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Partage et succession: un fermage non payé peut être considéré comme une donation

Suite au décès de nos parents nous sommes trois enfants à être impliqués dans une procédure de liquidation partage judiciaire. Une des points de discussion est le paiement des fermages à nos parents. Depuis la reprise de la ferme, mon frère a toujours eu 14 hectares de terres en bail à ferme mais, il ne peut pas prouver le paiement du fermage. Que faire ?

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Le paiement du fermage est une obligation du preneur. L’article 1728 Code Civil précise que le preneur est tenu à deux obligations principales. D’une part, user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention. Et d’autre part, payer le prix du bail aux termes convenus.

Non payés mais…

Ce fermage doit être payé au bailleur. Après le décès de votre père, nous supposons que votre mère a reçu l’usufruit sur la part de votre père. Dans ce cas, votre frère était obligé de lui payer le fermage pour la part de votre père, vu sa qualité d’usufruitière.

Si votre frère ne peut prouver les paiements de fermages, ils seront considérés comme non payés. Néanmoins, cela ne signifie pas, que les autres enfants peuvent réclamer directement à ce jour tous les fermages à leur frère. La raison est reprise dans les règles sur la prescription. Selon l’article 2277 du Code Civil, les loyers des maisons et le loyer des biens ruraux se prescrivent par cinq ans.

Depuis le décès de votre mère, votre frère doit payer le fermage à l’indivision. Généralement, le preneur paie sur le compte du notaire qui s’occupe de la liquidation et du partage.

Une donation ?

D’après votre courrier, votre frère n’a pas payé de fermages sur une période de plus de 20 ans. Il semble donc qu’il s’agissait du choix de vos parents de ne pas réclamer le fermage, même s’il y avait un bail à ferme. Cette renonciation libérale est une donation indirecte qui échappe aux règles de forme des donations.

Dans la jurisprudence, on trouve un arrêt intéressant de la Cour d’Appel de Liège de 27 mars 2013. Celle-ci a décidé que l’occupation par l’une des filles de la défunte du premier étage d’un immeuble appartenant à sa mère pendant trente-trois ans s’apparentait à une donation indirecte de la défunte à sa fille.

Formuler des revendications

Comme la procédure de liquidation partage judiciaire est déjà en cours, il faut s’adresser au notaire liquidateur pour la problématique des fermages non-payés. Le notaire liquidateur a comme mission principale de procéder aux comptes que les parties peuvent se devoir, de former la masse, de composer les lots et de les attribuer à chacune des parties.

Pour le non-paiement des fermages qu’on peut analyser comme donation indirecte, il faut formuler des revendications au notaire liquidateur. Une revendication est une demande formée par un copartageant.

À introduire à temps !

Il est important de communiquer votre revendication à temps au notaire liquidateur. L’article 1218 du Code Judiciaire stipule que les parties disposent, pour la communication de leurs revendications et pièces au notaire liquidateur et aux autres parties, de deux mois à compter de la clôture de l’inventaire. À défaut d’inventaire, les parties disposent, pour la communication de leurs revendications et pièces au notaire liquidateur et aux autres parties, d’un délai de deux mois, à compter du jour de la communication, par le notaire liquidateur, de la copie du procès-verbal d’ouverture des opérations.

Les parties ont la possibilité de modifier ces délais à l’amiable. On parle dans ce cadre de la mise en état conventionnelle ce qui implique que le notaire liquidateur et toutes les parties concluent un accord concernant les délais à respecter pendant la phase notariale, particulièrement concernant le délai dans lequel les parties doivent communiquer leurs revendications et pièces. Les délais sont fixés dans le procès-verbal d’ouverture des activités ou dans des procès-verbaux ultérieurs pour les délais qui sont alors convenus. Dans la pratique, on peut travailler de procès-verbal en procès-verbal, où il s’agit alors au moins de fixer le délai de l’étape suivante.

Sauf accord de toutes les parties ou en cas de découverte de nouveaux faits ou de nouvelles pièces revêtant un intérêt déterminant, le notaire liquidateur ne tient pas compte des revendications, observations et pièces communiquées après l’échéance des délais convenus ou fixés par la loi. Prenez donc garde de communiquer la demande de prendre les fermages non-payés en considération comme donation à temps au notaire liquidateur.

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