
Bien entendu, les gens de la région connaissent toutes les petites routes et évitent facilement les bouchons qui se forment après les sorties d’autoroute. C’est tout de même râlant de se taper cent kilomètres, puis de tournicoter encore durant une heure pour trouver un emplacement à la seule fin de se garer ! Cet inconvénient fait partie de l’aventure. Chaque année, je suis sidéré par le nombre croissant de véhicules garés de ça de là, dans les parkings et un peu partout où il faut ou ne faut pas ! Des milliers de voitures, de camions et camionnettes, de gros tout-terrain. En voyant tous ces moteurs sur roues, je me dis que jamais il ne sera possible de calmer la fringale de pétrole ou d’électricité pour faire rouler cette myriade d’engins, et que les émissions de gaz à effet de serre vont continuer à augmenter inexorablement. Même sur le site de la Petite Foire à Tournay, où se récitent en boucles d’ardentes prières à l’écologie, les voitures et autres moyens de locomotion motorisés se comptaient par centaines, alignés le long des petits chemins ou dans des prairies-parkings où ils s’embourbaient joyeusement.
Ouh, la gadoue, la gadoue ! Elle aura marqué de sa texture boueuse cette Foire 2024. Vendredi matin à la Grande Foire, l’humidité était prégnante, comme seule elle peut l’être en Ardenne, pays des brouillards et des sols détrempés, des rhumatismes et des pieds mouillés. Mais la bonne humeur était de mise dans les déclarations politiciennes. C’est assez drôle, ceci dit, de revivre chaque année un scénario quasi identique, d’entendre des discours fort semblables, creux et redondants. Pourtant, cette année accueillait des ministres frais émoulus, issus des sérails MR et Engagés, lesquels promettent de gérer la Wallonie comme des ingénieurs et non comme des poètes. La jeune ministre régionale de l’agriculture, Madame Dalcq, a annoncé la couleur lors d’une interview accordée le 25 juillet dernier à La Libre Belgique en affirmant que « Toutes les doses [de pesticides] sont validées par des médecins », ce qui est factuellement faux, à l’heure où la société civile et la communauté scientifique – médecins en tête – demandent avec instance à sortir de l’ère de l’agriculture chimique !
Bizarre, vous avez dit bizarre ? Comme c’est étrange dans le chef d’une jeune personne de parler ainsi en 2024, une dame issue pourtant de cette génération Y (why en anglais) née entre 1980 et 2000, censée remettre les vieux paradigmes en question ! Son discours est issu en droite ligne de la dogmatique des années 1960, quand on connaissait mal les dangers des pesticides et qu’il fallait produire de la nourriture à n’importe quelle condition pour nourrir la population. Voilà qui promet !
Cette poésie, cette propension à voir le côté magique de notre métier, ne serait-elle pas un obstacle sur la route de l’agriculture industrielle ? Sur la Grande Foire, cette agriculture-là montrait des signes insolents de bonne santé, d’invulnérabilité, illustrés par la présence de tous ces engins agricoles rutilants surdimensionnés, ces tracteurs surpuissants, suréquipés… C’est sûr, la Grande Foire a choisi son camp, et le ministère régional de l’agriculture également, en n’accordant pas de subside à la Petite Foire, laquelle a tout de même pu bénéficier de 2.0000 € – une aumône comparée aux aides octroyées à la Grande Foire – accordés par l’ex-ministre Tellier, la grande « amie » Écolo du MR, de la FWA et la FJA.
Les deux Foires, surtout la Grande, sont de fabuleux dédales où se perdent les visiteurs. Lorsque ceux-ci quittent les champs et les lieux d’exposition, ont-ils appris à mieux connaître et comprendre notre agriculture ? J’en doute fort… Le nombre incroyable d’officines para-agricoles a tout pour les surprendre, voire les choquer ! Les fermiers ont-ils besoin à ce point d’assistance, de guidance, de surveillance ?
Cela va décidément très mal pour eux, puisqu’il faut les soutenir, leur tenir la main de mille et une façons ! Le monde agricole est difficile à appréhender par le monde extérieur. Même les ministres, jeunes et vieux, s’égarent sur ses routes tortueuses, jalonnées d’obstacles et de fondrières comme les chemins vers Libramont…
