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Plateforme de financement participatif Miimosa: quelques viticulteurs en parlent

Très répandue dans le monde agricole, tant en France qu’en Belgique, la plateforme Miimosa permet aux viticulteurs wallons de trouver un financement participatif pour le développement de leur activité. Voici cinq exemples de projets réussis sur les cinq dernières années.

Temps de lecture : 7 min

Lancée en Wallonie en 2017 deux ans après la France, la plateforme de financement participatif Miimosa permet aux agriculteurs d’obtenir un don ou un prêt, avec ou sans contrepartie, pour financer leurs projets ou acheter du matériel ou, de manière plus générale, de financer la transition agricole (voir encadré).

Un porteur de projet peut ainsi obtenir assez facilement des montants de quelques milliers d’euros à bien plus. Facilement ? Cela dépend de plusieurs facteurs, comme nous allons le voir dans ce reportage réalisé auprès de cinq vignerons wallons qui ont tenté l’expérience. Et, les avis sont partagés.

Pour l’extension du vignoble

Le premier à s’être lancé dans l’aventure est le Domaine W à Saintes, en Brabant wallon, un vignoble initié en 2016 par Sophie Wautier et son mari Dimitri Vander Heyden avec des cépages classiques. Planté sur des terres familiales, il fut le premier vignoble wallon certifié en biodynamie, le premier à développer un club offrant à ses membres des bouteilles (de vins effervescents) en échange de leur cotisation et le premier à opter pour ce type de financement en 2018.

« En effet, explique Dimitri, nous avons été les premiers à le faire en Belgique, en tout cas pour la vigne. À l’époque, lorsqu’ils sont venus vers nous pour nous proposer les services de la plateforme, nous n’étions pas très chauds – nous avions déjà lancé notre club – mais ils nous ont motivés. Il faut reconnaître que ce fut un gros boost de visibilité, même si les personnes touchées par ce genre d’opération sont avant tout issues des cercles proches, famille et amis, qui veulent te soutenir.

C’est un peu la limite du système, car la communauté Miimosa a théoriquement une mailing list de 100.000 personnes, ce qui devrait booster les dons, mais dans les faits, seule une centaine de personnes ont répondu à notre appel, dont 80 % de personnes déjà connues de nous. Nous sommes un peu mitigés sur l’expérience, car cela prend beaucoup de temps pour préparer les textes, les photos, les vidéos…

Le premier à s’être lancé dans l’aventure Miimosa est le Domaine W, à Saintes, en Brabant wallon.
Le premier à s’être lancé dans l’aventure Miimosa est le Domaine W, à Saintes, en Brabant wallon.

Mais la plateforme Miimosa venait d’être lancée, c’était la première du genre aussi et elle était alors peu connue sur les réseaux. Cela étant, ce fut une bonne excuse pour faire parler de nous, même si cela mobilise beaucoup de temps. Il ne faut pas sous-estimer l’implication nécessaire en amont, pendant ou en aval pour délivrer les contreparties. Pour des petites structures qui démarrent, cela peut servir de base à une future communauté, mais cela ne va pas se passer tout seul… »

Quoi qu’il en soit, les 15 à 20.000 euros récoltés ont permis l’extension du vignoble et de planter de nouveaux pieds de vignes en 2019 et en 2020. Les dons les plus fréquents ne dépassaient pas 100 euros, même si dix personnes ont investi 10.000 euros dans le projet de Sophie et Dimitri. Les contreparties proposées étaient elles aussi très variées : visites du vignoble, t-shirt collector, parrainage d’un pied de vigne ou d’une ruche, atelier « Apprentis vignerons », visite et bouteilles…

Pour des barriques

Toujours dans le Brabant wallon, non loin de Nivelles, le Domaine du Chapitre a été créé par la famille Hautier qui s’est consacrée pendant plus de trente ans à l’élevage de bovins blanc-bleu-belge et aux cultures céréalières. Les 4,6 premiers hectares plantés en 2013 ont triplé en dix ans et proposent un mixte de cépages résistants (60 %) et classiques (430 %).

Souhaitant valoriser les vins rouges issus de la vendange 2018, Bertrand Hautier et son frère Guillaume décident d’acheter des barriques pour un montant de 10.000 euros, mais les fonds manquent… Ils font donc appel eux aussi à Miimosa.

Bertrand Hautier et son frère Guillaume, du Domaine du Chapitre,  ont fait appel à Miimosa pour financer l’achat de barriques.
Bertrand Hautier et son frère Guillaume, du Domaine du Chapitre, ont fait appel à Miimosa pour financer l’achat de barriques.

« La formule est intéressante, explique Bertrand, mais il faut être familier des réseaux sociaux, ce que nous ne sommes pas. Il faut vraiment passer toute la journée à démarcher, mais nous l’avons surtout fait pour nous faire connaître, et cela a bien fonctionné, cela nous a aussi permis d’avoir de la trésorerie qui rentre. Mais nous n’avions pas réalisé le temps que cela prendrait. Il faut vraiment être dans la communication et raconter son histoire tout le temps. Si ce n’est pas le truc de celui qui cherche un financement participatif, ce n’est peut-être pas à conseiller. »

Récemment, Guillaume et Bertrand ont acheté une machine à vendanger, leur permettant de ramasser les raisins très rapidement quelles que soient les conditions météo et aussi d’offrir leurs prestations à d’autres. « On aurait pu faire un financement participatif pour cela, mais… », conclut Bertrand.

Pour une tour anti-gel

Après ces deux expériences, découvrons les témoignages de trois vignerons aux vignobles plus modestes, peut-être est-ce là la clé du succès ?

À Floreffe, dans le hameau de Buzet, François Van Pachtenbeke et sa compagne Marie Winand ont créé Oze le vignoble, une petite parcelle à l’arrière de leur maison (qui n’était pas encore construite) qui s’enrichit chaque année de nouveaux pieds et qui est menée en biodynamie. En 2019 et en 2020, plusieurs nuits de gel de printemps déciment le vignoble, retardant la production des premières bouteilles. Solution envisagée : la construction d’une tour antigel. Coût estimé : 8.000 euros en financement participatif de Miimosa.

« Notre objectif a été atteint et même au-delà, se réjouit François, ce fut une belle expérience, sans compter que nous en avions vraiment besoin, nos finances étaient au plus bas. Analyse et validation du projet, explications et aide pour présenter au mieux notre projet, nous avons été accompagnés du début à la fin par une personne de Miimosa. C’était assez amusant de voir l’évolution quotidienne du financement avec parfois des gens venus de nulle part et qui font partie de notre univers aujourd’hui. Je pense que je retournerai vers eux pour de nouveaux projets. »

Pour de l’outillage

En Province de Namur également, à Andenne, Terres de Crompechine est un projet multiforme avec la création d’un vignoble en biodynamie, la plantation d’anciennes variétés de pommiers à hautes tiges, des vergers, l’installation de ruches et plantations notamment de tilleuls, de haies mellifères et à petits fruits. Le tout dans une zone à haute valeur biologique qui offre un remarquable cadre pour la balade pédestre.

« Nous avons collaboré avec Miimosa en novembre 2019, se rappelle Frédéric De Baere, et cela nous a vraiment donné beaucoup d’entrain et d’enthousiasme pour nous lancer. Notre projet fut assez facile à présenter, et cela ne nous a demandé que très peu d’énergie pour pouvoir participer et avoir un retour. Non seulement un retour financier (c’est évidemment la motivation principale), mais aussi un rayonnement, une visibilité, une espèce de confirmation, d’une certaine manière, que notre projet parlait aux gens. C’est très agréable à entendre et à voir, ce fut vraiment chouette. Nous voulions réunir 8.000 euros et nous en avons eu presque 11.

Terres de Crompechine est un projet multiforme avec la création d’un vignoble en biodynamie, la plantation d’anciennes  variétés de pommiers à hautes tiges, des vergers, l’installation de ruches, de haies mellifères et à petits fruits...
Terres de Crompechine est un projet multiforme avec la création d’un vignoble en biodynamie, la plantation d’anciennes variétés de pommiers à hautes tiges, des vergers, l’installation de ruches, de haies mellifères et à petits fruits...

Nous avons choisi la participation contre rétribution (vin, miel, différents packages) mais certains ont donné sans attente de retour. La Wallonie a besoin d’entreprises qui se lancent, surtout dans la partie agricole et bio, nous avons été extrêmement heureux de participer à cette aventure. Je suis indépendant depuis plus de 20 ans, constate Frédéric, collecter de l’argent a l’air simple, mais c’est en réalité tout une histoire. »

L’argent récolté en quelques semaines a permis à Crompechine d’acheter un interceps Egretier (un outil qui nettoie les vignes et entretient les sols) avec des lames interchangeables, ainsi que de l’outillage d’entretien pour le vignoble. Les premières bouteilles sortent dans les prochains mois, et les vins sont plus que prometteurs…

Pour attirer l’attention

Asbl des services agricoles de la Province de Hainaut, le Carah aide depuis 65 ans les agriculteurs à gérer au mieux leur exploitation. A côté de ses métiers de base, le Carah est également un terrain d’expérimentation et de formation en matière d’agronomie pour les élèves de l’Ipes et de la Haute École Provinciale de Hainaut Condorcet à Ath. Cette dernière est la première structure d’enseignement supérieur en Belgique à intégrer une formation en techniques viti-vinicoles. Les élèves y entretiennent un petit vignoble pédagogique.

Créée par et pour les étudiants de la HEPH-Condorcet, la coopérative Graines d’Entrepreneurs a quant à elle fait appel aux services de Miimosa pour récolter un budget destiné à l’achat de barriques en bois, d’une bouchonneuse et de petit matériel.
Créée par et pour les étudiants de la HEPH-Condorcet, la coopérative Graines d’Entrepreneurs a quant à elle fait appel aux services de Miimosa pour récolter un budget destiné à l’achat de barriques en bois, d’une bouchonneuse et de petit matériel.

Créée par et pour les étudiants de la HEPH-Condorcet, la coopérative Graines d’Entrepreneurs a quant à elle fait appel aux services de Miimosa pour récolter un budget destiné à l’achat de barriques en bois, d’une bouchonneuse et de petit matériel (sécateurs, etc.). « Ce fut très anecdotique, reconnaît Julien Louviaux, maître-assistant, l’idée était surtout d’attirer l’attention sur le projet. Une quarantaine de dons ont toutefois permis de rassembler 4 à 6.000 euros. Comme rétributions, des boutures de vigne ont été offertes ainsi que du jus de nos pommes. »

Marc Vanel

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