de maïs et des résidus de paille. Seul le Cerall est actuellement autorisé comme traitement de semences en agriculture biologique. Il semblerait cependant que son efficacité soit plus modeste que celle des spécialités chimiques, particulièrement vis-à-vis de Microdochium spp.

La carie

La carie est causée par des champignons du genre Tilletia et principalement T. caries. Ce champignon est doté d’un fort pouvoir pathogène et d’un grand potentiel de propagation via la semence. En effet, un seul grain carié peut contenir plusieurs millions de spores. Ces dernières sont libérées lors du battage, contaminant ainsi les grains sains mais aussi le sol et les équipements de récolte et de stockage. La transmission de la maladie aux semences peut se faire au moment de leur récolte mais aussi au semis, le champignon étant capable de survivre plusieurs années dans le sol. Lorsque les conditions sont favorables à leur développement, les spores du champignon germent dans le sol et infectent les coléoptiles des plantules adjacentes. Lors de la maturation des grains, les épis cariés auront un aspect ébouriffé dû à l’écartement anormal des glumes qui laissent alors apparaître le grain carié. Ce dernier est plus court, plus sombre et plus arrondi qu’un grain sain. À la moindre pression, le grain carié libère une poussière de spores noires.

La carie génère une baisse significative  du rendement et une dépréciation  de la récolte.
La carie génère une baisse significative du rendement et une dépréciation de la récolte. - Cra-w

La carie génère, d’une part, une baisse significative du rendement et, d’autre part, une dépréciation de la récolte. En effet, il suffit de 0.1 % d’épis cariés pour qu’une odeur de poisson pourri, se dégage du lot contaminé, le rendant impropre à la consommation animale et a fortiori humaine. Cependant, l’absence d’odeur perceptible ne garantit pas l’absence de carie. Lorsque les analyses attestent la présence de ce pathogène (1 spore/grain), les semences sont automatiquement traitées avec des produits synthétiques. Si plus de 100 spores/grain sont détectées, l’infection est considérée comme trop importante et les lots sont détruits.

Pour lutter contre la carie, les agriculteurs conventionnels pourront se tourner vers la désinfection des semences afin d’enrayer facilement la propagation de ce pathogène. En agriculture biologique, la lutte contre la carie est plus compliquée. C’est pourquoi, depuis 2019, des essais variétaux et de traitements de semences biologiques sont menés au CRA-W.

Que faire pour éviter l’installation de la carie?

En agriculture conventionnelle: des semences désinfectées avec un fongicide autorisé contre la carie donneront entière satisfaction.

En agriculture biologique:

– privilégier l’utilisation de semences saines et triées.

– procéder à un traitement de semences avec du vinaigre (7%) 1l/100kg de semences (+ eau) ou avec de la farine de moutarde 1,5kg + 4,5l eau /100kg semences.

– utiliser des variétés de blé plus tolérantes telles que Campesino, Bergamo, Catalyst, Graham, Mentor, WPB Calgary et Kiplay.

– se tourner vers d’autres céréales plus tolérantes à la carie comme le triticale, l’épeautre ou l’avoine.

Que faire si une parcelle est infectée par la carie?

En agriculture biologique:

Il est recommandé de récolter celle-ci en dernier et de bien nettoyer tous les outils qui ont été en contact avec le grain. Une désinfection de ceux-ci avec du vinaigre peut être envisagée comme solution peu coûteuse. La récolte de 4 trémies avec du grain sain est aussi un moyen de nettoyer sa moissonneuse. Il faudra cependant faire attention à la destination des grains récoltés dans ces 4 trémies.

Une analyse en laboratoire des grains récoltés permettra de déterminer si l’infection est avérée ou non. Le cas échéant, le lot devra être détruit. Le retour d’une céréale sur une parcelle contaminée ne pourra se faire que sous certaines conditions :

– réaliser un labour profond la première année et puis un travail superficiel durant les 5 années suivantes pour éviter de ramener les spores de carie en surface;

– détruire les repousses de céréales;

– ne pas revenir avec du blé (dur ou tendre) ou de l’épeautre avant au moins 5 ans (l’avoine, le seigle ou le triticale sont des alternatives);

– favoriser une levée rapide lors de la réimplantation de céréales.

C. Bataille et D. Eylenbosch

, Livre Blanc, septembre 2022

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