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Le raisin de table wallon, une goûteuse production de niche

Grains dorés ou pourprés, grappes satinées qui rendent plus douces les journées, les paillettes blondes de son jus, or noir qui sourd du sol. Les vignes font partie des plantes les plus anciennes de la terre. Leur histoire se confond avec celle de l’humanité. Bien présentes en Wallonie, on les connaît de mieux en mieux pour leur vin, moins comme pourvoyeuses de fruits de bouche.

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La première différence entre les deux types de productions est visuelle, les raisins de table sont gros, agréables en bouche, leurs grappes assez grandes, contrairement à celle des raisins de cuves, plus trapues et dotées de grains plus petits, possédant un ratio peau/pulpe moins important.

Richesse patrimoniale d’accessions au Cra-w

À côté d’une foultitude d’anciennes variétés de pommes et de poires, le Cra-w abrite d’anciennes variétés de raisins, notamment de table.

Certaines ont été retrouvées dans des châteaux sur le territoire wallon. Cultivées par la noblesse dans des serres, le long des murs, elles étaient peu résistantes et nécessitaient une certaine protection physique. D’autres ont été transmises directement par les collectionneurs.

Elles sont aussi le fruit de recherches. Les Français, suivis des Allemands et des pays de l’Est de l’Europe ont fait beaucoup de sélection de cépages en travaillant sur des vignes interspécifiques, en réalisant des croisements entre « vitis vinifera » et d’autres vignes possédant déjà une résistance en termes de maladies.

Des travaux qui ont débouché au tournant des années 80’ sur des variétés plus modernes qui ont davantage d’avenir dans nos systèmes de culture.

Actuellement, « nous avons 118 accessions et entre 80 et 90 variétés différentes » nous apprend Laurent Delpierre, chef de culture au Cra-w et familier de cette spéculation depuis son enfance. Habitant Rixensart, commune qui jouxte celle d’Overijse au cœur de la « Druivenstreek », la région des raisins englobant aussi Hoielaart, Overijse, Tervuren et Huldenberg, au sud-est de Bruxelles.

«Au Cra-w, la vigne n’est pas notre cheval de bataille, cela reste une petite niche par rapport à tout ce que l’on développe, notamment en pommes et en poires où nous avons de grosses demandes ».
«Au Cra-w, la vigne n’est pas notre cheval de bataille, cela reste une petite niche par rapport à tout ce que l’on développe, notamment en pommes et en poires où nous avons de grosses demandes ». - M-F V.

Avant la guerre on y dénombrait 35.000 serres à raisins qui faisaient vivre plus de 2.000 familles. Un vrai filon porteur de richesse au point que les serres faisaient souvent partie des dots de mariages.

Il faut savoir qu’il y a tout de même des diffuseurs de soufre dans les serres. « Il y fait très sec, elles sont fortement aérées, raisons pour lesquelles il y a très peu de maladies dans les serres à vignes » précise Laurent.

Des maraîchers bio en quête de raisins

Axé sur l’arboriculture fruitière, Alain Rondia, chercheur au Cra-w qui fait lui-même du vin en hobby, en est arrivé à s’intéresser plus particulièrement à cette spéculation après avoir travaillé, dans le cadre de ses projets, sur le maraîchage bio avec des petits producteurs orientés vers la vente directe. Que ce soit sur les marchés ou dans leur point de vente, « tous ou presque avaient également des demandes de leurs clients en matière de fruits » détaille-t-il.

Ils ont voulu se démarquer et cherché à développer des spéculations de fruits à la fois goûteux et commercialement attractifs.

Vu qu’ils comptaient implanter des arbres dans leurs cultures, il leur fallait des variétés tolérantes aux maladies et qui ne nécessitent aucun traitement.

C’est ainsi qu’ils se sont tournés vers le Cra-w qui les a orientés vers des variétés plus résistantes, souvent anciennes qui répondaient bien à un marché de proximité. Des pommes, des poires et beaucoup de prunes, une spéculation inexistante en Belgique il y a quelques années, du moins en bio. « La plupart viennent du sud de la France ou de l’Espagne » précise Alain Rondia.

« J’ai conseillé quelques maraîchers qui souhaitaient implanter de la vigne entre leurs lignes de légumes ».

Organisation de tests organoleptiques

« Nous visons des vignes résistantes aux maladies et aux ravageurs, qui arrivent à maturité sous nos latitudes tout en ayant de bonnes qualités gustatives, permettant à des particuliers d’en implanter dans leur jardin » synthétise-t-il.

Dans ce cadre, le Cra-w, sous la houlette de Laurent Delpierre, a réalisé des tests de dégustation à l’aveugle au sein des membres du personnel qui ont été amenés à évaluer une palette de raisins en fonction de différents critères : saveur, aspect, arôme, acidité, degré de sucre, croquant.

Le Muscat bleu (un croisement d’origine suisse entre Garnier 15/6 x Seyve-Villard 20-347), Nero (raisin noir d’origine hongroise, issu d’un croisement interspécifique entre le merlot noir, (médoc noir x perle de Csaba, et le Villard blanc x gardonyi geza), Fanny, Perle de Zala (variété très sucrée), Bianca (variété originaire de Hongrie à la particularité de pouvoir être cultivée très au Nord de l’Europe) et Romulus ont été plébiscités.

Bien placée également, la variété Palatina créée elle aussi en Hongrie, qui se distingue par sa saveur sucrée et légèrement musquée, « s’est par contre effondrée en termes de mildiou » précise Alain Rondia en indiquant avoir observé au cours des dix dernières années des variations au niveau de la résistance aux maladies pour cette variété. Cela démontre que la résistance de la variété est en train d’être « contournée ».

Laurent Delpierre cite également la Booskop Glory, la très populaire variété néerlandaise la plus vendue dans les pépinières et évoque dans la foulée la variété Katharina et ses généreuses grappes rosées assez lâches.

Et Alain Rondia d’attirer enfin l’attention sur le raisin blanc sans pépin Himrod, une variété américaine lancée en 1952 par la New York Agricultural Experiment Station. Très sucrée, à maturation rapide et au calibre moyen, elle est très résistante à la plupart des maladies de la vigne ainsi qu’au froid et recèle « un véritable potentiel ».

Le développement d’une filière n’est pas encore dans les tuyaux

De là à débuter une filière, il y a un (très grand) pas que le Cra-w n’envisage pas de franchir pour le moment.

« La vigne n’est pas notre cheval de bataille, cela reste une petite niche par rapport à tout ce que l’on développe, notamment en pommes et en poires où nous avons de grosses demandes » tempère Alain Rondia en stipulant que le Cra-w répond toutefois à toutes les sollicitations extérieures, émanant principalement de particuliers ou de producteurs qui souhaitent se diversifier en implantant des vignes.

« Nous visons des vignes résistantes aux maladies et aux ravageurs, qui arrivent à maturité sous nos latitudes tout en ayant de bonnes qualités gustatives, permettant à des particuliers d’en implanter dans leur jardin » (Alain Rondia).
« Nous visons des vignes résistantes aux maladies et aux ravageurs, qui arrivent à maturité sous nos latitudes tout en ayant de bonnes qualités gustatives, permettant à des particuliers d’en implanter dans leur jardin » (Alain Rondia). - M-F V.

Le Cra-w accompagne aussi les nouvelles tendances qui apparaissent en arboriculture avec l’essor des « haies comestibles » dans lesquelles l’on peut insérer des petits fruits et du raisin.

Mais pour l’heure, aucun vigneron ne s’est tourné vers le centre de recherche pour planter 5 hectares de raisin de table. Certains en ont peut-être deux à trois lignes. C’est par exemple le cas du Domaine du Chenoy, à Emines, et son Muscat Bleu, cépage avec lequel les viticulteurs réalisent aussi un vin de liqueur très prisé.

« La vigne doit un peu souffrir pour pleinement s’exprimer »

La vallée mosane est historiquement une terre de prédilection pour la vigne. C’est d’ailleurs sans surprise dans cette région que se sont implantées les premières vignes.

Telles les vallées de la Moselle et du Rhin, elle est bien exposée, pentue, un peu caillouteuse, mieux protégée du gel et bénéficie d’un bon sol contrairement à celui de Gembloux un peu trop riche et argileux, « même si la vigne doit un peu souffrir pour pleinement s’exprimer » sourit Alain Rondia ajoutant que l’on dispose aussi de porte-greffes adaptés.

Le douloureux souvenir du phylloxera

Une technique qui rappelle les ravages du phylloxera vers 1850. Cet insecte hémiptère provenant des États-Unis, qui parasite et fait périr les racines de la vigne, a provoqué l’effondrement du vignoble français en l’espace d’une vingtaine d’années. Il aura fallu trois décennies pour avoir raison de l’insecte grâce à la replantation de vignes issues de porte-greffes d’origine américaine résistant naturellement au nuisible. Aujourd’hui, rares sont les vignes non greffées, peu ayant été épargnées au XIXème siècle.

Le vignoble du Cra-w abrite à la fois des porte-greffes, qui ont tendance à démarrer un peu plus tôt, et des boutures récupérées dans des châteaux ou auprès de collectionneurs.

Le Cra-w accompagne les nouvelles tendances qui apparaissent en arboriculture avec l’essor des « haies comestibles » dans lesquelles l’on peut insérer des petits fruits et du raisin.
Le Cra-w accompagne les nouvelles tendances qui apparaissent en arboriculture avec l’essor des « haies comestibles » dans lesquelles l’on peut insérer des petits fruits et du raisin. - M-F V.

Au jour d’aujourd’hui c’est surtout le gel qui préoccupe les vignerons et producteurs de raisin de table car « les hivers sont plus doux, la végétation démarre plus tôt mais les épisodes de froid se produisent toujours au même moment et font beaucoup plus de dégâts qu’il y a vingt ou trente ans, période où les hivers étaient plus rigoureux » rappelle Alain Rondia.

C’est dire qu’il faudra trouver des variétés adaptées à ce phénomène climatique, qui ne soient pas trop précoces tout en arrivant à maturité entre septembre et mi-octobre.

Désireux de vous lancer dans cette spéculation originale ? N’hésitez pas à vous tourner vers le Cra-w pour vous conseiller !

Marie-France Vienne

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