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Les dangers sanitaires de la faune sauvage

Les agents pathogènes comme la besnoitiose ou la peste

porcine ne s’arrêtent pas aux frontières. Ces maladies

peuvent aisément se répandre d’un pays à l’autre,

notamment via les animaux sauvages.

Voyons comment sont gérés ces problèmes

en Belgique... et chez nos voisins.

Temps de lecture : 8 min

LArsia (Association régionale de santé et d’identification animales) a profité de son assemblée générale pour évoquer les risques de la cohabitation entre les animaux d’élevage et la faune sauvage, cette dernière constituant un réservoir de maladies certain. Comme le précise le président Jean Detiffe, la Belgique est pour le moment indemne de plusieurs maladies qui se rapprochent pourtant dangereusement de nos frontières, comme la grippe aviaire au nord, la langue bleue et la besnoitiose au sud et la peste porcine à l’est. Il est donc important de s’informer sur la gestion de la faune sauvage qui ne s’arrête pas aux frontières humaines.

Pour débuter et mieux comprendre l’éthologie de ces animaux, Alain Licoppe du Demna (Dgo 3) présente l’état des lieux des populations de cerf et de sanglier en Wallonie. Il précise d’emblée que, parmi le grand gibier, le cerf est la seule espèce soumise à un plan de tir. C’est le Dnf (Département de la nature et des forêts) qui est chargé de la gestion de ce plan de tir et le distribue aux différents conseils cynégétiques. Un conseil cynégétique est présent par secteur, et c’est lui qui répartit les bracelets (un bracelet pour un cerf à tuer) entre les chasseurs de son territoire.

Le cerf, plus facile à gérer que le sanglier

Les règles ne s’arrêtent pas là, puisqu’un constat de tir est nécessaire pour chaque animal. Cela signifie qu’un agent forestier doit constater la chasse réussie du cerf. Cela permet un suivi en temps réel via une base de données, et d’effectuer des statistiques de tir. Au printemps, un comptage est réalisé pour estimer les populations par indice nocturne d’abondance. En outre, la densité de population est modélisée, sachant qu’une biche engendre un faon par an quel que soit le contexte à partir de ses 2 ans.

Le problème de cette espèce est qu’il existe une grande hétérogénéité de sa densité de population au sein du territoire, voire parfois au sein même d’un conseil cynégétique. Avec une population en hausse régulière, un pic de tirs réussis a été observé en 2010, mais depuis le nombre d’individus semble en baisse.

Pour le sanglier, il n’y a pas de plan de tir. Le chasseur décide lui-même des limitations, en sachant que d’après la loi, c’est lui qui est responsable des dommages aux cultures par le grand gibier. De plus, aucune méthode de monitoring de sa population n’est idéale. L’évolution des statistiques de tir représente dans ce cas la meilleure image de cette évolution. Il est donc nécessaire d’améliorer la documentation des tirs et la rapidité de transmission des données.

Plus de nourriture pour plus de sangliers

Contrairement à la biche, la laie commence à se reproduire à un poids seuil d’environ 30 kg. Et plus elle est grosse, plus elle va engendrer de marcassins qui auront également plus de chance de survie. La prise de poids dépend de beaucoup de paramètres tels que la fructification forestière, la présence de cultures de maïs proches ou les conditions climatiques extrêmes. Or, depuis une quinzaine d’années, ces conditions sont de plus en plus favorables à la croissance du sanglier.

Depuis environ 30 ans, le nombre de sangliers prélevés a grandement augmenté, avec certains pics lorsque les conditions de vie du sanglier étaient idéales. Un pic des dégâts en agriculture a été observé en 2013, mais il s’agissait d’une année durant laquelle peu de nourriture était accessible aux animaux.

Le taux de reproduction est aussi en hausse depuis plusieurs années, de même que la prise de poids des marcassins. On constate à ce niveau des disparités régionales, la prise de poids étant beaucoup plus conséquente dans le Hainaut qu’en province de Luxembourg, par exemple, ce qui se traduit par une reproduction plus hâtive dans la région de Mons que dans les Ardennes.

Le réseau de capture identifie que, malgré un caractère casanier (87 % des mâles et 96 % des femelles ne s’éloignent pas d’un rayon de 10 kilomètres de leur zone de naissance), certains individus voyagent et se répandent donc de plus en plus en Wallonie.

Vigilance et surveillance

Annick Linden, du service faune sauvage de l’université de Liège, prend ensuite la main pour présenter la situation épidémiologique de la Wallonie. Le réseau de surveillance sanitaire de la faune sauvage en Wallonie dont elle fait partie présente trois objectifs principaux : la vigilance qui consiste à détecter l’apparition de nouvelles maladies, la surveillance pour déterminer l’importance des maladies présentes, et la livraison de données pour des études. Les pathogènes ciblés sont choisis selon une liste hiérarchisée qui est revotée chaque année en fonction du contexte sanitaire.

La surveillance peut être ciblée, c’est-à-dire programmée et basée sur un échantillonnage aléatoire du gibier abattu à la chasse. Elle peut également être passive, via l’autopsie d’animaux retrouvés morts. Trente congélateurs sont d’ailleurs répartis en Wallonie afin d’y laisser les animaux trouvés morts pour qu’ils soient autopsiés à Liège. Ce sont ainsi plus de 2.000 animaux sauvages qui y sont étudiés chaque année.

Maladies ciblées

Les études ciblées portent sur plusieurs maladies.

 la tuberculose bovine : sa gestion est difficile quand des populations sauvages sont infectées. La Belgique en est officiellement indemne depuis 2003, mais 5 foyers ont fait leur apparition en 2017 et un autre en mars 2018. Le plus inquiétant est la présence en France de nombreux blaireaux infectés. C’est pour cela qu’a été lancé le projet Wildtub entre 2014 et 2016, qui visait à surveiller la tuberculose bovine chez la faune sauvage (cerfs, sangliers, blaireaux). Sur plus de 4.000 carcasses chassées et 800 animaux trouvés morts, aucun cas n’a été recensé.

 la paratuberculose : une thèse de doctorat est en cours sur le sujet. Elle infecte le cerf beaucoup plus tôt que les bovins.

 la brucellose : la Belgique en est officiellement indemne depuis 2003, mais deux foyers ont été observés à Corenne (en 2012) et Bertrix (en 2016), amenés par des sangliers. Une étude sur le sujet a montré qu’un sanglier sur deux possédait les anticorps de la maladie, alors qu’un sur huit est porteur de la brucellose de manière asymptomatique.

 la maladie d’Aujeszky : la Belgique en est indemne depuis 2011, mais le virus circule de manière endémique et asymptomatique dans nos populations de sangliers. Le chien y est mortellement sensible, mais un vaccin inactivé est disponible depuis cette année. Néanmoins, il n’est pas efficace à 100 %, donc il ne faut jamais donner d’abats de sanglier à son chien.

 la peste porcine africaine : elle progresse inexorablement en Europe et est très présente dans les pays Baltes. Les sangliers trouvés morts sont analysés et très vite éliminés car ce virus peut survivre plusieurs semaines dans la carcasse et son environnement proche.

 Trichinella spp : parasite présent dans les muscles des sangliers. Tous les animaux chassés sont analysés mais la Belgique est une zone à faible risque de trichine.

Les stratégies de prévention et de lutte en faune sauvage sont basées sur la formation et l’information du milieu cynégétique, les plans de prévention et de lutte conjoints, les règles strictes de biosécurité, les tirs sanitaires, la gestion des populations et la vaccination des animaux sauvages. Les tirs sanitaires permettent de tuer toute l’année des animaux qui s’avèrent malades ou affaiblis.

Pour conclure, Annick Linden souligne que ce sont les personnes formées, comme les chasseurs qui s’intéressent à cette problématique, qui constituent les premières sentinelles.

En France, la tuberculose effraie

Et en France, comment cela se déroule-t-il ? Céline Richomme, de l’agence nationale de sécurité sanitaire (anses) l’explique au travers de l’exemple de la tuberculose bovine. Si le pays dispose du statut indemne depuis 2001, le taux de prévalence augmente chaque année depuis 2004 et, bien que toujours en dessous, se trouve très proche du seuil critique actuellement.

Les facteurs qui expliquent cette ré-émergence sont le changement de pratiques d’élevage, allant vers plus de vaches allaitantes, l’augmentation des interfaces via l’extensivité de l’élevage et donc une présence plus longue en pâtures, ainsi que l’augmentation de la densité de la faune sauvage.

Les populations d’hôtes peuvent présenter plusieurs rôles épidémiologiques. Le cul-de-sac ne joue aucun rôle dans le maintien ou la transmission de l’infection. L’hôte de liaison ne peut maintenir l’infection seul mais peut transmettre l’agent pathogène à une autre population. L’hôte de maintien est capable de maintenir l’infection et de la transmettre à d’autres. Un réservoir peut donc être constitué d’hôtes de maintien et/ou d’hôtes de liaison connectés épidémiologiquement.

Des défis à relever

En France, plusieurs défis existent pour mieux connaître et mieux contrôler la tuberculose bovine. Il est tout d’abord nécessaire d’améliorer les outils diagnostiques et les protocoles de surveillance. C’est ce qui se fait via Sylvatub (l’équivalent français de Wildtub) qui permet d’harmoniser la surveillance, détecter et suivre le niveau d’infection, et enfin faire les liens épidémiologiques entre la faune domestique et la faune sauvage.

Pour mieux comprendre la circulation de la maladie, il faut identifier les souches, estimer les densités de population et déterminer la relation entre les foyers d’élevage et les foyers sauvages. Le rôle de l’environnement dans la transmission des maladies est également très important, puisque des contacts indirects peuvent avoir lieu via le sol des terriers de blaireaux ou des latrines.

Enfin, pour lutter contre la maladie, il faut limiter les contacts infectieux en détruisant les viscères, régulant les populations, interdisant le nourrissage et améliorant la biosécurité en élevage. Les Français tentent également d’améliorer la gestion des parcs de chasse, tout en surveillant et menant des enquêtes épidémiologiques bovines. Une perspective de piste de contrôle supplémentaire se trouve également dans la vaccination des animaux sauvages.

Céline Richomme conclut en soulignant l’importance primordiale de poursuivre la surveillance et la lutte dans les populations d’animaux sauvages, mais aussi domestiques. Si la Belgique n’a rien à envier à la France dans sa gestion sanitaire, il reste intéressant d’observer ce que font nos voisins pour lutter contre les maladies qui se rapprochent dangereusement de nos frontières.

J.D.

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