
Les problèmes s’empilent les uns sur les autres, dirait-on, jusqu’à former des amoncellements qui montent au ciel et obscurcissent nos horizons. En ce qui nous concerne, nos soucis à nous – inflation, migrations, crises sociales, quête de sens dans nos choix de vie — sont des problèmes de riches, bien évidemment ! Rien à voir avec ce que vivent ces peuples martyrisés… Rien de comparable -jusqu’à présent !- avec ce qu’ont connu nos parents et nos aïeux. Ils ne disposaient pas du confort moderne, d’une médecine performante et d’une sécurité sociale que d’aucuns nous envient dans le monde. Ils ont vécu des siècles de violences, d’oppressions, de misères et d’épidémies, sans protection, sans médicaments, sans soins médicaux de pointe. Comment ont-ils tenu ? D’où vient leur résilience ? Le secours venait de la religion : ils vivaient dans l’acceptation fataliste des épreuves « envoyées par Dieu », disaient-ils. Dieu avait bon dos, et pour modérer ses ardeurs expiatoires, les hommes inventèrent pour l’entourer toute une galerie de saints, avec en première ligne la Vierge Marie, bien évidemment.
Nos ancêtres savaient à quel saint se vouer. À chaque fléau correspondait un saint protecteur : Saint-Roch et Saint-Sébastien pour les épidémies, Saint Hubert pour la rage, Sainte Agathe pour les maladies féminines, Sainte Lucile pour les yeux, Sainte Thérèse de Lisieux pour l’angoisse et les dépressions, Saint Laurent pour les brûlures, Saint-Éloi pour les abcès, etc, etc. Pour protéger leurs récoltes et leurs animaux domestiques, à quels saints se vouaient-ils ? Saint-Walhère et Saint Corneille veillaient sur les bêtes à cornes -bovins, chèvres et (…)- ; Saint Druon protégeait les bergers et leurs moutons ; Saint Antoine s’occupait des cochons ; Saint-Martin protégeait les chevaux et Saint Maurice veillait sur la santé de tous les animaux de la ferme !
En Ardenne, trois saints légendaires avaient particulièrement la cote : Saint Éloi, patron des métiers du fer et fêté le 1er décembre lors de joyeuses libations, sans oublier Saint Isodore, patron des laboureurs. Last but not least, je m’en voudrais d’oublier notre chouchou local : Saint Monon de Nassogne, un véritable saint agricole et paysan, fêté justement ce 18 octobre. Devenu une marque de bière tout finit en bière dans ce pays, c’est dire la mentalité wallonne… –, Saint Monon garde une place à part dans l’imaginaire ardennais ! Humble parmi les humbles, il est invoqué depuis des siècles pour guérir les maladies du bétail, et de nombreux villages ont chacun leur petite chapelle dédiée à son culte
Son histoire commence en Écosse vers l’an 600, à une époque où le christianisme peine encore à évincer les cultes gallo-romains, surtout dans les coins reculés des campagnes. Jeune homme très pieux, il consacre sa vie au dieu des Chrétiens et devient moine. Un ange lui apparaît et lui demande de partir en Gaule évangéliser ces irréductibles Ardennais à tête de bois, attachés à leurs idoles et à leurs rites celtiques. L’ange lui indique un lieu-dit : Nassonia dans la forêt de Freyr. Il part en pèlerinage et cherche cet endroit énigmatique dans une contrée encore sauvage et païenne. Lors d’un après-midi brumeux, il s’égare et rencontre un porcher, venu à la glandée avec ses cochons. L’un d’entre eux déterre une petite cloche, sous les yeux médusés du jeune moine ! Averti par ce signe divin, celui-ci décide d’installer son ermitage à cet endroit précis ; il suspend la cloche magique et la fait teinter pour appeler les gens à venir
