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Les prix élevés des aliments pèsent sur la production de lait et viande

Malgré des prix élevés, les filières « lait » et « viande » européennes ne connaissant qu’une croissance limitée. Les raisons ? Des coûts de production particulièrement hauts et des perspectives d’exportations fluctuantes.

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Les dernières perspectives à court terme pour les marchés des grandes cultures, du lait et de la viande ont été publiées voici peu par la Direction générale de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne. Basées sur les dernières informations disponibles, ces perspectives sont rédigées trois fois par an par un groupe d’experts et donnent une idée de l’évolution future des marchés européens. Focus, cette semaine, sur le lait et la viande.

Moins de lait, malgré des prix élevés

Durant l’été, la sécheresse prolongée a nettement réduit la disponibilité en herbe, mais aussi la qualité de cette dernière. L’impact a également été non négligeable pour les cultures fourragères. Par conséquent, certains agriculteurs ont déjà utilisé des aliments qu’ils comptaient initialement dédier à l’affouragement hivernal, afin de maintenir leurs niveaux de production. Ils ont également opté pour des abattages anticipés ou un raccourcissement de la lactation afin de s’adapter à la disponibilité future de leurs stocks fourragers.

Cette même sécheresse a été stressante pour les troupeaux, entraînant une baisse de la fertilité et de la productivité. Ainsi, la Commission s’attend à ce que la collecte laitière européenne diminue de 0,5 % par rapport à l’année dernière. Et ce, alors qu’une certaine croissance est attendue en Pologne (+2 %) et au Danemark (+0,5 %), de même que la stabilité serait de mise en Italie et aux Pays-Bas. Toutefois, cela ne permettrait pas de rattraper les reculs attendus en France, en Allemagne et, dans une moindre mesure, en Irlande.

La perte de qualité et le manque de disponibilité des aliments ont aussi eu un impact défavorable sur les teneurs en matière grasse et protéines. Comme l’UE s’attend à voir ses livraisons de lait diminuer, la disponibilité en matière grasse et protéines devrait suivre la même tendance.

2023 ne s’annoncent pas sous les meilleurs auspices selon les experts européens. En effet, les éleveurs font face à des coûts d’intrants élevés et certains ont entamé leurs stocks alimentaires durant la belle saison. À cela, s’ajoute une baisse de la demande du côté des consommateurs, en raison de l’inflation des prix des denrées alimentaires. Toutefois, si la météo est « normale », les rendements devraient croître (+0,6 %) durant l’année et partiellement compenser la réduction du cheptel laitier (-0,8 %). La collecte laitière européenne pourrait ainsi ne reculer que de 0,2 %.

L’ensemble de ces éléments a entraîné une hausse du prix du lait cru, qui, à l’échelle de l’Union, dépasse 500 €/100 kg depuis juillet. Toutefois, des disparités sont observées d’un état à l’autre, ce qui pourrait avoir une influence sur la production laitière dans les mois à venir, selon que la hausse des prix compense, ou non, l’augmentation des prix des intrants.

Par ailleurs, depuis juin, les prix de la poudre de lait (entier ou écrémé) diminuent lentement, mais demeurent supérieurs à ceux observés chez les principaux concurrents de l’UE. Les prix du beurre se montrent, eux, stables, tandis que les prix des fromages progressent de plus de 30 % depuis le début de l’année.

Prix records de la viande bovine

Du côté des autres productions animales, les prix de la viande bovine demeurent élevés. Ceux-ci ont atteint un niveau de près de 500 €/100 kg en mai dernier, niveau qui s’est maintenu pendant les quatre mois suivants. « C’est plus de 100 € de plus que le prix moyen des années précédentes », constatent les experts de la Commission.

Durant le premier semestre, la production de viande bovine a néanmoins reculé de 0,6 %. En réalité, le nombre d’animaux abattus a augmenté de 0,4 % mais le poids moyen des carcasses a faibli de 1 %. Cela pourrait indiquer une anticipation partielle des abattages du second semestre par rapport au premier semestre.

Les prix élevés des aliments ainsi qu’une moindre disponibilité des fourrages pourraient entraîner des abattages supplémentaires d’ici la fin de l’année, pour se rapprocher des chiffres observés en 2021. Par conséquent, la production globale devrait baisser de 0,6 % en 2022 et se stabiliser en 2023, si la disponibilité des aliments pour animaux revient à des niveaux normaux.

Enfin, entre janvier et juin, les exportations européennes de viande bovine ont fléchi de 2,4 % par rapport à la même période en 2021. Les exportations vers certains marchés à forte valeur tels que le Canada (+28 %), le Japon (+22 %) et le Royaume-Uni (+18 %) se portent très bien malgré les prix élevés observés au sein de l’UE. Les exportations de bovins vifs ont, quant à elles, fondu de 16 % sur la même période.

En parallèle, l’UE a importé 32 % (ou 42.000 t) de bœuf en plus entre janvier et juin 2022.

La viande porcine perd en compétitivité

La production de viande porcine de l’UE devrait diminuer de 5 % en 2022. Certains pays, comme la France, la Pologne ou encore l’Allemagne seraient plus touchés que d’autres. Cette dernière voit sa production chuter de 10 %, en raison de la peste porcine africaine (PPA) qui y sévit.

En 2023, la production de viande porcine pourrait à nouveau reculer (-0,6 %) par l’effet conjoint de la PPA et des prix élevés des intrants et aliments. Par ailleurs, ce dernier élément pèse lourdement sur les marges, ce qui vient s’ajouter au manque d’attrait de ce secteur pour les jeunes agriculteurs, soulignent les experts européens.

Soutenus par une forte demande et une offre restreinte, les prix de la viande de porc européenne continuent d’évoluer à des niveaux records. Durant la période mi-juillet-mi-septembre 2022, ils étaient supérieurs de 28 % à la moyenne 2017-2021. Cela nuit à notre compétitivité.

Côté commerce international, les exportations de viande porcine pourraient diminuer de 17 % en 2022 et de 3 % en 2023. Les importants devraient, elles, bondir de 27 % en 2022 et de 17 % en 2023.

Croissance modérée du côté des volailles

La production européenne de volaille est soutenue par le caractère relativement abordable de cette viande, en particulier en période de forte inflation comme celle que nous vivons actuellement. Cependant, en dépit d’une demande relativement bonne, seule une croissance modérée de la filière est attendue chez les principaux producteurs, toujours en raison du coût élevé des intrants et aliments pour animaux.

La grippe aviaire hautement pathogène pèse aussi sur la filière. Dans certains pays, comme la France ou l’Italie, la production devrait fortement baisser. Les moindres volumes de maïs en provenance d’Ukraine alourdissent encore la situation. Dans l’ensemble, la production de volaille de l’UE devrait diminuer légèrement, en 2022 (-0,9 %) et 2023 (-0,4 %).

La combinaison d’une forte demande, d’une offre restreinte, de coûts de production élevés et d’une inflation globale a conduit à des prix de la volaille étonnamment hauts, bien supérieurs à la moyenne 2017-2021 (+38 % entre mi-juillet et mi-septembre). In fine, les exportations européennes de volaille devraient diminuer de 2,2 % en 2022 et rester presque stables en 2023. Globalement, les importations devraient, elles, augmenter de 29 % en 2022 et de 7,7 % en 2023.

J. Vandegoor

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