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Réussir le déterrage des pommes de terre, pour une bonne ventilation et application ultérieures des antigerminatifs

Lors du coin de hangar phytolicence organisé par la Fiwap, Pierre Ver Eecke est revenu sur l’importance de réaliser un bon déterrage de ses pommes de terre lors du stockage afin de faciliter leur ventilation ainsi que l’application des antigerminatifs.

Temps de lecture : 7 min

En effet, le déterrage des pommes de terre ainsi que le dimensionnement et le positionnement des tunnels de ventilation et ventilateurs sont des éléments à ne pas négliger si l’on veut s’assurer un résultat optimum lors de l’utilisation des nouveaux antigerminatifs et particulièrement ceux à base d’huile essentielle.

Préparer la ventilation ultérieure

Le déterrage est la mise en situation pour une ventilation ultérieure et donne aux pommes de terre la possibilité d’avoir une ventilation naturelle. « L’expérience du stockage nous a appris qu’un tas de pommes de terre avec une bonne convection naturelle était facile à gérer. Un tas qui ne possède pas de convection naturelle, il n’est pas certain qu’une ventilation artificielle puisse le gérer », expose Pierre Ver Eecke, de la Fiwap.

Un déterrage en 4 temps

Le déterrage peut se diviser en quatre catégories : « Quand on est dans l’action, on n’y pense pas forcément mais il y a quatre étapes qui sont véritablement à respecter et qui varient d’une année à l’autre, en fonction de la parcelle, des conditions climatiques, de la variété… »

La première est l’enlèvement de la fine terre non adhérente aux pommes de terre car elle provoque des zones de non-ventilation qui sont à l’origine des cônes de pourriture. Ces zones sont accentuées si le répartiteur reste sur place. « Cela peut paraître simple et évident, d’autant plus que le matériel a bien évolué et qu’il est rare de voir des déterreurs avec 4 rouleaux. On est plutôt sur 6 ou 8 rouleaux pour le premier module. Néanmoins, il est vraiment primordial que toute cette terre soit enlevée sinon, c’est elle qui posera problème lors du stockage, que ça soit pour les antigerminatifs ou la ventilation. De plus, il s’agit en général de la terre la plus propre, indemne de cailloux et de grosses mottes argileuses comme celle des postes suivants, qui retourne assez rapidement au champ ou peut être stockée à part ».

Les petites mottes qui finissent en terre fine

La seconde catégorie de terre à enlever correspond aux mottes de diamètre inférieur à 35mm car les petites mottes provoquent des passages préférentiels de l’air au travers du tas et donc des zones trop peu ventilées. « C’est un point qu’on néglige assez vite. On se dit qu’il ne s’agit que de quelques petites mottes qu’on peut tolérer mais ce n’est pas tellement leur quantité mais bien leur structure qui va tout changer. Il est indispensable de contrôler régulièrement le répartiteur et le tas afin de s’assurer que ces mottes n’éclatent pas. Si c’est le cas, ça a exactement le même effet que la terre fine. Il faut avoir conscience que l’impact dans le bâtiment d’une ou deux bennes sales est bien plus important que le volume rentré ».

Sécher rapidement les pommes de terre crottées

La troisième partie consistera en l’enlèvement de la terre adhérente aux pommes de terre. Cela permettra de diminuer le temps de séchage des pommes de terre, plus vite elles seront sèches plus vite elles seront mises en dormance. En effet, une pomme de terre humide aura toujours envie de germer. « Par contre, cette terre n’est pas particulièrement gênante pour l’action des antigerminatifs. Même avec une couche de terre de 1 ou 2 mm, c’est sur le germe qui démarre que le produit agira. Ça ne limitera pas son efficacité ».

Pour sécher efficacement ces pommes de terre quand elles arrivent au hangar, il est conseillé de placer des ventilateurs au sol afin de faire blanchir le front de tas : « C’est quelque chose qu’on ne faisait pas lorsqu’on utilisait la poudre CIPC, de manière assez compréhensible. Aujourd’hui, c’est envisageable, même si on est d’accord qu’au niveau bruit et courants d’air, cela reste agaçant pour la personne en charge du stockage. Si on veut un stockage de qualité, c’est quand la benne arrive qu’elle doit blanchir. Après l’humidité n’aura d’autre choix que de s’échapper via le haut du tas et il sera plus compliqué de l’avoir sec. En procédant au cours de stockage, on peut gagner une semaine et ne pas rater l’application du premier antigerminantif qui peut conditionner toute une saison ».

L’enlèvement de la terre adhérente aux pommes de terre permettra  de diminuer leur temps de séchage.
L’enlèvement de la terre adhérente aux pommes de terre permettra de diminuer leur temps de séchage. - D.J.

Éliminer au maximum les sources d’humidité

Enfin l’enlèvement des mottes de diamètre supérieur à 35mm se fait de manière manuelle ou électronique. « C’est dans ces mottes qu’il y a le plus d’eau. Moins il y a de mottes, moins il y a de litres d’eau à extraire et les pommes de terre resteront sèches plus longtemps après l’arrêt de la ventilation ».

La présence de ce type de mottes va avoir un impact sur le gazage : « Il s’agit en général de mottes d’argile qui tiennent bien l’eau. Lorsqu’on ventile, les pommes de terre sèchent mais pas les mottes. Lorsqu’on arrête la ventilation, les mottes libèrent de la vapeur d’eau en plus de celle engendrée par la respiration des pommes de terre. Les pommes de terre se mouillent, il est alors impossible de gazer. Si le gazage à quand même lieu, il est impossible de ne pas ventiler dans les 48h après. L’humidité est l’ennemi numéro 1 des nouveaux antigerminatifs. Quand on gaze, il ne faut plus avoir à gérer que la respiration de la pomme de terre et toute autre source d’humidité doit être supprimée ».

Pierre Ver Eecke met aussi en lumière l’utilisation de plus en plus répandue de modules qui permettent de récupérer les grenailles : « C’est une bonne chose car il est juste que l’agriculteur soit rémunéré pour toute la matière sèche produite, il n’y a aucune raison qu’elle retourne au champ ». Il précise néanmoins : « attention quand même que plus le module est ouvert, plus les pommes de terre sont sujettes aux coups par friction. Dans certains dispositifs, il est possible de remettre directement ces sous calibres au stockage. Lorsqu’on utilise un trieur optique ça peut être un avantage car le flux de pommes de terre est moins important et il fait mieux son boulot ».

La ventilation pour chasser l’humidité

Le premier objectif de la ventilation est d’enlever l’humidité adhérente à la pomme de terre (+/- 1 % du poids). C’est l’une des premières étapes qui normalement doit se faire avec le déterrage. « Il va falloir s’en convaincre si on a encore des pommes de terre nerveuses comme cette année à l’avenir. Même les parcelles mortes sont désormais nerveuses, on n’est plus dans le même raisonnement que du temps du CIPC ».

La ventilation permettra ensuite d’éliminer l’humidité de respiration (+/- 1 % par mois) qui varie en fonction de la variété.

Elle aura également un rôle à jouer en présence de pourries et de vitreuses. « Cette année, nous étions relativement tranquilles dans ce domaine mais c’est dans de telles situations qu’on voit apparaître les limites de capacité de ventilation ».

Enfin la ventilation permettra d’extraire le CO2 en cours de stockage et de maintenir une température constante. « La ventilation est désormais un point sur lequel on doit agir et qu’on doit remettre en question chaque année et pour chaque parcelle afin d’avoir un stockage optimal ».

Le dimensionnement et la position des tunnels

Pour terminer, en ventilation de surface, l’efficacité de la ventilation et l’homogénéité d’un gazage sont influencées par le dimensionnement et le positionnement des tunnels de ventilation. « Il faut s’assurer d’avoir la capacité de ventilation (puissance et diamètre des ventilateurs) par rapport au tonnage stocké. Ensuite, il faut utiliser des tunnels qui correspondent à cette capacité sinon vous allez ventiler mais l’air va sortir de manière irrégulière de votre tunnel, avec des différences de vitesse et pression au démarrage, au milieu ou en fin de course. Il est impératif de vérifier la vitesse de l’air à chaque taille de gaine. Avant, on se contentait de ventiler davantage pour régler le problème mais, aujourd’hui, il est nécessaire que la circulation de l’air soit homogène durant le gazage et le prix de l’électricité nous pousse également à réfléchir autrement ».

Outre leur dimensionnement, le positionnement des tunnels aura aussi un impact sur l’homogénéité de la ventilation. « Idéalement, il faut toujours avoir une hauteur de tas qui correspond à la distance entre centres de tunnels sinon l’air n’ira pas assez en largeur dans le tas de pommes de terre et donc il y aura des zones de sous ventilation, le long des murs et entre les gaines. « On pourra encore ventiler plus mais lors des deux heures de gazage ça posera problème. Encore une fois, les antigerminatifs sont sensibles à leur répartition lors du gazage, si elle est hétérogène ça peut mener à un échec ».

D. Jaunard

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