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La coupe est pleine?

Rassurez-vous, je ne vais pas vous parler de la Coupe du Monde de Football qui vient de débuter, cette outrageuse « coupe de l’immonde, Qatar-strophique ». Malgré tout le mal qu’on en dit, à tort ou à raison, je souhaite sincèrement bien du plaisir aux amateurs de foot ! Quant à moi, un autre événement a retenu mon attention ces jours-ci : huit milliards d’êtres humains peuplent la Terre depuis ce 15 novembre 2022, selon les estimations de l’ONU !

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Ce cap inimaginable a été franchi en pleine COP 27 en Égypte, tandis que les Ukrainiens achevaient de libérer Kherson des griffes de l’ogre russe, à un moment de l’histoire où l’humanité fait semblant de chercher des solutions aux multiples crises qui l’accablent. Mille questions sans réponse devraient nous torturer, et l’une d’entre elles nous concerne personnellement : pourra-t-on un jour nourrir correctement huit milliards de personnes, dans un esprit de partage et d’équité ? Quels rôles seront-ils dévolus aux agriculteurs du monde entier ?

À l’an zéro de notre ère, l’espèce humaine comptait environ 170 millions d’individus. Nous étions moins d’un milliard avant 1800, deux milliards voici cent ans, quatre milliards en 1974, six en 1999, sept milliards en 2011. La démographie s’est réellement emballée depuis 1950. Après-guerre 1940-45, le chiffre de deux milliards et demi était à peine atteint. En trois-quarts de siècle, il a été multiplié par trois ! C’est absolument ahurissant ! Chaque jour depuis lors, la population terrestre s’accroît de 250.000 personnes ! Ce phénomène s’explique par les immenses progrès réalisés dans les domaines de la nutrition, de la santé, de l’hygiène, de l’éducation, de la sécurité et du confort de vie. Les sciences médicales et l’agriculture ont accompli des avancées prodigieuses. L’espérance de vie moyenne ne fait que s’améliorer, car les gens mangent à leur faim et sont de mieux en mieux soignés… sauf dans les pays pauvres, où l’on vit encore comme on vivait chez nous voici cent ans.

Nos aïeux ont connu en effet des conditions autrement difficiles que les nôtres. Il suffit de se promener dans les cimetières et de lire les inscriptions sur les tombes des années 1920-30 par exemple. Beaucoup d’enfants n’atteignaient pas vingt ans ; de nombreuses jeunes femmes mouraient en couches ; les épidémies causaient des ravages et rares étaient les défunts qui dépassaient les quatre-vingts ans à leur décès. Sans compter les deux guerres mondiales… Dans nos régions, les conditions de vie se sont améliorées miraculeusement depuis les années 1960. En 2022, centenaires et nonagénaires ne sont plus des exceptions, et vraiment très peu de bébés sont encore fauchés par la Mort. D’une manière globale, nous ne pouvons que nous réjouir de vivre dans une époque aussi formidable ! Mes parents, nés vers 1930 et décédés bien avant 2010, déploraient le défaitisme des discours de fin de 20e siècle, et affirmaient que les jeunes se plaignaient avec « la goulée à la bouche ». De leur temps, ils étaient déjà contents d’avoir à manger tous les jours, d’être en bonne santé et de disposer d’un toit au-dessus de leur tête sans risquer de recevoir une bombe sur la cafetière.

En principe dès lors, nous devrions nous féliciter de voir l’humanité prospérer à ce point, multipliée par quatre en un siècle ! Et bien non, pas tout à fait… Cette croissance exponentielle inquiète énormément les démographes et les spécialistes des ressources planétaires. Nous vivons dans un monde limité, et jusqu’à présent, il n’existe pas de planète B pour accueillir les humains en surnombre. L’agriculture trouvera-t-elle suffisamment de terres arables pour produire les aliments qui nourriront les gens de demain ? La laissera-t-on libre de bien travailler ? Trop de gens se sont arrogés les qualifications et le droit de nous dicter leurs choix agronomiques, économiques, écologiques, géopolitiques, sociaux, etc. Bien entendu, nous autres, considérés comme trop « biesses » pour prendre en main notre destin de nourrisseur de la planète, devons supporter leurs errances, les règles et les normes qu’ils nous imposent. Et quand un problème surgit, c’est bien entendu de notre faute. Si demain les aliments viennent à manquer ou sont devenus trop chers, les agriculteurs seront pointés du doigt et cloués au pilori, cela ne fait pas un pli !

Nous sommes huit milliards d’êtres humains, et nous en attendons deux milliards de plus d’ici 30 ans ! Cela me fait rêver davantage qu’un but de Messi ou qu’un assist lumineux de KDB… Cela fait peur, aussi ! Une seule espèce humaine, Homo Sapiens, est parvenue dans les temps anciens à absorber génétiquement toutes ses concurrentes : Néanderthalensis, Dénisova, Floresiensis… Elle a conquis le monde entier, s’aventure même dans l’espace et pressure notre bonne vieille Terre comme un citron, jusqu’à la dernière goutte. Les voyants rouges de notre extinction commencent à clignoter furieusement : dérèglements climatiques, pertes de biodiversité, épidémies, conflits guerriers. La plupart des gens s’en fichent pourtant « diablement », et regardent le foot à la télé. Grand bien leur fasse ! La COP 27 des Grands de ce monde a rimé avec FLOP. Grand mal leur fasse ! Il ne faudra pas se plaindre quand le Ciel nous tombera sur la tête…

Aujourd’hui à huit, et demain à dix milliards : n’en jetons plus, la coupe est pleine !

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