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Des chutes en lait et métrites

pas si anodines qu’il n’y paraît

Julien Mathieu, éleveur laitier à Jalhay, est de ceux qui ont une approche très économique de leur métier privilégiant des faibles taux de renouvellement et de réforme mais avec une excellente productivité. Pourtant malgré une génétique robuste, il a vu plusieurs jeunes mères rencontrer des problèmes respiratoires accompagnés de chutes en lait et de petites métrites… Des symptômes indicateurs de la présence d’Histophilus Somni.

Rencontre avec l’éleveur et son épouse Brigitte Raquet.

Temps de lecture : 8 min

Quand Julien Mathieu reprend l’exploitation familiale en 1984, plusieurs challenges se dressent devant lui. Pour pouvoir s’installer, il doit faire ses preuves et être hyper économique. « Je m’étais fixe comme objectif de bien vivre de ma production et d’offrir un niveau de vie décent à ma famille en générant un revenu confortable. J’étais persuadé que le lait offrait une rentrée régulière et que ma région se prête bien à la production laitière ». Un challenge compliqué mais pas impossible à relever. « J’ai fait mes stages à l’APEDB – une structure qui passera dans le giron de l’Awé – où j’ai pu travailler sur des analyses de comptabilités. Une expérience qui lui permettra de se lancer en confiance dans le métier et de pouvoir faire face aux crises. « Très tôt, j’ai décidé d’adhérer à tout l’encadrement proposé par l’Awé. S’il est important de connaître ses chiffres, il l’est également de pouvoir s’ouvrir vers l’extérieur et de comparer sa comptabilité à celle d’autres éleveurs, d’où mon implication de tout temps dans un Ceta, un centre d’études techniques agricoles. »

Apprendre à générer de la marge

Si aujourd’hui Julien et son épouse, Brigitte, ont le vent dans les voiles, le couple dut d’abord s’adapter aux quotas. « D’abord un frein, ils nous ont permis d’apprendre à dégager une marge et ce même avec une production de 200.000 l. On a donc très tôt inséminé 100 % du troupeau en vue d’améliorer le niveau génétique. Les investissements sont raisonnés, le tout en gardant les frais fixes stables : pas de nouveau matériel, pas de bâtiment supplémentaire… Toutes les liquidités financières étaient investies dans l’achat de quota pour donner une dimension financière suffisante à l’exploitation pour investir dans les bâtiments plus tard.

C’est en 1995 qu’il se dote d’une stabulation en bois, à front ouvert en fond de vallée. Bien ventilée, l’étable offre les conditions sont optimales à la production de lait. D’autant qu’en 10 ans la production par vache a plus que doublé, passant de 3.300 à 7.000 l. L’éleveur produit alors quelque 450.000 l.

Outre l’augmentation de la production, la génétique permet de sélectionner les animaux sur leur fonctionnalité et leur longévité. L’objectif : faire des vieilles vaches. « On est toujours dans la même optique économique liée aux frais fixes et frais variables.

Aujourd’hui, la production est de 9.500 l/vache/an pour une production globale dépassant la barre des 700.000 l.

Valoriser les herbages

Une telle génétique est nécessaire quand le cheptel pâture jour et nuit, 180 jours l’année et relativement loin. Il est donc important d’avoir des animaux qui ont de bons aplombs, une bonne capacité d’ingestion de fourrages…

Si la génétique de concours ne l’intéresse pas, il fait tout de même classifier toutes ses vaches pour l’aspect économique. Il peut ainsi améliorer les paramètres de ses laitières et niveler les défauts. L’homogénéité du troupeau est très importante. « Je suis un éleveur de troupeau, je n’aime pas trop les extrêmes ! »

Pour Julien, la bonne vache, c’est celle qui est fertile et qui arrive en 10e lactation sans qu’on ne l’ait vue passer dans le troupeau (lisez : qui n’a connu aucun problème). Au dernier contrôle laitier, les vaches avaient une production, moyenne de 9.500 l/an avec 4,28 % de MG et 3,69 % de protéines, et ce, avec une alimentation quasi uniquement liée à l’herbe.

L’éleveur dispose de 60 ha de prairies, aucun de culture. Il est donc très attentif sa flore, d’où une pratique fréquente du sursemis. Au vu de la charge en bétail élevée, le pâturage y est très court « Tout le challenge est de s’adapter. Mes bêtes pâturent sur des grandes surfaces : des parcelles de 5 ou 6 ha pour 70 vaches. La clé de réussite du système ? Stimuler les vaches à manger beaucoup, en prairie comme à l’étable. S’il n’a pas de mélangeuse distributrice, il désile trois fois par jour pour amener de l’aliment frais aux animaux.

Dans une année normale, l’éleveur ne réalise que très peu d’achats de protéines, l’apport protéique de l’herbe étant suffisant. Pour l’apport énergétique, il se tourne surtout vers les pulpes surpressées.

Des taux de renouvellement et de réforme faibles

Julien Mathieu a pris le parti d’élever peu de jeunes bêtes. « Notre taux de réforme est fort faible, soit 17 %. On introduit entre 10 et 15 bêtes dans le troupeau par an. On en arrive à ce travers car on est obligé de travailler à l’économie. Une jeune bête, c’est toujours 26 à 28 mois d’improductivité qu’il faut amortir sur un nombre maximal de lactations. Or les indices de santé économique d’une exploitation sont l’âge à la réforme et le nombre de kilos de lait produit par jour de vie.

Pour lui, le commerce du jeune bétail est bon ! Il a pour règle de ne jamais en acheter à l’extérieur ! « On en élève toujours un peu de trop ! Bon an mal an, on vend de nombreuses génisses entre 3 semaines et 3 mois, 4 à 6 primipares en lactation, et l’export s’avère être un autre bon débouché. À force de sélectionner de la génétique, on arrive à proposer à la vente des bêtes qui ont une bonne conformation, de bons aplombs et de bons pis ! On ne vend pas de rebut. »

Grâce au VEG, soit la valeur d’élevage globale du troupeau, l’éleveur a une vue chiffrée sur chacune de ses vaches. En fonction des moins bonnes valeurs, au minimum 30 % de celles-ci seront inséminées avec du Blanc-bleu. J’essaye de m’imposer ce croisement pour ne pas être amené à élever trop car je suis limité d’un point de vue surface. Je dois charger mon exploitation d’animaux productifs ! » Le fait de vendre des animaux pour l’élevage c’est un petit plus au niveau trésorerie, mais ce qui génère du revenu c’est le lait, et les bons taux de matière utile qu’il contient, qui génère du revenu.

Après il faut pouvoir les faire vêler tôt. Pour le moment, il est 26 mois de moyenne mais l’objectif est d’abaisser cet âge au premier vêlage. « Quand on élève peu, le moindre souci de fertilité chez une laitière pénalise cette moyenne. Nous nous sommes donc intéressés aux petites métrites récurrentes qui survenaient l’été, chez certaines jeunes mères. Ces symptômes étaient toujours liés à une chute de production 1,5 mois après vêlages…

L’histophilose en cause

« On peut expliquer parfois une métrite, soit par un excès de protéines dans la ration, soit par un mauvais vêlage ou une rétention d’arrière-faix, mais dans ce cas-ci, elles n’avaient aucune origine explicable… C’était systématique de juillet à mi-septembre… une fois l’épisode passé, tout rentrait dans l’ordre ! » Toutefois, l’éleveur s’interrogea quant à la nécessité de réformer ces quelques primipares qui avaient une bonne production mais qui n’étaient pas facilement gestantes.

S’ensuivirent des discussions avec son inséminateur et un vétérinaire. Les problèmes semblent toujours liés à une hausse de température, à des affections pulmonaires. Le germe Histophilus somni est donc mis en cause. Un plan de vaccination des jeunes bêtes des jeunes bêtes.

C’est la deuxième année que l’éleveur vaccine. « J’avoue ne pouvoir affirmer qu’on soit passé du noir au blanc d’un point de vue fertilité car il y a un effet « sécheresse » de l’année dernière. Par contre, je suis catégorique, mes bêtes ne rencontrent plus de problème pulmonaire, de chute en lait systématiquement accompagnées de petites métrites. »

Économiquement, l’impact d’Histophilus somni est difficile à chiffrer. « Le germe reste pénalisant ! On a beau soigner une bête qui chute en lait suite à une petite fièvre, elle ne récupère pas toujours le niveau de production qu’elle avait avant ! De 35 l, elle passe à 25 l durant une petite semaine et remontera ensuite à 32 l. Certaines, plus sévèrement touchées, sont devenues infertiles. Vu que le germe ne touche que des bêtes en première, deuxième voire troisième lactation, une éventuelle réforme de ces animaux coûte cher ! C’est le plus gros impact financier lié à la maladie.

Il est toujours plus difficile d’amortir l’investissement consenti pour une jeune bête, légère, qui a produit près de 7.000 l par rapport à une vache adulte plus lourde qui en a produit plus de 30.000. « Tout concours économiquement à produire de vieilles vaches, à ce qu'elles soient en bonne santé et qu’il n’y ait pas d’impact de la maladie sur la production. Cela nous évite un stress ! Je suis éleveur parce que j’aime mes vaches, pas parce que j’aime rouler en tracteur », sourit-il.

Julien et son épouse sont soulagés d’avoir pu s’en débarrasser. Cet épisode, qui s’est étalé sur trois étés, n’a pas eu une dimension catastrophique, comme en élevage allaitant. Mais au vu de retours de terrain, leur cas ne semble toutefois pas isolé.

P-Y L.

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