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Outre les cerisiers et pruniers, laissez-vous tenter par l’abricotier et le pêcher, voire l’amandier

Appartenant au genre Prunus, comme les pruniers et cerisiers, les abricotiers, pêchers et amandiers méritent eux aussi une place dans nos vergers. Bien que demandant des conditions climatiques et pédologiques particulières, ils sauront gâter de délicieux fruits les plus patients d’entre nous.

Temps de lecture : 12 min

Après avoir abordé l’histoire et la conduite des espèces à pépins (lire Le Sillon Belge du 14 décembre), intéressons-nous maintenant aux espèces à noyau de genre Prunus.

Le genre Prunus, dans la famille des amygdalacées, compte environ 300 espèces des zones tempérées et subtropicales de l’Hémisphère Nord. De nombreuses espèces à feuillage caduc ou persistant sont utilisées en ornement, notamment le très vaste groupe des « cerisiers du Japon » et les « lauriers-cerises ».

Quelques-unes sont indigènes ou d’introduction très ancienne comme le merisier (Prunus avium), le cerisier à grappes (Prunus padus) ou certains pruniers. D’autres ont été introduits en Europe au début de notre ère, par exemple les pêchers. Quant aux abricotiers, leur diffusion en Belgique fut plus tardive encore et n’a jamais été massive ; les amandiers n’ont été plantés en Belgique que dans quelques jardins, au 20ème siècle, principalement pour l’ornement. Notre climat printanier n’est pas adapté à leur floraison très précoce.

Des traits de famille

Tous les Prunus ont un nombre de chromosomes qui est un multiple de 8, à savoir : 2 n = 16 chez les cerisiers à fruits doux, les cerisiers de Sainte-Lucie, les pêchers, les abricotiers, les amandiers et les pruniers japonais ; 2n = 32 chez les cerisiers à fruits acides ; 2 n = 48 chez les pruniers européens et les mirabelliers ; chez les myrobolans et les prunelliers, le nombre de chromosomes varie de 16 à 48.

La floraison des Prunus intervient avant la feuillaison, ce qui lui confère un caractère décoratif et très spectaculaire. La structure des fleurs est identique chez tous les Prunus : fleurs hermaphrodites sessiles ou pédonculées ; calice à 5 lobes ; corolle à 5 pétales libres blancs ou roses ; 15 à 30 étamines libres ; un seul carpelle ; ovaire supère à un style contenant deux ovules dont un avorte. Après fécondation, l’ovaire évolue en une drupe charnue contenant un noyau ligneux.

Les tissus des Prunus (feuilles, fleurs, écorce des tiges et graines) contiennent de l’amygdaline, un glucoside qui libère de l’acide cyanhydrique (= acide prussique) qui leur confère une odeur dite « d’amande » et un goût amer.

Les autres caractères seront évoqués séparément pour les différentes espèces de fruits à noyau.

Leur adaptation au sol et à notre climat

Les espèces fruitières à noyau n’apprécient pas plus une forte humidité du sol que celle de l’air. De manière générale, un sol lourd, qui retiendra beaucoup d’eau et sera peu aéré, leur sera préjudiciable.

C’est pourquoi en Belgique, pour les espèces les plus sensibles (abricotiers, amandiers et pêchers), on utilisera de préférence comme sujets porte-greffe des pruniers qui sont un peu plus résistants à l’asphyxie. De même, pour les cerisiers à fruits doux, comme les SPG merisiers, Sainte-Lucie ou certains SPG nanifiants craignent l’excès d’eau même temporaire, un bon drainage naturel du sol est indispensable. Seul un SPG iranien dénommé Edabriz, qui est un griottier, semble plus tolérant à cet égard.

En ce qui concerne les conditions atmosphériques, les pluies fréquentes de nos printemps sont très défavorables à la fructification et à la croissance des Prunus. La moniliose des fleurs et des rameaux détruit à la fois les fleurs de l’année et les jeunes rameaux qui porteront des fleurs l’année prochaine. Seuls des traitements fongicides préventifs pré- et post-floraux peuvent être efficaces pour contrôler ce cryptogame.

En automne lors de la chute des feuilles, et en hiver, la bactérie Pseudomonas morsprunorum peut infecter les rameaux des Prunus via les cicatrices foliaires et les plaies de taille ; les arbres dépérissent branche par branche si on n’intervient pas préventivement avec un produit cuprique au début de la chute des feuilles, puis à la fin de celle-ci.

Comme les espèces à noyau fleurissent particulièrement tôt, à une époque où des gelées printanières sont encore possibles, le risque de destruction des fleurs existe chaque année. Comme on l’a encore vu le 20 avril 2017, quelques heures de gel suffisent à anéantir toute la production.

Tout ceci explique que les espèces à noyau se plaisent davantage dans des climats continentaux où à une saison froide succède une saison chaude et sèche, que dans nos climats où dès la fin de l’hiver se succèdent des épisodes doux entrecoupés de périodes pluvieuses. De plus, la douceur de certains hivers provoque un débourrement précoce, une fois que les besoins en froid ont été satisfaits et que la dormance a été levée.

Pour les abricotiers, préférez un mur bien exposé

La dénomination Prunus armeniaca laisserait penser que cet arbre provient d’Arménie. Or cette espèce est largement répandue depuis l’Asie mineure jusqu’à l’Ouest de la Chine. Elle serait originaire du Nord de la Chine et de Mandchourie où elle a été cultivée dès 2.000 ans avant notre ère. Elle a été introduite en Europe occidentale à la Renaissance, dans des jardins de châteaux.

La rusticité des abricotiers est comparable à celle des pêchers, mais les risques de destruction des fleurs par le gel printanier sont un peu plus grands. Sa culture peut être envisagée à bonne exposition à condition toutefois d’utiliser comme SPG un prunier (Saint-Julien, Myrobolan ou Damas).

Le sol doit être perméable et chaud, même calcaire. Comme dit plus haut, les sols froids, humides ou compacts sont à éviter. De même, il ne faut pas rapporter du Sud de l’Europe des arbres greffés sur abricotier franc.

L’abricotier est de petite taille : 5 à 6 m de haut, à cime sphérique aplatie. Les feuilles sont implantées sur un coussinet proéminent qui donne aux jeunes rameaux un aspect rugueux ; elles sont ovales ou cordées, glabres, un peu coriaces, à long pétiole portant des glandes.

Les fleurs sont solitaires, grandes, à pédoncule très court ; les pétales sont blancs ou blanc-rose. Les abricotiers sont autostériles ou partiellement auto-fertiles selon les variétés.

Les fruits sont globuleux, avec un sillon très marqué ; leur épiderme de teinte jaune-orange avec une joue teintée de rouge devient glabre à maturité. La chair est jaune, fondante, très juteuse, sucrée et très parfumée à pleine maturité, peu adhérente au noyau. Le noyau est lisse ; son amande est plus ou moins amère ; on en extrait une huile.

L’abricot est un fruit très fragile qui ne peut être récolté qu’à maturité si on veut que, son arôme soit optimal. Cela signifie que comme la durée du circuit commercial qui nous amène des abricots du Sud de la France, d’Espagne ou d’Italie est de plusieurs jours, les fruits doivent être cueillis avant terme, encore assez fermes pour supporter le transport, mais moins parfumés.

Planter des abricotiers ?

Dans nos jardins, on conseillera de cultiver les abricotiers adossés à un mur bien exposé, et conduits en éventails distants de 3 à 5 m, plutôt que de les implanter en plein-vent et conduits en buissons.

Dans le Sud de l’Europe, de très nombreuses variétés sont proposées par les pépiniéristes. Traditionnellement, on propose en Belgique :

– l’abricot ‘Pêche de Nancy’ autostérile, à gros fruits orange, mûrissant dans la première quinzaine d’août ;

– l’abricot ‘Royal’ auto-fertile, à gros fruits ovales jaune pâle, mûrissant un peu plus tôt que le précédent ;

– l’abricot ‘Luizet’ à très gros fruits, mûrissant dans la seconde moitié de juillet ;

– l’abricot ‘Bergeron’ à gros fruits à chair ferme mûrissant à la mi-août.

Sous notre climat, la longévité des abricotiers est limitée ; souvent ils manifestent une gommose qui est un signe de « mal-être ».

Le Centre fruitier wallon situé à Merdorp (Hannut) a entamé récemment une étude du comportement de quelques variétés nouvelles conduites en buissons. L’avenir nous dira si certaines d’entre elles sont ou non adaptées à nos conditions de climat dans le contexte général d’un réchauffement.

L’amandier, un fruitier à tester

Prunus amygdalus (= Prunus dulcis) est l’amandier cultivé. Il est originaire des zones montagneuses d’Iran et d’Afghanistan où existent de nombreux sous-types. Dès la Préhistoire, il a trouvé dans le Bassin méditerranéen des conditions très favorables à sa culture, par exemple en Grèce où il existait déjà plusieurs siècles avant notre ère. De là, il fut introduit en Italie, dans le Sud de la France et dans la Péninsule ibérique, ainsi qu’en Afrique du Nord.

L’amandier y était souvent multiplié par semis et cultivé « en sec » sur des sols pauvres parce que considéré comme très rustique. Sa production constituait un complément à l’alimentation familiale jusqu’au milieu du 20ème siècle.

C’est aux États-Unis, principalement en Californie centrale, que s’est développée une culture moderne des amandiers : variétés sélectionnées, arbres greffés, irrigation, organisation de la filière commerciale… Les États-Unis sont ainsi devenus le premier producteur d’amandes avec plus de 850.000 t par an (près de la moitié de la production mondiale !). L’Espagne a opéré une modernisation des vergers traditionnels d’amandiers et est devenue le deuxième producteur, avec 350.000 t par an.

Un arbre de taille moyenne

à tester

L’amandier atteint 7 à 8 m de haut ; il est cultivé en buisson, planté à 6-7 m d’écartement. Le tronc tortueux comporte une série de charpentières dressées qui portent des rameaux étalés. Il supporte des froids importants (-20ºC) pendant l’arrêt de végétation, mais sa floraison très précoce tout à fait spectaculaire est souvent endommagée par des gelées tardives.

En France, la station Inra de la Grande Ferrade, proche de Bordeaux, a sélectionné une série de variétés d’amandiers à floraison tardive : par exemple ‘Ferragnès’, ‘Ferralise’, ‘Ferrastar’, ‘Ferraduel’… L’avenir nous dira dans quelle mesure elles sont adaptées à notre climat.

Les cerisiers et les pruniers, des fruitiers aux origines diverses

Comme ces deux arbres fruitiers ont récemment été détaillés dans Le Sillon Belge (lire nos éditions des 20 juillet 2018 et 2 novembre 2018), nous n’y reviendrons ici que pour évoquer leurs origines.

Les cerisiers

Les cerisiers cultivés pour la production de fruits appartiennent aux espèces Prunus avium pour les bigarreaux et les guignes, Prunus cerasus pour les griottes, et Prunus X acida pour les cerises anglaises et royales. Plusieurs autres Prunus peuvent être utilisés comme sujets porte-greffe, principalement Prunus mahaleb, le cerisier de Sainte-Lucie.

Prunus avium est présent en Europe depuis le Néolithique (- 5000 ans) comme en attestent les noyaux retrouvés dans la vase sous les habitats palafittes en Suisse. Prunus cerasus est originaire du Caucase, et des bords de la Mer noire et de la Mer caspienne. De là, il aurait été importé en Grèce au 4ème siècle avant notre ère puis dans le Monde romain trois siècles plus tard.

Prunus mahaleb est une espèce méridionale européenne qui demande un sol sec, calcaire et une bonne exposition, et qui craint l’humidité. Cette espèce se rencontre occasionnellement en Gaume ; elle est plus fréquente en Champagne. L’origine de Prunus X acida est inconnue.

Les pruniers

Les pruniers cultivés pour la production de fruits sont classés par les botanistes dans l’espèce Prunus domestica, et les mirabelles dans l’espèce Prunus insititia. Prunus cerasifera, le myrobolan (ou myrobalan) porte aussi des fruits comestibles.

Prunus domestica est inconnu dans la nature, sauf dans les Balkans. Il peut être considéré comme une espèce « fourre-tout » si on considère la très grande diversité des caractères végétatifs et de l’aspect des fruits. Il serait originaire du Sud de l’Europe, du Caucase et des rives de la Mer caspienne, par des croisements spontanés entre Prunus cerasifera et Prunus spinosa, le prunellier. À l’époque romaine, sa culture s’est fortement développée dans l’actuelle Bosnie.

Des noyaux de Prunus insititia ont été retrouvés dans les habitats lacustres de Suisse et de Savoie, datant du Néolithique. L’espèce est signalée comme étant spontanée dans toute l’Europe, de la Scandinavie au Bassin méditerranéen. Prunus cerasifera serait originaire du Caucase et d’Asie mineure.

Les pêchers : une déclinaison de fruits

Prunus persica ne provient pas de Perse comme sa dénomination latine le laisserait penser, mais de beaucoup plus loin à l’Est, la Chine, où sa culture est prouvée depuis plus de 4.000 ans. Ces pêchers dériveraient d’une espèce appelée Prunus mira originaire de l’Himalaya et répandue dans le Sud et l’Est de la Chine. On estime à un millier, divisées en trois groupes, le nombre de variétés de perches existantes en Chine.

La pêche est venue vers l’Occident via les routes commerciales de l’Antiquité, par la Perse, l’Egypte (en -1.400), puis la Grèce et le Monde romain qui la diffusa dans toute l’Europe, jusqu’aux Îles britanniques. Dans chaque région, une nette sélection fut opérée en fonction des contraintes climatiques locales.

Un arbre buissonnant

Le pêcher est, par ses caractéristiques, très proche de l’amandier. Il peut atteindre 5 à 8 m de haut, avec une couronne buissonnante constituée de nombreux rameaux grêles garnis de feuilles oblongues portant des glandes et de boutons floraux. Souvent, les bourgeons stipulaires présents de part et d’autre d’un œil ont évolué en boutons. Chaque bouton contient une seule fleur, à pédoncule très court.

Selon la variété, il existe deux types de fleurs : les une sont dites « rosacées », à cinq pétales roses étalés ; les autres sont dites « campanulées », à pétales plus foncés formant un petit entonnoir.

Plusieurs types de fruits

L’aspect des fruits et leur forme permettent de diviser les pêches en en cinq groupes ; quatre ont des fruits sphériques : les pêches proprement dites, à peau duveteuse (blanc-verdâtre et rouge) et à chair tendre (blanche ou jaune), juteuse et non adhérente au noyau ; les pavies, à peau duveteuse rouge et chair ferme (blanche ou jaune) adhérant fortement au noyau ; les nectarines, à peau lisse violette et chair tendre (blanche ou jaune) non adhérente au noyau ; enfin, les brugnons, à peau lisse violette, et chair blanche très ferme adhérant fortement au noyau.

Le cinquième groupe est appelé Peen-To (=Platycarpa) ; les fruits ont une forme aplatie et un noyau quasi-sphérique ; leur épiderme est blanc et rouge, la chair est tendre, de teinte blanche.

À cultiver à bonne exposition

En Belgique, la culture des pêchers en plein-vent réussit le mieux dans des microclimats plus favorables : des parcelles bien exposées abritées des vents du Nord et de l’Est, avec un sol léger ; les arbres seront conduits en buissons basse-tige ou demi-tige. Les pêchers peuvent aussi êtres plantés en formes palissées, adossés à un mur qui leur assurera un microclimat plus favorable. Les arbres seront alors conduits en palmette « à la diable », une forme moins rigoureuse que celles que l’on adopte pour les fruits à pépins.

Dans le passé, aux Pays-Bas et en Belgique, la culture du pêcher a été pratiquée sous serre, comme celle de la vigne et des pruniers américano-asiatiques.

De manière générale, la longévité des pêchers n’est pas très grande. Dans nos sols relativement lourds, à forte humidité hivernale, le choix d’un sujet porte-greffe prunier est préférable à un pêcher franc.

Certaines variétés de pêchers peuvent se multiplier par semis de noyaux, par exemple la ‘Reine des Vergers’, excellente variété de pêches à chair blanche, venant à maturité tardivement, en septembre.

Lutter contre la cloque

Cette maladie spécifique aux pêchers (Taphrina deformans) provoque, comme son nom l’indique, de fortes déformations du feuillage en début de saison sous l’effet d’une forte humidité atmosphérique.

Elle occasionne aussi la destruction des fleurs et de jeunes fruits. Le seul moyen de lutte consiste à traiter préventivement, au cuivre, peu avant la floraison, et de traiter à nouveau en fin de floraison avec un fongicide organique, moins agressif pour la végétation que le cuivre.

Ir. André Sansdrap

Wépion

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