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Démocratie ?

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Chez les cochons, une gestation dure trois mois, trois semaines et trois jours, mon vétérinaire me l’a confirmé. Nos politiciens régionaux ont eu besoin d’un laps de temps fort comparable pour former le Gouvernement Wallon et celui de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce n’est pas étonnant, car le Parlement Wallon se trouve justement à Namur sur le site « du Grognon », je n’invente rien. Désormais copains comme cochons, PS, MR et Ecolo ont uni leur destinée et mis au monde une belle nichée de treize ministres, lesquels vont donc veiller sur nous au cours des cinq prochaines années. Dans le cochon, tout est bon : jambons, saucisses, côtelettes, lards et charcuteries. C’est un animal très propre sur lui, éminemment sympathique, qu’il soit rose, vert ou bleu, en tirelire ou en peluche. Nos ministres ont été choisis au terme d’un long processus démocratique, ou censé l’être. Mais peut-on parler chez nous de réelle « démocratie » ? Ne serait-ce pas plutôt de la « particratie » ?

Ne nous leurrons point. Au sortir des salles de vote, ce 26 mai dernier, nous avons déjà perdu notre faible pouvoir personnel, après avoir confié nos voix à l’un et l’autre candidats. Tant pis pour celui qui a cochonné son devoir électoral ; une fois celui-ci accompli, c’est trop tard. Sur les listes sont présentes à chaque fois des personnes choisies par les partis, placées en ordre utile dans le but de favoriser l’un(e) ou l’autre candidat(e). Pas moyen de voter pour des gens très valables, mais recalés par leurs chefs au sein de leur « famille » politique ! Comme un troupeau de moutons, les électeurs sont déjà dirigés vers des portes bien précises, ce qui limite tout de suite leurs choix. C’est ça ou rien. Les mêmes têtes reviennent mandat après mandat, puis leurs enfants ou leurs poulains, et cela dure sans fin depuis des lustres. Celui qui ne s’inscrit pas parfaitement dans la ligne imposée, n’a pas la moindre chance.

Ensuite, une fois les résultats connus, les partis négocient entre eux pour former un gouvernement. Le pouvoir -soi-disant démocratique- est alors détenu par une oligarchie, par un tout petit nombre de personnes : les ténors des partis ! Une fois un accord conclu, au terme d’une plus ou moins longue gestation, une coalition voit le jour, et là encore, les clefs du pouvoir sont partagés entre les mains d’une « fratrie » de ministres, lesquels sont choisis au sein de leur groupe respectif en fonction de leurs capacités, et bien évidemment selon des critères très stricts de fidélité et d’obéissance. Les vrais maîtres, ce sont les grands partis, ces puissances occultes et nébuleuses qui tirent toutes les ficelles, s’octroient à elles-mêmes des dotations publiques votées par leurs parlementaires, et n’hésitent pas éjecter ceux de leurs membres qui ne respectent pas les consignes.

À ce petit jeu, PS, MR et Ecolo ont placé cette fois leurs pions à la tête de la Wallonie. Les nouveaux ministres, épaulés par les administrations publiques, vont servir de points d’ancrage, d’arbres qui cachent la forêt, de punching-balls ou de boucs émissaires en cas de dérapage. Chacun d’entre eux va personnifier un secteur, une discipline. Pour nous, l’Agriculture Wallonne aura pour nom Willy Borsu, un MR bon teint, dont le langage direct nous changera des longues tirades tarabiscotées de son prédécesseur. L’Environnement, la Nature, le Bien-Être Animal, et le Développement Rural (appelé ici « Rénovation ») auront le frais minois de Céline Tellier, l’indomptable secrétaire générale d’Inter-Environnement Wallonie. Un tandem improbable MR-Écolo va dès lors « prendre soin » de notre agriculture régionale lors de cette législature.

Voilà qui promet peut-être quelques étincelles, entre l’ours pragmatique et la poupée qui fait joliment « non »… L’urgence climatique fera-t-elle oublier la débâcle agricole actuelle ? Nos campagnes vont-elles devenir un paradis écologique dans un désert économique ? Ou l’inverse ? Deux visions des choses très dissemblables ne vont-elles pas s’affronter ? Ou s’épauler ? Les défis ne manqueront pas pour ces deux ministres, ou plutôt pour ces deux partis qui ont jeté leur dévolu sur la ruralité et l’agriculture. Rassurons-nous : ils ont tous deux juré de travailler au mieux dans l’intérêt de TOUS les citoyens.

Est cochon qui s’en dédit…

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