Le contrat verbal

traditionnel survit

à l’attaque juridique

Les faits : un éleveur rend visite à un marchand de bétail venant tout juste de ramener des bêtes du marché de Ciney. Le marchand et l’éleveur négocient alors verbalement la vente/achat de deux vaches. Ils trouvent un accord et le contrat est conclu d’une poignée de main.

Quelques jours plus tard, le marchand livre deux vaches à l’éleveur et celui-ci les accepte. Le jour même, le marchand rédige sa facture et demande le paiement. Après quelque temps d’attente, le marchand lui envoie une mise en demeure par lettre recommandée par l’intermédiaire de son avocat mais l’éleveur ne paie, ni ne réagit.

Finalement, le marchand cite l’éleveur devant le tribunal et demande sa condamnation à payer la facture pour les deux vaches.

Les principes fondamentaux

Dans le Code Civil, plusieurs principes fondamentaux règlent les liaisons contractuelles entre les parties. L’article 1315 du Code Civil dispose, entre autres, que celui qui demande l’exécution d’une convention est obligé de prouver l’existence de cette convention.

Selon l’article 1341 du Code Civil, il doit être passé acte devant notaire ou sous signature privée, de toutes choses excédant une somme ou valeur de 375 €, même pour dépôts volontaires ; et il n’est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur moindre de 375 €.

De plus, l’article 1325 du Code Civil dispose que les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques (contrats bilatéraux), ne sont valables que lorsqu’ils ont été faits en autant d’exemplaires qu’il y a de parties avec un intérêt distinct. Pour toutes les personnes ayant le même intérêt, un exemplaire suffit. Chaque exemplaire doit contenir la mention du nombre total d’exemplaires. Néanmoins, le défaut de mention de la reproduction des exemplaires originaux (doubles, triples, etc.) ne peut être opposé par celui qui a exécuté de sa part la convention portée dans l’acte.

La défense de l’éleveur

C’est sur base de ces principes fondamentaux que l’éleveur fonde sa défense. Comme prévu dans l’article 1325 du Code Civil, il prétexte l’incapacité du marchand de fournir une preuve écrite de la convention de vente et conteste donc la vente.

Selon l’éleveur, le Tribunal doit refuser la demande du marchand car il ne dispose pas d’un contrat de vente des vaches par écrit.

La réplique du marchand

De son côté, le marchand de bétail répond que la convention de vente-achat a été conclue de manière traditionnelle, c’est-à-dire verbalement et avec une poignée de main. Selon lui, l’absence de contrat écrit est tout à fait normale et habituelle dans le monde agricole. Il explique que les vaches ont été livrées comme convenu avec l’éleveur et que celui-ci a accepté les bêtes sans discussion. Il précise également que l’éleveur n’a jamais contesté ni la facture ni la mise en demeure.

Par ailleurs, le marchand a déposé comme preuve la liste Sanitrace et les bordereaux attestant de l’achat des vaches sur le marché et de leur arrivée chez l’éleveur. Selon lui, il prouvait ainsi l’exécution de la convention par la livraison et acceptation celle-ci.

La décision du tribunal

Lors du jugement du 27 janvier, le Tribunal de Premier Instance de Courtrai suit la vision du marchand.

Le tribunal considère qu’il est de connaissance générale que le commerce de bétail procède verbalement et par poignée de main lors de la conclusion d’une vente. Il constate également que le marchand prouve, sur base des documents de Sanitrace, qu’il a effectivement livré les vaches à l’éleveur et qu’il n’a jamais reçu paiement pour ces bêtes.

Le tribunal ne suit pas la défense de l’éleveur stipulant qu’il existe peut-être une autre raison expliquant la livraison de ces vaches chez lui.

Sur base de ces éléments, le tribunal estime que la convention est prouvée. L’éleveur est donc condamné à payer la facture et tous les frais de procédure.

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