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Agriculture bas-carbone : mise en garde contre l’accaparement des terres

Pour le Comité européen des régions, les futures mesures encadrant le dispositif de certification des absorptions de carbone agricole devront prendre en compte l’ensemble des efforts menés sur les exploitations agricoles pour réduire les émissions et ne pas conduire à un accaparement des terres.

Temps de lecture : 4 min

Si la séquestration du carbone dans le sol et les végétaux peut s’avérer un outil crucial pour réduire les émissions du secteur agricole, le dispositif envisagé par la commission européenne pour certifier et rémunérer ces pratiques « ne doit pas inciter les agriculteurs à moins cultiver », prévient dans un rapport adopté à l’unanimité le Comité européen des régions.

Demande d’implication des régions

Le rapport préparé par le Français Loïg Chesnais-Girard pointe également le risque de financiarisation du futur système qui pourrait conduire à un accaparement des terres. Pour éviter ces écueils, Loïg Chesnais-Girard plaide pour une implication des régions dans le système de certification afin de faire en sorte que les projets soient adaptés aux besoins locaux et ne mettent pas en péril la sécurité alimentaire en Europe.

Le nouveau système ne devra pas non plus pénaliser les plus petits agriculteurs ni ceux qui ont déjà intégré dans leur activité la réduction des gaz à effet de serre et les pratiques de stockage, souligne le Comité des régions.

Le rapporteur propose enfin que les agriculteurs soient soutenus dans une démarche de réduction globale des émissions de gaz à effet de serre qui ne soit pas focalisée uniquement sur le carbone en reconnaissant des pratiques reconnues au lieu de se focaliser uniquement sur les résultats.

La commission européenne a publié fin novembre 2022 une proposition de règlement établissant un cadre de certification relatif aux absorptions de carbone.

Mais les détails du dispositif ne seront réellement connus qu’à l’issue des travaux d’un groupe de 70 experts chargés d’élaborer des méthodes de certification pour les différents types d’activités d’absorption du carbone dont la première réunion est prévue au premier trimestre.

Fourre-tout

Ces inquiétudes du Comité des régions rejoignent celles de plusieurs eurodéputés du groupe des Verts qui organisaient le 7 février une conférence sur cette question. Un rapport préparé par l’association Arc 2020 à la demande du parlementaire français Benoît Biteau, estime que le modèle économique envisagé pour développer l’agriculture bas-carbone – basé sur la vente de crédits sur les marchés volontaires du carbone – ouvre la porte à divers risques pour notre système agricole et pour l’atténuation du changement climatique.

Le constat est sans appel : « La proposition de la commission fait à peine la distinction entre le piégeage naturel et le piégeage industriel » ; c’est « une méthodologie fourre-tout pour toutes les activités de piégeage du carbone. Par conséquent, elle manque d’informations concrètes sur les risques spécifiques inhérents à certains types d’activités d’élimination dans l’agriculture » ; et les critères sur lesquels la commission fondera sa décision d’approuver un système de certification « sont trop vagues pour garantir l’exclusion des systèmes de greenwashing ».

Des questions restent en suspens, met en garde le rapport : comment s’assurer que l’achat de crédits carbone par les entreprises ne retarde pas les réductions d’émissions nécessaires ? ; comment l’agriculture carbone peut-elle être ouverte à tous les agriculteurs, y compris à ceux qui font déjà des efforts depuis un certain temps ? ou encore, « comment pouvons-nous garantir que les résultats seront permanents » ?

Autre critique : « Le règlement se concentre presque uniquement sur les absorptions et exclut un certain nombre de pratiques liées à l’évitement et à la réduction des émissions.

Ce cadre étroit ne permet pas d’exploiter tout le potentiel d’atténuation de l’agriculture carbone ». Arc 2020 propose une évaluation globale de l’exploitation, incluant les émissions directes et indirectes des exportations et des importations, afin de maximiser le potentiel d’atténuation et d’éviter les fuites de carbone.

Accaparement des terres et double financement

Autre risque, avec l’augmentation de la demande et du prix des crédits carbone, celui d’une ruée vers les terres de la part des investisseurs.

L’agriculture bas-carbone pourrait inciter à l’achat de terres pour mettre en œuvre des pratiques d’agriculture carbone et bénéficier des revenus des crédits carbone, faisant ainsi grimper les prix des terres agricoles.

Dans son rapport Arc 2020 cite l’exemple de l’Australie, où un programme similaire a été lancé en 2011 et où après les dix premières années, le gouvernement a dû proposer une législation permettant de mettre son veto aux projets d’agriculture carbone de plus de 15 ha pour empêcher les investisseurs de spéculer sur les terres.

Enfin, le rapport craint une certaine concurrence entre la nouvelle Pac. À l’avenir, indiquent ses auteurs, il serait essentiel d’éviter de créer une compétition entre les deux instruments (Pac et certification carbone) et veiller à empêcher le double financement de pratique.

« Quel montant de la subvention de transition vers l’agriculture biologique de la Pac un agriculteur pourrait-il recevoir en plus de la rémunération de l’agriculture carbone » qui comporte des obligations qui se chevauchent, demande-t-il. Tous ces scénarios devront être discutés dans les prochains mois par les experts sélectionnés par la Commission européenne.

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