Des serres aux cimetières : le parcours des chrysanthèmes de la Toussaint
À quelques jours de la Toussaint, nous sommes nombreux à prévoir de fleurir les tombes de nos proches avec des chrysanthèmes. Derrière cette belle fleur d’automne, aux multiples formes et couleurs, se cachent aussi des producteurs qui travaillent depuis plusieurs mois. Entrons dans les coulisses de cette production méconnue.

Qu’il soit blanc, jaune, rouge, cuivré ou mauve, le chrysanthème est une des rares fleurs de l’automne. Plante de jour court, c’est-à-dire qui initie sa floraison quand les jours diminuent et deviennent plus courts que la nuit, elle nécessite néanmoins une attention, un suivi et un savoir-faire, une grande partie de l’année.
Une exploitation familiale
Le rendez-vous est donné à Péronnes, près de Binche, à la pépinière Lecocq, pour y rencontrer Cédric Lecocq. Aujourd’hui âgé de 49 ans, il a débuté son exploitation horticole dans le jardin familial en 1996. Au même moment, il installe ses premiers chrysanthèmes. « J’en avais 200, 100 jaunes et 100 blancs », explique-t-il. En 1998, Cédric achète l’exploitation horticole déjà existante qui s’étendait sur 1,5 ha dont 1.000 m² de cultures et 70 ares de prairie loués à un agriculteur voisin.
Au fur et à mesure des années, la pépinière se développe. L’horticulteur est rejoint sur l’exploitation par son épouse, Angélique, en 2001 et par son fils, Florian, en 2024. « Florian informatise beaucoup l’exploitation. Il crée les plans des parcelles ce qui nous permet de localiser une zone particulière du terrain directement sur notre téléphone et de s’organiser plus facilement. Il s’occupe également des facturations, ce qui est un vrai gain de temps par rapport au papier », ajoute Cédric.

Aujourd’hui, le site représente 6.000 m² de production et 1.000 m² de magasin. Cédric possède aussi 1,5 ha de pépinière un peu plus loin et réalise des contrats de location annuels pour la culture de chrysanthèmes avec les agriculteurs voisins afin de réaliser au mieux ses rotations et rester au plus proche des bâtiments. « Certaines années sont parfois plus compliquées pour les rotations… Nous sommes assez restreints aux niveaux des terres autour de l’exploitation », précise-t-il.
Un peu plus de 50.000 chrysanthèmes
Cette année, la culture de chrysanthèmes s’étend sur 3,6 ha au champ et sur environ 40 ares dans les serres. Cela équivaut à un peu plus de 50.000 chrysanthèmes et 54 variétés.

Cette fleur occupe une grande partie du temps de travail des pépiniéristes et représente un quart de leur chiffre d’affaires. En janvier, Cédric commande les boutures sur base d’un catalogue, reprenant les caractéristiques de chaque variété. « Je travaille principalement avec trois firmes différentes, des flamandes et des hollandaises, qui s’occupent de la sélection », explique Cédric. Il poursuit : « Chaque variété de chrysanthème a sa propre couleur. Nous réalisons chaque année des tests avec de nouvelles variétés, que nous proposent les firmes ». Ces tests permettent à Cédric et Florian de repérer certaines variétés qui répondent à leurs critères et qui s’adaptent le mieux au terrain. Pour nos pépiniéristes, ces critères couvrent différents aspects comme la souplesse de la plante qui permet un emballage plus rapide et sans casse, la facilité d’arrachage, la semaine de floraison ou encore la résistance aux maladies.
Mi-avril, les premières boutures arrivent et sont mises en pot, à l’extérieur sous un voile de forçage pour les protéger des gelées nocturnes. Le repiquage des boutures s’étire jusqu’à la mi-juillet. « Il faut savoir que la taille de la pomponette dépend de sa date de plantation », souligne Cédric. En effet, les plus grandes sont plantées vers la mi-avril, les tailles intermédiaires à la mi-mai et les plus petites entre la mi-juin et la mi-juillet.
Vers le mois de mai, après environ un mois d’enracinement, les premiers pots sont installés au champ sur une bâche trouée pour permettre à la plante d’aller puiser elle-même ce dont elle a besoin dans le sol. Pour être certain de pouvoir combler tous les besoins de la plante, Cédric réalise des analyses de sols avant la culture et ajuste si besoin avec un engrais de fond.
La rouille japonaise et les pucerons, les plus grands ennemis
S’ensuit alors toute une période de suivi et d’entretien marqué par l’irrigation, le désherbage et les traitements phytosanitaires. L’irrigation se fait au moyen d’un enrouleur, avec un débit d’1 ha/h. « Cette année, nous avons seulement dû arroser deux fois, il a toujours plu au bon moment », ajoute Cédric. Les conditions idéales pour les chrysanthèmes sont celles que nous avons vécues en 2025 : un temps globalement sec avec beaucoup d’eau à la plantation. Selon Cédric, la météo sèche de cet été a permis de limiter le développement des adventices et de réduire le désherbage manuel à deux ou trois passages sur la saison.
Concernant les traitements fongicides, l’horticulteur les décrit comme étant assez intensifs. Le chrysanthème est une plante sensible à la rouille japonaise, qui est la maladie principale de la culture. Celle-ci se développe sur les feuilles, de manière identiques aux rouilles en froment, et se répand extrêmement vite puisque les plantes sont disposées les unes contre les autres. Le chrysanthème devient alors invendable.
Au niveau des insectes, on peut citer principalement les pucerons mais aussi les cicadelles, les thrips, les chenilles et les punaises. « Les traitements sont également assez intensifs… Les gens veulent de moins en moins de produits phyto, seulement c’est assez compliqué de s’en passer pour les chrysanthèmes. Un petit exemple : nous avons décidé de ne pas traiter à l’insecticide les dernières pomponettes à devoir être arrachées. Seulement, elles contenaient des pucerons qui une fois emballés dans les plastiques sont sortis à cause de la chaleur. Les clients n’étaient vraiment pas contents… », raconte Cédric.
Du côté de la fertilisation, les pépiniéristes appliquent du sulfate de magnésie et de l’urée s’il juge les plantes un peu petites.
Saison d’emballage et de floraison
À partir du 5 ou 6 octobre et avant la floraison, les premiers chrysanthèmes sont récoltés et conditionnés. Une partie est vendue au magasin, au détail et l’autre est livrée dans différents commerces, jardineries ou pépinières, partout en Wallonie. Les chrysanthèmes vendus au magasin sont arrachés à la main et disposés dans les serres, en libre-service.

Concernant la partie livrée, les fleurs sont mises en sachet et accompagnées de leur passeport phytosanitaire qui comprend le nom de la variété, le drapeau européen, le numéro de producteur, le numéro de lot, la provenance (Belgique), la dimension du pot et le nom du client.
Cédric livre les chrysanthèmes en camion, qui sont disposés par 48 sur des chariots danois.
L’entièreté du mois d’octobre et la moitié du mois de novembre sont dédiées aux chrysanthèmes, qui fleurissent durant six ou sept semaines. En saison, une dizaine de personnes travaille à la pépinière.
La pépinière Lecocq reste une des rares exploitations en Wallonie qui cultive le chrysanthème. « Beaucoup d’horticulteurs ont arrêté la culture sûrement par manque de main-d’œuvre et de rentabilité… », suppose Cédric. Il enchaîne : « C’est un travail assez physique. En plus, pour la vente au détail, les pomponettes sont vendues à 6 ou 6,5 €. On n’en vend jamais 50.000 mais plutôt 2.000, ce qui n’est pas très rentable pour tout le travail que cela représente ».





