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Les résultats des essais

et les clés du choix variétal

pour la campagne à venir

Comme chaque année, l’Institut royal belge pour l’amélioration de la betterave a passé au crible de nombreuses variétés en 2020. En voici les résultats, avec les faits remarque de cette dernière campagne, un regard rétrospectif sur les années antérieures… et des conseils pour un choix variétal visant les rendements et la maîtrise des coûts de protection de la culture.

Temps de lecture : 10 min

En début d’année, nous sortions d’une fin d’hiver 2019-2020 peu favorable, et les conditions climatiques du printemps qui a suivi n’ont rien arrangé !

Les fortes précipitations du mois de février et de la première moitié de mars (plus de 150 l/m²) ont véritablement refermé les sols les rendant difficiles à reprendre avant les semis.

Cette longue période de précipitations n’a pas permis d’aborder les terres pour détruire mécaniquement ou chimiquement les engrais verts mis en place avant l’hiver en cas de non-labour.

L’absence de gel a également eu des répercussions sur le travail du sol, surtout dans les fortes terres.

Un démarrage printanier poussif…

Les semis ont démarré vers le 25 mars, mais déjà à cette période, les vents orientés au Nord-Est desséchaient le lit de germination. La recommandation a été de semer les semences traitées avec Force à 2,5 cm de profondeur.

Les conditions desséchantes ont eu des répercussions sur la levée dans les terres à texture hétérogène et présentant des « bosses » argileuses : même si l’humidité était présente au moment du semis, le lit de germination s’est vite asséché.

Les faibles précipitations de début mai ont pu ponctuellement aider à combler les manques de levée mais les betteraves concernées ne se sont pas toujours bien développées.

… et une difficile maîtrise des adventices

Les parcelles dévolues à l’expérimentation variétale de l’Institut betteravier ont été semées entre le 25 mars et le 17 avril. La levée s’est déroulée très différemment selon les sites d’implantation des essais, en raison des conditions de préparation de sol et du manque de précipitations après le semis. L’Irbab a mis en évidence une moins bonne levée pour les variétés Annemonika Kws et BTS 1280 N.

Les plantules étaient à peine levées que les pucerons verts (principalement Myzus persicae) s’abattaient sur celles-ci, un mois plus tôt que l’an dernier. Au total, 4 traitements aphicides spécifiques ont parfois été nécessaires pour protéger les cultures de la jaunisse virale. Avec en outre un résultat décevant dans certaines situations.

Les premières fortes chaleurs ont été observées après la mi-juin, suivi d’un été non moins chaud et toujours avec un déficit de précipitation jusque fin juillet. Le climat estival très chaud (au-dessus de 40ºC) mais sec ne permet pas à la cercosporiose de s’installer et s’étendre très tôt, ce qui permet souvent de retarder le traitement fongicide, sauf si l’oïdium s’installe. Si bien positionné avec un bon choix de variété, un seul traitement est suffisant.

Toutes les données variétales sont présentées dans les tableaux 1 et 2, à savoir : les caractéristiques relatives au rendement (racine, richesse, tare terre), les résistances aux maladies foliaires, le risque de montaison, etc.

Prédominance de la rouille et développement tardif de la cercosporiose

Depuis plusieurs années, l’Institut de la betterave observe que la rouille apparaît dans les champs avant la mi-juillet. Son développement est lent, et sous une faible humidité relative et de fortes chaleurs estivales, la majorité des pustules ne se développent pas. La rouille reste présente au cours de l’été et son développement s’accélère ensuite vers le mois de septembre et octobre.

On évitera de traiter précipitamment contre cette maladie à ce stade et on veillera au contraire à raisonner cette intervention en fonction de l’apparition de la cercosporiose.

Cette année, le développement de la cercosporiose n’a réellement démarré que vers la mi-août et un traitement fongicide bien positionné a permis de préserver la santé du feuillage avec une seule application. Les températures élevées de la fin septembre ont favorisé la réinfection des variétés les plus sensibles.

La santé du feuillage globale et les différentes maladies sont désormais exprimées en «pourcentage de feuillage sain». Plus la valeur est élevée, plus la variété se montre tolérante aux maladies concernées.

La tolérance aux nématodes gagne du terrain

Malgré les conditions sèches du mois de mai, l’effet négatif des nématodes sur le rendement est bien mesurable. Les fortes chaleurs dès la fin du mois de juin ont entraîné des flétrissements importants, mais sans perte importante du feuillage. Les variétés tolérantes sont confirmé leur résultat tant sur le potentiel de rendement qu’en revenu en faible et forte infestation. Ces variétés ont été semées sur 65 % des surfaces en 2020.

Des arrachages perturbés par les pluies

Les arrachages ont commencé à la fin du mois de septembre – à peine quelques jours sous des conditions sèches –, mais les pluies (plus de 100 litres/m2 en quelques jours) sont rapidement venues freiner toute possibilité de récolte dans de bonnes conditions.

Vers le 10 novembre, la pluviométrie a dépassé localement 25 l/m².

Élevées en début de campagne (19,9º), les richesses ont chuté dès le début du mois d’octobre pour descendre vers 17,5º en octobre et atteindre 18º en novembre. Le rendement en sucre mesuré dans les essais de l’Irbab n’a pratiquement pas évolué pendant toute la saison d’arrachage.

Performances de toutes les variétés en situation classique (tab. 1 et fig. 2)

Toutes les variétés ont été testées dans des situations classiques dénuées de problème particulier connu en vue de comparer leur potentiel de rendement et d’établir les caractéristiques. Dans ces conditions, le choix variétal s’orientera préférentiellement vers les caractéristiques intrinsèques qui forment le rendement plutôt que vers le type de variété « rhizomanie », « tolérant au nématode » ou « résistant au rhizoctone brun ».

En plus du potentiel financier, des facteurs comme la tolérance aux maladies, la levée au champ, la sensibilité à la montaison peuvent guider dans le choix de l’une ou l’autre variété. Le regroupement pluriannuel des résultats des essais donne toujours une meilleure idée du comportement global de la variété sous l’influence des années différentes par leur climat, pression des maladies et autre.

Performances des variétés tolérantes au nématode en situation nématodée (tableau 2 et figure 3)

Le choix d’une variété tolérante au nématode à kyste Heterodera schachtii est impératif dans toute parcelle infestée par cet organisme nuisible. Au-delà de 150 œufs+larves par 100 g de sol, les pertes de rendement peuvent être de plusieurs pourcents, perte limitée par l’utilisation des variétés tolérantes au nématode. L’avantage des variétés tolérantes est d’autant plus net que l’infestation est forte, même si cette infestation se situe dans les couches plus profondes (en dessous de 30 cm).

Beaucoup de variétés tolérantes au nématode possèdent aujourd’hui un potentiel de rendement comparable à celui des autres variétés en situation classique. La détection de nématodes se fait par des analyses de sol, mais encore mieux par l’observation de la culture de betterave précédente. Certains symptômes sont des indicateurs de cette présence : jaunissement du feuillage avec une carence en magnésie, flétrissement par ronds, kystes (blancs) sur les radicelles de betteraves, rendements racines faibles.

Les variétés tolérantes au nématode à kyste conservent la capacité de multiplier le nématode, mais cette multiplication restera réduite par rapport à la multiplication mesurée avec des variétés de type classique !

Critères de choix variétal

Il convient de prendre en considération plusieurs paramètres.

La stabilité des performances variétales

Tout planteur sait bien que pour faire son choix de variétés pour le printemps 2021, il ne peut s’arrêter à l’expérience d’une seule année, qu’elle soit bonne ou moins bonne.

On entend par stabilité d’une variété les différences de rendement/richesse obtenus par la variété entre les années d’étude. Cette (in)stabilité peut être due à un changement de la composition variétale elle-même (stabilité génétique), mais aussi de l’influence de l’année (climat, levée, maladies…) sur le comportement de la variété (stabilité agronomique).

Si le changement génétique n’est pas autorisé, la stabilité agronomique est un facteur qui a son importance pour l’utilisateur.

Sur la base des résultats de cette dernière campagne, il est impossible de prédire le comportement des variétés dans des conditions à venir (climat, pression des ravageurs, pression parasitaire...), qu’il est impossible de prédire.

L’analyse des résultats, prenant en compte le potentiel des variétés sur plusieurs saisons (les variétés confirmées sur 3 ans sont à ce titre plus sécurisantes) ainsi que la stabilité de leur rendement et de leur richesse au fil des années, permettra de s’assurer d’un choix raisonné.

La tolérance des variétés aux maladies foliaires : une indication essentielle pour maintenir un feuillage sain

Les conditions climatiques des dernières années confiment une élévation de la température qui accroît la présence de maladies comme la cercosporiose, mais augmente également la pression sur l’emploi des fongicides, tant sociale en raison de leur impact sur l’environnement que par le développement de résistances des maladies.

D’où l’intérêt de recourir aux progrès de la sélection et de la tolérance variétale. Le capital « santé du feuillage » des variétés s’est avéré très utile depuis quelques années, même en 2019 et 2020 qui n’ont pas connu de forte pression de maladies.

Associée à la protection fongicide, la tolérance variétale s’inscrit dans la lutte intégrée (IPM) et doit permettre de préserver le bon état sanitaire du feuillage, tout en réduisant le risque d’apparition de résistance aux fongicides.

Il est évident que plus l’arrachage sera tardif, plus la tolérance des variétés aux maladies devra être prise en considération au moment du choix, afin de garantir le maintien du potentiel de production de la parcelle jusqu’en fin de saison.

Depuis plusieurs années, la rouille est la première des maladies foliaires à se montrer, mais elle ne constitue un réel danger que dans les régions côtières. En fin de saison, elle peut détruire le feuillage dès le mois de septembre (ce fut le cas en 2015 et 2017).

L’oïdium peut se déclarer brusquement en juillet ou en août et prendre de l’ampleur rapidement en quelques jours. Aujourd’hui, beaucoup de fongicides sont efficaces sur ces deux maladies, mais c’est aussi pour cette maladie que les plus grandes différences variétales sont visibles.

Parmi les maladies foliaires, la cercosporiose est certainement la plus dommageable car les traitements ne sont pas curatifs et d’une action réduite en durée. Choisir une variété plus tolérante est donc important pour maintenir un feuillage sain plus longtemps. Ceci est d’autant plus vrai que :

– la rotation en betterave est courte (la contamination vient de la parcelle) ;

– la parcelle semée est voisine d’une parcelle contaminée par la cercosporiose ;

– la récolte est tardive.

Pour cette raison, une appréciation globale de la santé du feuillage » est reprise dans la description variétale, où la sensibilité à la cercosporiose reste l’appréciation dominante (voir tableau 1).

Pour bien choisir ses variétés en 2021

Bien choisir ses variétés pour les semis de 2021 nécessite de bien connaître les particularités de ses parcelles.

La première question concerne la présence de maladies/parasites détectées auparavant dans la parcelle et où la résistance variétale peut apporter une solution :

– terre sujette à la cercosporiose : l’utilisation d’une variété avec un bon profil de tolérance est recommandé ;

– en présence de nématodes, l’utilisation d’une variété tolérante au nématode sera d’office conseillée, même si l’infestation n’est pas élevée (150 œufs + larves) ;

– dans une parcelle connue pour un problème de Rhizoctonia solani ou dans des rotations intensives de maïs/ray-grass le choix d’une variété résistante au rhizoctone brun s’impose. Rendement et résistance sont souvent inversement liés, il s’agira de choisir le bon niveau de résistance. Le choix ne s’arrêtera pas sur une seule variété ou un seul sélectionneur : la diversité permet de répartir les risques éventuels liés à la graine, montées, maladies…

Comme indiqué ci-avant, les années ne se ressemblant pas, on choisira les variétés prioritairement sur la base de leurs résultats pluriannuels, en commençant parmi les variétés stables qui ont prouvé leurs résultats dans la durée !

D’après André Wauters

, Irbab

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