bergère
Nous habitons au sommet des hauts plateaux: chez nous, pas de fleuve, ni de rivière, seuls d'innombrables sources et ruisseaux, alimentées par les onze cents litres de précipitations - excusé du «pleut»!- recueillis en moyenne annuelle par mètre carré. D'habitude, toute cette eau est bien répartie tout au long des mois, avec un pic de décembre à mars, et un autre, plutôt gênant, en juillet. Les mois les plus secs (ou les moins arrosés, si vous préférez) sont souvent, en ordre décroissant: mars, avril, septembre, octobre. Trois années sur quatre, mon petit ru est au plus bas de l'Assomption à la Toussaint. Il est rarement sec de chez sec, une année sur vingt environ.
Et pourtant, ce fut le cas en 2015, et cette année encore! Voilà une situation surprenante! Le cycle des précipitations serait-il perturbé, à cause des changements climatiques? Oh oui, pardon! J'avais oublié que le réchauffement de la planète, c'est une vaste carabistouille, comme l'a décrété le nouveau président américain Donald Trump, ce grand farceur. Il a sûrement raison, comme en toutes autres choses, puisque des dizaines de millions d'électeurs «intelligents» et bien «informés» ont voté pour lui! On n'a pas fini de rigoler, avec ce loustic qui va faire la pluie et le beau temps en politique mondiale, durant les quatre années à venir, et plus si affinité...
Il n'empêchera pas le monde de tourner, je l'espère, mais il poussera sans doute un peu plus notre météo à s'emballer en course folle, déboussolée par les gaz à effet de serre. Voilà qui nous annonce, peut-être, des années 2015-2016 à répétition, avec une alternance de longues périodes de pluies et de longues périodes de temps sec. L'anormal deviendra la norme, et il faudra s'adapter!
Ceci dit, toute situation présente des avantages et des inconvénients, convenons-en. Du côté positif, je pointerai la bonne santé du bétail durant cet automne, avec peu de parasitisme et de problèmes de santé. Et puis, ne boudons pas notre plaisir, j'ai pu nettoyer mon ruisseau les pieds bien au sec, à la houe et à la pelle. Il était devenu un long jardin-ruban de fleurs sauvages, un vrai miracle de biodiversité. Toute cette végétation, faut-il le préciser, était devenue assez encombrante, et profitait sans vergogne des circonstances pour sucer la riche gadoue séchée, pleine de nutriments. Il a bien fallu, les écolos me pardonnent, calmer toute cette exubérance à la faucille et à la serpe...
Si les animaux ont bien profité de la météo des six derniers mois, les cultures ont beaucoup moins apprécié... Les pluies de juin ont inondé et compacté les sols en début d'été, et puis hop!, d'un coup d'un seul, les robinets célestes ont été coupés. Les sols argileux sont devenus du béton; les céréales, aux racines asphyxiées, ont eu tout à coup très soif. Vous connaissez le résultat: rendements décevants, couplés à un marché des plus déprimants! Les plantes sarclées, quant à elles, vu le «cimentage» des terres, ont dû attendre quelques pluies fin octobre, afin d'être récoltées sans trop de dommage. Respecter cette année les contrats de livraison aura été une vrai gageure, pour les «patatiers»!
Il faut subir, s'adapter, s'organiser, réagir, anticiper. C'est le métier d'agriculteur qui veut ça. Le changement climatique nous invitera sans doute à revoir régulièrement nos copies, pour trouver des solutions au cas par cas, de nouvelles opportunités, et qui sait?, délaisser certaines spéculations et découvrir d'autres cultures ou élevages.
Il repleut, bergères et bergers, betteraviers et patatiers, rentrons nos blancs moutons, racines et tubercules....