Un, deux, trois, soleil

Le soleil luit pour tout le monde. C’est du moins ce qui se dit…
Luit-il de la même façon pour tous et partout, sur notre bonne vieille Terre ? Là, la réponse se complexifie ! Et qu’en pense-t-il lui-même, installé en bordure de sa Voie Lactée, ce roi-soleil entouré de sa cour de planètes qui tournent inlassablement autour de son auguste personne depuis des milliards d’années ?
Ah, soleil, soleil ! Que serions-nous, sans toi pour nous réchauffer ? Bien peu de chose : quelques poussières plongées dans l’obscurité la plus totale, des molécules sans vie.
Le soleil, on l’adore ! Après nous avoir boudés durant d’interminables mois, l’astre du jour nous gâte depuis quelques semaines, en ce début de printemps joliment coloré par le ciel azuré, mais balayé par un vent rageur venu du septentrion. Un printemps radieux, éblouissant, rieur oserai-je dire ! Ceci dit : rieur, rieur… pas pour tout le monde !
Dans nos pays au climat océanique tempéré, le soleil se dissimule volontiers derrière les nuages ; il se fait facilement oublier, désirer, exiger. Les gens d’ici aiment le rejoindre dans le Sud : ils courent, ils roulent, - que dis-je ! –, ils volent via Ryanair ou Brussels Airlines toutes voiles dehors, parce qu’ils le valent bien, parce que la vie n’aurait aucun sens sans leurs sacro-saintes vacances dans des endroits ensoleillés toute l’année… Certains y vont même transplanter leurs pénates à l’heure de la retraite, avant que le rideau ne tombe sur leur vie, afin de garder leurs vieux os bien au chaud en bord de Méditerranée.
Plutôt que l’eau de là, le soleil de chez nous me suffit amplement. Bon, d’accord, il joue un peu trop avec nos nerfs, nous oublie souvent, nous éblouit parfois et pas toujours à bon escient, mais que serions-nous sans lui ? Point de soleil, point de photosynthèse ! Point de miracle de la vie. Car il est tout pour nous : notre source d’énergie principale, quasi unique !
Il a stocké des réserves incalculables de charbon et de pétrole sous nos pieds, pendant des millions d’années. Il crée les vents, les nuages et la pluie, les rivières et les fleuves, les courants atmosphériques et océaniques. Il mène la danse de nos heures, de nos jours, de nos saisons, de nos peines et nos amours. Il se joue de nos humeurs, hâle nos peaux ou les basane, les brûle tantôt de ses UV. On l’aime ou le déteste ; il nous réveille en se levant, nous endort en se couchant : un, deux, trois, soleil !
C’est fou, quand on y songe ! Notre Terre se situe pile poil au bon endroit dans le système solaire : ni trop près du soleil pour être calcinée, ni trop loin pour rester glacée ! Il paraît que d’ici cinq milliards d’années, il se sera transformé en géante rouge ou je ne sais quelle étoile, et notre planète sera mangée, pulvérisée. On a encore le temps de voir venir, et d’ici là, l’espèce humaine aura certainement disparu, après s’être agitée durant quelques centaines de milliers d’années sous le soleil exactement.
L’homme aura bien profité de ses bienfaits, pour se nourrir et prospérer, à l’instar de la vie foisonnante autour de nous. Jamais à court d’idée, l’être humain innove sans cesse, trouve de nouvelles utilités, met au point des technologies pour capter un maximum d’énergie solaire, laquelle arrose généreusement notre Terre de ses photons sans jamais se lasser. Une source d’énergie colossale, inépuisable à l’échelle de notre éternité. La photosynthèse a montré la voie, et les hommes cherchent à l’imiter, par le photovoltaïsme. Un, deux, trois, merci soleil !
Les panneaux photovoltaïques colonisent les toitures, et même les champs ! Voilà qui est nouveau et surprenant : l’agri-photovoltaïsme ! De çà de là, fleurissent des projets de parcs photovoltaïques de plusieurs dizaines d’hectares. On parle même de « fermes photovoltaïques », avec des vaches et des moutons qui paissent sous des panneaux gigantesques, des tracteurs qui labourent et sèment entre des rangées d’immenses miroirs futuristes bleutés. Ces images de science-fiction sont angoissantes, ne trouvez-vous pas ? Un, deux, trois, soleil électrique dans la paix des champs !
Cet engouement dévorant va susciter de nouvelles convoitises, car les promoteurs d’énergie dite « verte » disposent de moyens financiers absolument colossaux. Ne vont-ils pas jeter leur dévolu sur certaines parcelles bien orientées ? Faire grimper le prix des terres qui n’en demande pas tant ?
Si les éoliennes font peur, elles n’occupent que de faibles surfaces, tandis que ces parcs photovoltaïques risquent d’envahir de vastes superficies, et j’ai comme un doute quant à la possibilité de maintenir une activité agricole à l’ombre de leurs panneaux. Qui vivra verra : un, deux, trois, soleil ! Stop. Faites vos jeux, rien ne va plus…