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Le coin du maraîcher: comment gérer au mieux le transfert de fertilité et la maîtrise de l’enherbement?

Dans les fermes en polyculture maraîchère, on peut être confrontés à plusieurs difficultés générales liées au maintien ou l’amélioration de la fertilité des sols et à la maîtrise de l’enherbement. C’est le cas pour les parcelles en plein air et celles sous serres maraîchères.

Temps de lecture : 7 min

Plusieurs centres de recherches appliquées européens se sont déjà penchés sur les possibilités d’allonger la rotation maraîchère en intercalant une prairie temporaire. Le Sillon Belge du 1er novembre 2019 présente différentes possibilités offertes vis-à-vis de l’enherbement.

D’autres recherches portent sur le maintien de la fertilité par l’apport suffisant de matières organiques, en plein air et en serre. Il y est question de « paillis de foin et luzerne » ou de « mulch de transfert », ou d’autres termes encore.

Les résultats peuvent être croisés et intervenir à la fois pour transférer de la fertilité d’une parcelle à l’autre et pour apporter une partie de la solution vis-à-vis de la concurrence des adventices.

La question de l’enherbement

La gestion de l’enherbement est un point critique en cultures maraîchères, que ce soit en agriculture conventionnelle par la faible gamme de produits et moyens disponibles ou en agriculture Bio. Pour cet important poste de la phytotechnie, la rotation de cultures maraîchères avec des cultures fourragères (prairies temporaires de 3 ans environ) permet de maîtriser un peu mieux les invasions de plantes adventices difficiles à contenir comme le pâturin annuel ou les galinsoges par exemple. Ces possibilités sont accessibles dans les fermes mixtes de polyculture et élevage s’adonnant à la diversification en cultures maraîchères ou via conventions entre fermes voisines complémentaires pour ces productions. Pour les rotations des seules cultures maraîchères, il est possible d’alterner les cultures dites salissantes (dont le feuillage ne couvre pas suffisamment le sol et difficiles à désherber) et les cultures nettoyantes (celles à forte couverture foliaire et qui permettent facilement les opérations de désherbage).

Jouer sur la rotation

Les fermes mixtes de polycultures et élevage présentent le grand avantage de pouvoir valoriser les fourrages des prairies temporaires et de mettre à disposition des surfaces consacrées au maraîchage des sources de matières organiques bon marché comme les fumiers.

En pratique, il est possible de grouper les cultures maraîchères par famille, par exigences de richesse du sol, par date de semis ou de récolte. Le raisonnement s’étend alors aux possibilités de rupture de rotation grâce à l’incorporation de cultures fourragères ou de céréales ou encore d’un engrais vert en culture avancée, retardée ou sur une année complète.

La rotation est en lien direct avec l’assolement. Elle est une des techniques agronomiques de base. Avec l’emploi de la technique du faux semis ou le respect de la structure du sol, en particulier avant et à l’implantation, elle permet une production maraîchère de qualité et durable.

Une vision à moyen terme est indispensable pour maintenir la fertilité des sols de la ferme dédiés aux cultures maraîchères.

Une rotation large permet d’alterner les époques de travail du sol, au printemps, en été ou en automne. Nous limitons ainsi le risque de sélectionner des adventices au cycle particulier et qui risqueraient de devenir envahissantes.

La rotation maraîchère allongée par des céréales ou des cultures fourragères présente pas mal d’avantages. Cette possibilité est évidente dans les fermes mixtes, elle est à convenir avec des voisins pour les fermes maraîchères spécialisées. Le Sillon Belge du 1er novembre 2019 fait un point de la question.

La rotation avec des prairies temporaires présente des avantages phytotechniques. Elle est possible pour autant que l’utilisation de ces fourrages s’intègre dans la gestion de la ferme maraîchère. Elle permet de réduire les envahissements par des plantes adventices difficiles à détruire en cultures maraîchères, comme le pâturin annuel ou les galinsoges.

Bien pratiques en cultures maraîchères, les faux-semis complètent bien les techniques générales de respect d’une rotation large. Le principe est de laisser germer les plantes adventices et de les détruire mécaniquement dès leur pleine germination. Les travaux mécaniques sont très superficiels pour ne pas altérer le lit de semis et surtout ne pas remonter d’autres graines de plantes sauvages.

Les mélanges luzerne-dactyle ou trèfle-Ray-grass ont de bons potentiels de production.  Sur des terres de fertilité limitée, nous pouvons opter pour des mélanges adaptés.
Les mélanges luzerne-dactyle ou trèfle-Ray-grass ont de bons potentiels de production. Sur des terres de fertilité limitée, nous pouvons opter pour des mélanges adaptés. - F.

Le transfert de fertilité

Sur une parcelle de la ferme, nous implantons une culture destinée à produire de la matière végétale et non des légumes. Cette culture peut être comparée à une prairie temporaire. Elle peut rester en place quelques mois voire quelques années. Les parties aériennes sont fauchées régulièrement mais au lieu d’en produire du foin ou un ensilage, nous les transférons au sein de la ferme. Elles iront s’ajouter au compost ou seront épandues en vue d’être incorporées au sol ou encore placées en paillage de surface. Notons que le départ de ces matières vers un élevage au sein de la ferme ou chez un partenaire avec un retour sous forme de fumiers, c’est aussi un transfert d’une parcelle à l’autre.

Au global, il n’y a pas de perte significative ni de gain important au sein de la ferme, mais il y a un retrait abondant de matières végétales d’une parcelle 1 vers une parcelle 2. Si les végétaux transférer sont des légumineuses (Papillonacées), il peut y a avoir eu un gain d’azote par la culture ; mais ce gain est lié au type de culture implantée, pas au transfert proprement dit.

Au départ de quelles parcelles ?

L’allongement de la rotation et la forte présence concurrentielle vis-à-vis des adventices font que les parcelles qui seront semées de ces cultures de transfert sont celles qu’ils faillent améliorer en priorité sur ces deux aspects.

Les masses exportées sont très importantes, de l’ordre de 10 à 16 tonnes de matières sèches par ha pour des mélanges Ray-grass + trèfle ou dactyle + luzerne. Les exportations de P2O5 et de K2O sont respectivement de l’ordre de 6 et de 24 kg/ tonne de matière sèche. Les quantités transférées sont celles-là, en plus des autres éléments minéraux et de l’ordre de 18 kg d’N par tonne de matière sèche.

Si la culture est en place 3 ans et que les transferts se poursuivent, nous devons donc analyser le sol en vue de corriger les éventuels manques, surtout en K2O et en MgO.

Dans leurs conclusions d’essais, les centres de recherche ont envisagé de récolter les plantes des espaces entre les serres-tunnels. Tout en respectant ces recommandations, nous pouvons quand même noter que ces espaces sont parfois étroits et que des récoltes ne seraient pas aisées. Les plantes de ces espaces sont aussi des refuges pour bon nombre d’auxiliaires. Enfin, ces zones sont parfois dotées de plantes adventices en graines qu’il n’est pas recommandé d’amener sans précaution sur les zones de production.

Vers quelles parcelles ?

Les serres maraîchères sont en activité biologique sur une plus longue période de l’année. La minéralisation des matières organiques y est plus rapide. D’autre part, la rotation est plus difficile à allonger, avec les quelques cultures classiques d’été et d’hiver. Elles vont profiter d’apports importants de matières à décomposer.

Les parcelles en plein air au taux d’humus faible sont les secondes à pouvoir fertiliser de telle manière.

Les matières sont disponibles aux dates équivalentes à celles des récoltes de fourrages. Le premier apport peut être envisagé en paillage de surface, par exemple pour une tomate en serre. La dernière coupe en début d’automne pourra éventuellement être incorporée en surface, par exemple en même temps que des débris de culture. Les coupes d’été peuvent rejoindre les tas de compost pour être épandues ultérieurement.

Après des paillages en surface de telles matières, les centres de recherche mettent en évidence l’augmentation de l’activité biologique et de la teneur en humus du sol, les avantages classiques des paillages et une fertilisation à court et à moyen terme. En négatif, ils pointent une diminution de la température du sol, l’apport possible de semences d’adventices, la minéralisation tardive de l’azote et l’organisation du travail de mise en place.

C’est en serre que le paillage est le mieux valorisé. Nous prévoyons d’apporter par are la quantité de matière fournie par 3 ares d’une première coupe. Cela correspond à un paillage d’un peu plus de 10 cm d’épaisseur lorsque les matières sont fraîchement récoltées. C’est suffisant pour un sol à envahissement moyen d’adventices mais insuffisant en cas de fort envahissement. En fin de culture d’été, le paillage peut être incorporé au sol en même temps que les débris de culture.

Précautions

Les mélanges fourragers graminée-légumineuse classiques conviennent et ont l’avantage d’ouvrir les possibilités de valorisation aux élevages de la ferme ou voisins. Leur rapport C/N est de l’ordre de 15 à 25 ce que semble bien s’adapter à nos conditions de sol.

Les fauches et broyats doivent être plus grossiers que pour l’alimentation animale, avec des longueurs de coupe d’une dizaine de centimètres de long. Il s’agit surtout d’éviter que le piétinement du paillage par les travailleurs n’amène un tassement et une acidification comme celle constatée en ensilages.

Pour que la diminution de la température du sol suite au paillage ne soit un problème, il est conseillé d’attendre que le sol ait atteint 14 ou 15 ºC avant de pailler.

F.

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