sans pétrole ?
Pourtant, il y a urgence, non seulement pour ne pas étouffer sous la chaleur, mais aussi pour avoir les ressources suffisantes pour vivre. Dans 15 ou 20 ans, le pétrole sera devenu tellement difficile à extraire qu’il va devenir extrêmement cher. Or, notre civilisation est basée sur celui-ci. Il faudra donc changer complètement de civilisation pour passer à une civilisation sans pétrole. Rares sont les personnes ayant autorité qui en parlent. Il y a bien Gaël Giraud, repris par Jean-Marc Jancovici, qui propose des petites villes reliées par le chemin de fer qui sont dispersées sur tout le territoire d’un pays et qui sont approvisionnées par les campagnes environnantes. Mais à part cela, je n’ai jamais entendu quelque chose de consistant.
Ce qui est frappant, c’était le nombre de voitures beaucoup plus restreint qu’actuellement et qui est probablement ce qui nous attend. Rares étaient ceux qui avaient le téléphone. De nombreuses personnes cultivaient leur jardin, tenaient des poules et des lapins pour les manger. C’était la fin de la traction chevaline. Mais, je me demande si nous n’allons pas retourner à ce mode de vie…
En parlant de traction chevaline, nous avons en Belgique deux très belles races de chevaux de trait qui pourraient être à nouveau nécessaires et qui pourraient nous apporter une certaine prospérité, puisqu’en 1925, vendre un étalon de renom permettait de s’acheter une ferme. Ces chevaux sont devenus des animaux de loisir, mais ils pourraient à nouveau montrer toute leur utilité.
On me dira que nous aurons l’énergie décarbonée, mais le renouvelable et le nucléaire représentent entre 65 et 70 % de notre électricité qui, elle-même, ne représente que 20 % du total de notre consommation (ndlr: ces 20 % représentent la consommation d’appareils électriques et électroniques, hors production d’eau chaude et chauffage). Où va-t-on chercher le solde qui ne sera pas couvert par le décarboné ? Et nous devons trouver la solution d’ici 15 ans. Avec notre gouvernement qui est opposé au renouvelable et ne décide rien pour le remplacer – je pense ici au nucléaire qui ne se construit pas en un tournemain – c’est mal parti. Développer le nucléaire pose le problème du refroidissement des installations : le plus souvent, les centrales se trouvent à côté d’une rivière. Le nombre d’implantations devrait donc également être limité.
Il n’y aura donc pas d’énergie pour tout le monde. Il faut s’attendre à un renversement de civilisation complet dans un laps de temps très court. Cela ne se fera pas sans pleurs ni grincements de dents.
Ainsi, nous devrons vivre beaucoup plus en autarcie, ce qui signifie qu’il faut quelqu’un à la maison à temps plein pour assurer cette autonomie. On peut donc se demander si les femmes au foyer qui reprisent les chaussettes ne seront pas un modèle qui redeviendra courant. Actuellement, tous nos vêtements sont faits avec du pétrole. Un trou, on jette et lorsque nos moutons sont tondus, leur laine est jetée car ne trouvant plus aucun débouché. Cela ne pourra plus se faire quand il n’y aura plus de pétrole. S’il n’y a plus de pétrole pour fabriquer les vêtements, il faudra bien revenir aux matières textiles traditionnelles et ravauder sera à nouveau un sport à la mode.
Plus de pétrole signifie que le plastique n’existera plus (alors que l’Ocde prévoit trois fois plus de plastique d’ici les années 2060, ce qui montre que cet organisme ne se préoccupe absolument pas du problème traité ici). Cela veut dire que les ustensiles seront en bois, en poterie, en verre ou en vlek comme on dit à Bruxelles (l’acier étamé ou fer-blanc).
Les Gafam et autres data centers seront réservés aux choses prioritaires, car l’énorme quantité d’énergie qu’ils demandent coûtera trop cher. Les futilités du smartphone de Monsieur et Madame tout le monde ne seront plus supportables financièrement parlant. D’une façon générale, l’énergie sera destinée uniquement à des choses qui en valent la peine, comme le fonctionnement des hôpitaux par exemple.
Il n’y aura pas d’énergie pour tout le monde, mais peut-être qu’il n’y aura pas non plus de quoi nourrir tout le monde. Une partie de l’alimentation animale est actuellement basée sur le soja venant de l’autre bout du monde. Plus de pétrole pour le transport, plus de soja.
Des vaches produisant 30 l de lait par jour comme les Holstein, qui sont les plus représentées dans le monde, ont également besoin de beaucoup de protéines. Il faudra donc revenir à des races bovines moins performantes mais plus rustiques. Or, nos races qui répondent à ces nouvelles exigences, les races mixtes, comptent actuellement entre 200 et 4.000 individus suivant la race, alors qu’il y a de nos jours environ 900.000 vaches en Belgique (ndlr : pour un total de 2.150.000 bovins recensés en Belgique en 2024 selon Statbel). Là aussi, cela va donc coincer. De plus, le soja est un incontournable des élevages porcin et avicole. Il se peut que nous ayons faim dans quelques années.
Il semble donc que la transformation de notre civilisation urbaine en une civilisation plus agreste se fera en passant par une période très difficile qui n’est plus tellement éloignée. Peut-être que les fermiers bénéficieront de beaucoup d’estime si, grâce à eux, de nombreuses personnes peuvent survivre comme ce fut le cas pendant la guerre 40-45 et ne seront plus considérés comme monnaie d’échange pour le Mercosur ou autres accords commerciaux qui n’auront plus de sens s’il n’y a pas de pétrole.
Dire comment nos parents faisaient autrefois quand il n’y avait pas de pétrole semble une voie à explorer. Il faudra combiner cela avec les acquis des dernières décennies : les ordinateurs existeront encore comme les voitures, mais tout le monde n’y aura pas accès. Probablement qu’une tranche importante de la population devra redécouvrir la marche.
Je pense donc que ce changement se fera tout naturellement, en s’imposant brutalement. Tout le monde sera surpris, étonné de ce qui sera devenu une évidence. Nous allons tous tomber de notre chaise.











