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Quelles solutions peut amener l’agriculture

face au réchauffement

climatique ?

Ces dernières années, le monde agricole est sous le feu des critiques pour ses effets néfastes sur l’environnement. Dès lors, quel rôle peut jouer ce secteur dans la lutte contre le réchauffement climatique ? La Cellule d’information agriculture, Celagri, a donné des pistes de solutions à travers une conférence sur cette thématique.

Temps de lecture : 7 min

Alors que sur le plan international la controversée COP 28 bat son plein à Dubaï, au niveau régional, aussi, la crise climatique est prise à bras-le-corps.

Une situation qui interpelle d’autant plus le monde agricole régulièrement pointé du doigt pour ses émissions de gaz à effet de serre (GES). Ainsi, selon les chiffres 2021 publiés par l’Agence wallonne de l’air et du climat, l’agriculture est responsable de 13 % des émissions de GES en Wallonie, ce qui la place en 4e position des plus gros émetteurs wallons.

Face à ce constat, la Cellule d’information agriculture, Celagri, a réuni plusieurs acteurs du monde agricole à Namur autour de cette problématique. Et avant toute chose, l’important était de recontextualiser la situation par l’intermédiaire de François Duchêne, chercheur scientifique en modélisation du climat régional à l’institut royal météorologique.

Ainsi, rappelons que depuis la fin du XIXe siècle, la température moyenne mondiale a augmenté de 1,1ºC. Un chiffre qui peut paraître anodin, et pourtant, n’en déplaisent aux climatosceptiques, les conséquences de ce pourcentage sont déjà bel et bien visibles sur notre planète.

Et malheureusement, cette situation risque de s’aggraver puisque des vagues de chaleur durant tout l’été, une diminution de neige en hiver, ou encore une augmentation des périodes de sécheresse, se profilent à l’horizon. « Les citoyens, dont les agriculteurs, devront s’adapter à ces bouleversements climatiques », a indiqué le météorologue.

 

L’importance d’une consommation locale

S’adapter, en trouvant des solutions innovantes, c’est justement l’une des missions des centres de recherche, dont fait partie le Cepicop.

Remy Blanchard, l’un de ses coordinateurs, a ainsi mis l’accent sur le rôle crucial de la consommation locale dans la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, pourquoi importer des aliments que l’on pourrait cultiver ou produire directement chez nous ? C’est le cas de la viande, notamment, mais aussi de certaines cultures à l’instar du soja, une légumineuse plutôt rencontrée au sud de la France.

« En tant qu’organisme de recherche, nous devons tester différentes cultures. Chaque année, une culture classique, d’hiver ou de printemps, rencontre des difficultés, d’où l’importance de se diversifier et de varier les revenus », a expliqué Rémy Blanchard en prenant l’exemple du maïs. Une plante arrivée dans nos contrées il y a seulement une soixantaine d’années. « Nous la connaissions alors très peu, et nous nous posions beaucoup de questions à son sujet. Finalement, il s’agit aujourd’hui d’une de nos cultures les plus importantes ».

Ainsi, pour reprendre le cas du soja, le Cepicop a réussi plusieurs récoltes, avec un rendement de 2 t pour les meilleures parcelles.

Des tests ont également été réalisés sur le pois chiche qui, comme le soja, possède plusieurs variétés. Avec un apport de 80 unités tant en agriculture biologique qu’en conventionnelle, son rendement a quasiment atteint les 4 t.

D’autres essais ont été effectués sur la lentille. Cette dernière se développera davantage associée à une autre culture, et son rendement est situé entre 1,5 et 2 tonne(s).

 

Essayer et oser des cultures innovantes

Pour ces cultures innovantes, l’un des principaux freins de l’équipe de chercheurs a été le désherbage. Différentes solutions ont donc été testées, comme un espacement plus important entre les lignes, une modification des dates de semis, du désherbage mécanique ou chimique. Pour ce dernier point, seules les futures décisions politiques concernant les produits autorisés, ou non, pourront faire évoluer la situation…

Mais qui sait, peut-être que grâce à toutes ces recherches et avancées scientifiques, nous pourrons, dans quelques années, regarder ces nouvelles cultures prendre place dans notre paysage, le tout en dégustant un houmous 100 % wallon !

« L’ensemble de ces plantations ne sont peut-être pas le maïs de demain, mais l’une d’elles pourrait être importante pour le futur monde agricole », a souligné le scientifique.

 

Les sols, puits de carbone

Petit test à présent : selon vous, lequel de ces éléments stocke le plus de carbone : les végétaux, l’atmosphère ou les sols ? Sans conteste, ce sont les sols qui détiennent le record en renfermant 2 à 3 fois plus de carbone que l’atmosphère !

En effet, tandis que les activités humaines émettent une quantité considérable de dioxyde de carbone dans l’air, contribuant ainsi au réchauffement climatique, 30 % du CO2 est absorbé par les plantes grâce à la photosynthèse. Lorsque ces plantes meurent et se décomposent, leurs résidus se transforment en matière organique. Une partie de cette matière est ensuite reminéralisée en CO2 grâce à l’activité biologique et retourne dans l’atmosphère. Une autre partie (20 à 30 %) va, quant à elle, pénétrer dans le sol. Un sol qui deviendra, alors, un véritable puits de carbone.

« Si le niveau de carbone stocké par les sols dans les 30 à 40 premiers centimètres du sol augmentait de 0,4 % par an, l’augmentation annuelle de dioxyde de carbone dans l’atmosphère serait considérablement réduite », explique l’initiative internationale dénommée « 4 pour 1000 » et lancée par la France le 1er décembre 2015 lors de la COP 21 qui ajoute : « Ce taux de croissance des stocks de carbone du sol n’est pas une cible normative pour chaque pays, mais une orientation à suivre ».

90 tonnes de carbone pour un ha de prairie

Dès lors, quels sont les leviers pour créer ces fameux puits de carbone favorables à l’environnement ? Une des solutions est de préserver les tourbières, les forêts et les prairies. Ainsi, en Wallonie, concernant les terres cultivées et pour un ha, il y a environ 50 tonnes de carbone. Cela monte à 90 tonnes pour les prairies !

Toujours dans notre région, les cartes des sols démontrent que depuis 1949 jusqu’à la période 2004-2014, les endroits où l’on a perdu beaucoup de matières organiques, donc de carbone, sont les régions de grandes cultures. L’élevage a, en effet, diminué au fil du temps et par conséquent le nombre de prairies aussi. Il est donc recommandé de réintroduire des prairies temporaires, mais aussi d’ajouter des haies à la limite des champs, des zones herbagées, et si possible de développer l’agroforesterie, avec, par exemple, la plantation d’arbres. En tant qu’agriculteur, une approche intéressante consiste aussi à planifier la rotation des cultures. Certaines d’entre elles permettent, en effet, de fixer le carbone dans le sol. C’est le cas du colza, du maïs grain, et du blé avec restitution des pailles. En revanche, des cultures comme le lin textile, les épinards ou les pois ne possèdent pas cette capacité.

« Un levier efficace pour maintenir de la matière organique dans les sols est la permanence du couvert. Et plus les durées d’enracinement sont importantes, plus nous introduisons de la matière organique dans le système », a commenté Brieuc Hardy, chercheur à l’unité sols, eaux et productions intégrées du Cra-W, qui a travaillé sur ce sujet avec Caroline Chartin et Frédéric Vanwindekens.

Un soutien adapté pour le monde agricole

Alors, le carbone dans le sol ou ces cultures innovantes vont-ils sauver la planète ? Selon Brieu Hardy, en tout cas, « les sols agricoles n’ont pas le potentiel et la vocation de régler toute la question du climat ».

Dès lors, quelles que soient les pistes de solutions, une chose est certaine : toutes ces mesures ne peuvent pas être prises en un claquement de doigts. Et si les agriculteurs s’adaptent à ces nouvelles réalités climatiques, rien ne pourra être réalisé sans un soutien politique global, rapide et adapté besoins du secteur.

En outre, si l’agriculture possède, il est vrai, des solutions, elle n’est pas la solution. Comme l’a rappelé François Duchêne, météorologue, d’autres problèmes doivent aussi être mis sur le devant de la scène. C’est évidemment le cas de l’utilisation des énergies fossiles telles que le gaz, le pétrôle ou le charbon.

Déborah Toussaint

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