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Une nouvelle étable laitière pour passer au bio

C’est une fameuse évolution que s’apprête à vivre Fabrice Peutat, éleveur laitier à Hombourg. La conversion de son exploitation au bio l’a amené à construire une stabulation libre avec robot aspirateur et salle de traite. À l’automne, le cheptel quittera une étable entravée avec grilles et pipeline pour rejoindre la nouvelle étable. L’éleveur nous explique ce qui l’a conduit à ce changement radical.

Temps de lecture : 7 min

Après 20 ans de gestion conventionnelle, l’exploitation laitière de Fabrice Peutat passera en bio le 15 novembre prochain, après 2 années de reconversion. Cette réorientation implique bien des changements dans sa ferme.

Du conventionnel au bio

C’est en 2001 que F. Peutat reprend l’exploitation voisine de celle de ses parents à Hombourg, près de Welkenraedt. Elle compte à l’époque 20 ha, un quota de 200.000 l de lait, 40 vaches et le jeune bétail ainsi que 200 porcs à l’engrais. La ferme s’est agrandie au fil des ans, grâce à la location de prairies des voisins, pour atteindre 45 ha en 2018. L’exploitant gère alors un troupeau de 65 laitières. En 2018, l’éleveur récupère 20 ha supplémentaires, lorsque ses parents cessent leurs activités. Mais comment les valoriser ? Ayant déjà assez de travail, il ne souhaite pas porter son cheptel à 100 vaches laitières. Il choisit de passer au bio, tout comme un beau-frère qui faisait la même démarche. Il pensait déjà à cette conversion depuis un certain temps, mais les anciens bâtiments ne répondaient pas au cahier des charges. Alors, avec les 20 ha supplémentaires, il a franchi le pas. En bio, la charge à l’hectare recommandée est de 1,4 vache pour chercher l’autosuffisance au niveau alimentaire. Il pouvait dès lors conserver ses 65 vaches sans devoir augmenter considérablement le cheptel laitier.

Pour répondre aux normes bio, la construction d’une nouvelle étable est entreprise. L’éleveur a aussi arrêté la production porcine conventionnelle car il ne pouvait pas mélanger le lisier de porcs avec le lisier des vaches bio et la capacité de stockage du lisier de porcs était insuffisante.

Nouvelle étable

La construction de la nouvelle étable, avec bardage en bois, a démarré en février. Elle a pris un peu de retard à cause du permis et de la neige durant l’hiver mais elle devrait être opérationnelle en octobre prochain. Le bâtiment, 54 m sur 22, compte 80 logettes. L’éleveur y logera des génisses pleines avec les vaches durant l’hiver. Seule une partie du bâtiment est équipée de caillebotis et d’une citerne de 200 m³. On a suffisamment de capacité de stockage et cette capacité réduite limitera les émanations de gaz dans l’étable explique l’éleveur. Il dispose en effet d’une citerne ronde de 1.500 m³, juste à côté de la nouvelle étable. Il l’a construite avec son père en 2008. Jusqu’à présent, le lisier y est transvasé au tonneau. L’avantage de cette grande citerne à ciel ouvert c’est que le lisier y est fort liquide (pluie) et coule facilement à la racine des plantes quand il est épandu avec un système à injecteur, ajoute notre hôte. De plus, il ne sent pas et ne doit être mélangé que 4 fois par an.

Équipement de la nouvelle étable

L’éleveur a préféré un robot aspirateur à un système de racleurs. Le robot Lely choisi a 1m20 de large, il racle devant lui tout en aspirant les déjections dans un réservoir de 300 l. Quand il est plein, il va se vidanger au niveau des caillebotis. Il est équipé d’un réservoir d’eau et peut asperger à l’avant comme à l’arrière. Le robot travaille à la demande, dans l’aire d’attente, sur les caillebotis… On le fait travailler en fonction des besoins et au moment le plus opportun. Il est programmé pour suivre plusieurs « routes » et peut être pris en main par smartphone. Avec cet outil, l’éleveur disposera de bien plus de confort car dans ses anciennes étables, il consacrait 1h30 par jour au nettoyage en hiver.

Traite et refroidissement du lait

L’achat d’un robot de traite a été écarté car l’objectif de l’élevage bio c’est d’assurer le plus possible le pâturage des laitières. L’éleveur a donc opté pour une salle de traite. Dès qu’elles seront traites, les vaches retourneront en prairie. La salle de traite, 2x8 postes, est équipée d’un compteur à lait et prévue pour l’installation d’un système d’identification des vaches avec collier individuel pour la détection des chaleurs et le suivi de la rumination. Ce sera certainement la prochaine étape, déclare l’exploitant, car ça permet d’anticiper les problèmes de santé des animaux. Avec la salle de traite, la charge de travail sera considérablement réduite car dans les anciennes installations, chaque traite nécessitait 3 h de travail…

Pour économiser l’énergie, il a installé un système de pompe à vide avec variateur de débit pour la machine à traire. L’eau de pluie est récupérée pour le lavage des quais et de la salle de traite.

Un tank à lait de 6.000l – récolte tous les 3 jours par la laiterie des Ardennes — est prévu ainsi qu’un prérefroidisseur. Grâce à un système tubulaire, le lait arrive à 18º C dans le tank à lait. L’eau servant au refroidissement sera récupérée pour l’abreuvement du bétail.

Un récupérateur de chaleur équipe le groupe de refroidissement. L’installation de panneaux solaires n’a pas été retenue car le réseau local n’est pas adapté.

Pâturage et ensilage

Comme l’exploitant a beaucoup de prairies autour de la ferme, les vaches pâturent durant toute la bonne saison. Cette année, la production d’herbe est particulièrement importante, la première coupe pour l’ensilage a été exceptionnelle. L’éleveur fait du silo préfané ou enrubanné, selon la météo. Il récolte aussi du foin pour les vaches et le jeune bétail à l’arrière-saison. Avec le passage au bio, Fabrice a cessé tout épandage d’engrais minéraux. Seul le lisier de l’exploitation est épandu. La production de maïs (2,75 ha) a aussi été arrêtée car elle est difficile en bio. Les champs ont été réensemencés avec un mélange de dactyle et de luzerne. Ce mélange a été implanté en 2020 pour 4-5 ans. Il est ensilé en balles rondes ou dans l’ensilage d’herbe et est bien appété par les animaux.

Alimentation des vaches

La ration hivernale est à base d’ensilage d’herbe. Les sous-produits bio pouvant être distribués sont bien moins nombreux qu’en conventionnel, explique l’éleveur. Lors de notre visite, il ensilait des pulpes de chicorées bio, mais il n’était plus possible d’en obtenir pour cette année. Heureusement, ajoute-t-il, on dispose de sous-produits d’une filière bio de la société Meurens Natural à Herve. Il s’agit de drèches d’avoine, de riz, de maïs. Ces sous-produits sont ensilés (meilleure conservation) et complètent la ration hivernale à raison de 2,3 kg par vache et par jour. Ils amènent des protéines dans la ration et sont moins chers que les concentrés de meunerie (en bio, ces concentrés sont 200 euros plus chers par tonne que les concentrés conventionnels). Des concentrés bio de chez Scar sont aussi distribués en fonction des résultats au contrôle laitier. Les fourrages seront distribués une fois par jour avec une distributrice. Une belle avancée par rapport à la situation actuelle puisque les farines étaient distribuées matins et soir à la brouette, après avoir nettoyé les mangeoires.

Des contrôles inopinés du respect de la charte bio sont réalisés par Certisys. Les contrôleurs vérifient entre autres la composition des concentrés, analysent les tourteaux, fourrages, sous-produits Meurens et font le tour des pâtures.

Soins au bétail

Tout le bétail est inséminé. Le choix des taureaux se fait sur base des conseils de l’inséminateur, tout en respectant le budget alloué à ce poste. Les principaux critères de sélection sont la qualité des pattes et des aplombs et le maintien des taux du lait. L’éleveur est satisfait de la moyenne d’étable de ses laitières (8.200 l) et de la longévité de ses animaux. Les vaches sont réformées le plus tard possible. L’éleveur détient plusieurs vaches de 10 ans. Des croisements industriels sont réalisés sur une petite partie des laitières.

Au niveau sanitaire, il n’y a pas de traitements préventifs. La vermifugation, par exemple, nécessite l’appui du vétérinaire. En bio, les interventions sont ciblées. L’éleveur a distribué des levures en hiver. Des minéraux peuvent être distribués mais pas n’importe lesquels (pas de minéraux non chélatés).

Plus de confort pour l’avenir

La conversion au bio a entraîné des modifications profondes dans la conduite de l’exploitation. L’éleveur, dont l’épouse ne travaille pas dans la ferme, se réjouit de l’achèvement de la construction et du transfert du cheptel laitier dans la nouvelle étable dans quelques semaines. Car pour lui c’est sûr, c’est une petite révolution qui s’annonce très prochainement dans son élevage. Avec bien plus de confort en prime.

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