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Allô Tonton, pourquoi tu tousses?

Autant en rire ! La cultissime réplique de Fernand Raynaud me vient à l’esprit chaque fois que je tousse, ou que j’entends tousser, c’est-à-dire très (trop) souvent ces temps-ci. Le virus de la grippe est occupé à prendre sa revanche face au Covid, à retrouver sa place d’ennemi-public numéro 1 de nos bronches et nos larynx. Il a lancé depuis décembre une offensive d’envergure pour déborder toutes les lignes de défense de nos organismes. Comme disait La Fontaine, « Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés. ». Zut ! Comme si on avait encore besoin de ça, à quelques jours des agnelages et des vêlages…

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Coucou, la revoilou ! Cette bonne vieille influenza se rappelle à nos bons souvenirs depuis quelques semaines, portée par une météo gluante d’humidité, fraîche et venteuse, avec un ciel si bas à l’horizon perdu, avec un ciel si gris au soleil éperdu. Sponsorisée par les fêtes de fin d’année, les bisous et les farandoles, la grippe s’amuse comme une petite folle à contaminer les uns et les autres, les jeunes et les vieux, les durs-à-cuire et les fragiles. On croit y échapper puisqu’on ne voit quasi-personne ; on se dit que cela n’arrive qu’aux autres, et on se retrouve un beau matin tout suffocant et blême quand sonne l’heure au réveil, grelottant de fièvre et accablé d’une toux à faire pâlir d’envie le Tonton de Fernand Raynaud. Il suffit d’aller du chaud au froid, d’inhaler les gaz d’échappement du tracteur, ou l’ammoniac en poussant le fumier, de sentir un parfum trop appuyé ou une odeur de lard fricassé, et keuf keuf keuf, ça recommence ! Avec cette impression désagréable de s’arracher des lambeaux de poumons à chaque fois…

Qu’y faire ? Pas grand-chose, si ce n’est prendre son mal en patience ! Les médecins ne prescrivent plus d’antibiotiques, à moins de se présenter à leur consultation avec un pied dans la tombe et une surinfection. Moins délicats, les vétérinaires ne chipotent pas : ils frappent vite et fort en cas de pathologie respiratoire, de maladies digestives, de mammites ou de métrites. La médecine humaine est beaucoup plus raffinée, friande de visites chez des spécialistes, de scanners, de prises de sang, de tests d’allergies… Avoir un rendez-vous dans l’heure est mission impossible, surtout en Luxembourg, où l’espérance de vie est largement en dessous des autres provinces belges. Les jeunes médecins ne sont guère enclins à venir s’installer dans nos zones rurales ; les hôpitaux sont situés à plusieurs dizaines de kilomètres et ne sont pas équipés comme ceux de Liège ou Namur. Le secteur de la Santé manque de financement, et cela pose des problèmes consternants dans des régions peu peuplées et difficiles comme l’Ardenne ou la Famenne. Bon nombre de professionnels du monde médical préfèrent aller travailler au Grand-Duché, où leur salaire est pratiquement deux fois plus élevé qu’en Belgique. C’est d’une tristesse accablante ! On parle beaucoup de construire un centre hospitalier ultramoderne du côté d’Habay, entre Ardenne et Gaume. Pour quand ? Avec quel personnel des soins de santé ? Dieu seul le sait…

Bref, quand la grippe vous agrippe, une pancréatite vous alite, il faut avant tout compter sur ses propres forces, prier le Petit Jésus et rédiger son testament, se shooter au paracétamol, ibuprofène ou aspirine, et se soigner avec des remèdes « de grand-maman ». Contre la toux, rien ne vaut par exemple le sirop de carottes, concocté à partir de ces sympathiques légumes finement coupés et mélangés avec du sucre candi. Les tisanes de bourgeons d’épicéa font plaisir aux bronches, et celles d’armoise sont magiques contre le Covid, ai-je appris récemment. J’allais oublier le miel ! C’est un alicament-miracle, assurément, qui soulage de la toux et de bien d’autres pathologies.

L’idéal, évidemment, serait de rester au chaud et d’attendre que cela passe, tout bêtement. Hélas, le devoir nous appelle en meuglant et bêlant, dans les étables et la bergerie… Les animaux n’arrêteront pas de manger ni de mettre bas pour nous laisser le temps de guérir. Alors, on s’habille comme un ours pour affronter le froid qui vous donne des frissons ; on suce des pastilles à la menthe pour « contrer » les effluves qui agressent les bronches. J’enfile un thermolactyl, une chemise épaisse, deux pulls polaires, et par-dessus tout cela le blouson de mon papa, qui était bien plus large que moi. Je coiffe un gros bonnet du Standard, m’enroule l’écharpe de deux mètres autour du cou, et j’ajoute même un masque anti-covid, qui me protège des poussières et tient le visage bien au chaud ! Les vaches et les moutons rigolent de mon accoutrement, et le chien s’amuse à vouloir attraper les franges rouges et blanches de l’écharpe -je le soupçonne d’être supporter d’Anderlecht !-. Mais toutes ces épaisseurs ne m’empêchent pas de tousser en leur donnant le picotin.

Les brebis me demandent alors : « Tonton, pourquoi tu tousses tant ? »

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