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« L’Europe doit

réarmer son

agriculture »

Quel avenir pour l’agriculture européenne ? Cette question, qui préoccupe autant les agriculteurs que les décideurs, anime les débats au sein des institutions européennes, sur les routes des manifestations et dans les exploitations. Nous avons écouté puis questionné Arnaud Rousseau, président de la Fnsea, qui appelle les autorités européennes à engager un changement stratégique profond, plaçant le revenu des agriculteurs au cœur des politiques agricoles, une condition indispensable pour

assurer la pérennité et la compétitivité du secteur.

Temps de lecture : 4 min

Pour le patron du principale syndicat agricole français qu’est la Fnsea, l’agriculture européenne est à un moment de bascule, alors que les anciens repères se dérobent et que les défis se multiplient. Il évoque une Europe naïve face à des bouleversements géopolitiques majeurs, guerre en Ukraine, tensions commerciales, crises régionales, qui rendent obsolètes certaines visions technocratiques du futur agricole européen.

Le désaveu d’une politique agricole désincarnée

Arnaud Rousseau exprime une sévère critique nette du Pacte Vert et de ses déclinaisons agricoles, notamment la stratégie « De la fourche à la fourchette », à ses yeux déconnectée des réalités.

Il a contesté l’idée selon laquelle il faudrait produire moins pour produire mieux, soulignant qu’une baisse de 15 % de la production fragilise à la fois l’autonomie alimentaire, le tissu rural et la cohérence de l’action environnementale

Pour lui, il est urgent de retrouver la fierté de produire, non dans une logique productiviste mais dans une approche rationnelle, ambitieuse et responsable, au service de l’alimentation, de la transition énergétique, de l’aménagement du territoire et de la lutte contre le changement climatique

La ligne rouge du Mercosur

Arnaud Rousseau est revenu longuement sur les conditions du commerce international, en particulier sur l’accord entre l’UE et le Mercosur. Il a affirmé que ce n’est pas l’échange en soi qui est remis en question, mais l’injustice des règles du jeu. Les produits importés ne respectent ni les normes sociales ni les contraintes environnementales imposées aux agriculteurs européens.

Les clauses miroirs, censées garantir une égalité de traitement, doivent être systématisées et vérifiées avec rigueur, car sans équité dans les échanges, il n’y a ni stabilité ni compétitivité durable.

Pour Arnaud Rousseau, trois priorités absolues doivent guider la refondation agricole européenne. La première est le revenu, condition sine qua non de toute ambition agricole, car sans perspective économique, aucune transition n’est possible.

La deuxième est la compétitivité, concept que le monde agricole assume pleinement, parce qu’il ne peut y avoir de durabilité sans viabilité. La troisième est la souveraineté alimentaire, que l’Union doit reconquérir pour garantir la sécurité de ses citoyens, la résilience de ses territoires et la maîtrise de ses filières.

Une ambition sans budget reste une promesse creuse

Arnaud Rousseau consacre une partie essentielle de son discours à la question budgétaire, dénonçant le décalage croissant entre les ambitions affichées par l’Union et les moyens financiers réellement mobilisés.

Dans un contexte de tensions géopolitiques, il appelle à réarmer l’agriculture européenne, non pas au sens militaire, mais en lui redonnant des marges d’action, une visibilité et une reconnaissance stratégique. Le prochain cadre financier pluriannuel devra replacer l’agriculture au centre des priorités, sinon, affirme-t-il, les discours resteront lettre morte

Le président de la Fnsea a adressé successivement trois messages aux institutions européennes. À Christophe Hansen, commissaire à l’Agriculture, il apporte un soutien clair, saluant son approche plus réaliste et plus connectée aux attentes du terrain, et lui rappelle que les agriculteurs sont là pour l’accompagner et, si nécessaire, le pousser à aller plus loin.

Aux députés européens, tous partis confondus, il lance un appel à dépasser les clivages partisans et à construire une vision agricole commune, considérant que l’agriculture est un bien commun qui ne peut être pris en otage par des considérations idéologiques. Aux chefs d’État et de gouvernement, il demande un engagement ferme lors des négociations budgétaires, insistant sur le fait que le Conseil européen porte une responsabilité politique majeure dans la défense de l’ambition agricole

Une agriculture à revaloriser, une vision à reconstruire

Arnaud Rousseau a enfin affirmé que l’agriculture est une solution, non un problème, et qu’elle doit être au cœur du projet européen pour relever les défis du climat, de la souveraineté, de l’énergie et de la cohésion territoriale. Ce que le monde agricole attend, explique-t-il, ce n’est pas seulement une réforme de plus, mais une vision, une direction, un respect retrouvé

Il appelle à dépasser les oppositions stériles, à fédérer les forces et à renouer avec une Europe qui croit à nouveau en sa capacité à produire et à nourrir durablement.

Marie-France Vienne

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