Le folpet, une agréation parmi les nombreux retraits de substances actives en céréales
Les produits de protection des plantes (PPP) sont constitués d’une ou de plusieurs substances actives. Ces dernières définissent le spectre d’efficacité de chaque produit. Avant de pouvoir être présente au sein de produits formulés, chaque substance active doit être homologuée au niveau des autorités européennes.
Lors de son premier enregistrement, la substance active est autorisée pour une période maximale de 10 ans. Après ce délai, elle devra passer par une nouvelle évaluation européenne en vue du renouvellement, ou non, de son homologation. Trois ans avant sa date d’expiration, la firme concernée doit remettre une intention de soutenir sa molécule ou non. Si la substance active n’est pas soutenue, son autorisation est automatiquement retirée à sa date d’expiration. Si la firme décide de soutenir le renouvellement de la molécule, elle devra déposer un nouveau dossier d’homologation aux autorités européennes. Si les critères d’approbation et les conditions de restriction sont toujours respectés, l’autorisation de la substance active pourra alors être renouvelée pour une période pouvant aller de 5 à 15 ans suivant les conditions.
Le 18 mai 2022, la commission européenne a décidé de retirer l’autorisation de l’isopyrazam. En effet, suite à la révision de ce SDHI par l’ECHA (l’Agence européenne des produits chimiques) en décembre 2020, il a été reclassé comme toxique pour la reproduction de catégorie 1B ainsi que substance cancérogène de catégorie 2. En effet, toute substance active présentant des critères d’exclusion verra son autorisation immédiatement retirée s’il n’est pas possible de prouver que son exposition vis-à-vis des utilisateurs est négligeable. La toxicité pour la reproduction de catégorie 1B étant un critère d’exclusion et l’exposition de cette substance active vis-à-vis des utilisateurs n’étant pas nulle, il a rapidement été décidé de la retirer du marché européen.
La date de retrait (et utiisation) de cette substance était le 31juillet 2022. Le seul produit impacté par cette décision et utilisable en froment est le Gigant. En escourgeon, les produits concernés sont le Bontima et le Cebara.Tout bidon de ces produits doit maintenant être évacué via AgriRecover (https ://agrirecover.eu/be-fr).
Le prochloraz a été déchu de son autorisation de mise sur le marché le 31 décembre 2021. La commercialisation par le détenteur d’autorisation, la mise sur le marché et le stockage par les tiers ne sont plus autorisés. L’utilisation de cette substance active est encore autorisée jusqu’au 30 juin 2023. Passé cette date, les produits à base de prochloraz devront être évacués.
Les produits utilisables en froment impactés par cette décision sont : Ampera, Atak 450, Eyetak 450, Kantik, Kinto Duo (traitement de semences), Mirage 450, Prochlorus, Sportak EW.
Les produits autorisés en escourgeon impactés par cette décision sont : Atak 450, Eyetak 450 et Kinto Duo(traitement de semences).
Depuis 2014, les dossiers d’homologation des substances actives de la famille des triazoles sont en cours de révision par les autorités européennes.
Le premier triazole à avoir été révisé est le propiconazole. Le 28 novembre 2018, le non-renouvellement de l’autorisation de cette molécule a été annoncé par la Commission Européenne. Le 30 avril 2020, c’est au tour de l’époxiconazole de perdre son agréation. L’autorisation du cyproconazole a expiré le 31 mai 2021. Tous les produits à base de ces substances actives sont maintenant interdits d’utilisation.
Qu’en est-il des autres triazoles ?
Le tableau 1 reprend les dates d’expiration des triazoles encore présents sur le marché. La date de validité de tous ces triazoles a de nouveau été prolongée d’un an suite au retard pris dans le traitement des dossiers par les autorités européennes. Un nouveau report de la validité d’un ou plusieurs d’entre eux est possible au cours de l’année 2023 au vu de l’avancement des révisions.
Il ne reste donc actuellement plus que cinq « anciens » triazoles disponibles sur le marché et pouvant être utilisés en froment. Ceci réduit fortement le choix des produits et donc des schémas de traitement possibles.
Le folpet : une substance active multi-sites enfin agréée en orge
Comme évoqué ci-avant, avant de pouvoir être présente au sein des produits formulés, chaque substance active doit être homologuée au niveau des autorités européennes. Dès qu’elle est autorisée au niveau européen, les firmes phytopharmaceutiques sont en droit de déposer des dossiers d’homologation pour des produits contenant cette substance active en vue de leur mise sur le marché.
Le dossier est déposé auprès des autorités d’un « état rapporteur » qui vont se charger de l’évaluer. Cette évaluation sera valable pour l’ensemble des pays situés dans la même « zone » que le pays rapporteur. L’Europe est divisée en 3 zones reprises dans le Règlement 1107/2009 et la Belgique fait partie de la zone centrale. Un produit agréé dans un pays peut ensuite être agréé dans un autre pays au sein de la même zone par « reconnaissance mutuelle ». Dans le cas de la Belgique, les experts du Comité d’Agréation des produits phytopharmaceutiques se chargent de prendre connaissance du dossier et de valider la reconnaissance mutuelle ou non.
Une fois le produit agréé, son autorisation de mise sur le marché court pendant la période déterminée dans l’Acte d’agréation.
La plupart des substances actives fongicides utilisées aujourd’hui sont à mode d’action uni-site, ce qui signifie que la molécule va cibler un site bien précis au sein du pathogène afin de tuer ce dernier. Il suffit donc que le site d’action ait muté pour rendre le produit inefficace. Dans le cas de la lutte contre la ramulariose (Ramularia colo-cygni) en escourgeon, peu de substances actives efficaces sont disponibles sur le marché. Les SDHI ont encore une certaine efficacité mais ce sont surtout le prothioconazole et le mefentrifluconazole qui constituent la base de la lutte contre cette maladie. Les résistances de la ramulariose à ces substances actives existent cependant et l’efficacité des molécules uni-site citées ci-avant est maintenant modérée.
Il y a encore quelques années, il était possible d’aider ces substances actives uni-site dans la lutte contre la ramulariose en leur ajoutant une substance active à mode d’action multi-sites : le chlorothalonil. Cette molécule était capable de cibler plusieurs sites d’action au sein du pathogène et de tuer celui-ci même si une des cibles était mutée. Il permettait donc de s’occuper des souches résistantes aux molécules à mode d’action uni-site. L’efficacité des mélanges obtenus était alors très élevée contre la ramulariose. L’autorisation du chlorothalonil a cependant été retirée en 2019 et depuis, il n’y avait aucune molécule multi-sites susceptible de prendre la relève.
Le folpet est une substance active qui a déjà été évoquée comme remplaçant potentiel du chlorothalonil. En effet, c’est aussi une substance active fongicide à mode d’action multi-sites. Les produits contenant le folpet étaient cependant uniquement agréés en froment. À la fin de l’année 2022, ils ont enfin reçu l’autorisation de pouvoir être utilisés sur les cultures d’orge. Il s’agit des produits suivants : Staventi, Mirror et Sesto One.
Le Stavento (ou Mirror ou Sesto One) est une suspension concentrée (SC) composée uniquement de 500 g/L de folpet. Il est agréé en orge d’hiver et de printemps pour lutter contre la rhynchosporiose, l’helminthosoriose et la ramulariose. Il requiert une zone tampon de 5 m avec buses classiques et un délai avant récolte de 42 jours. Il peut être appliqué à partir du stade début montaison (BBCH stade 30) jusqu’à la fin de l’épiaison (BBCH stade 59) à raison de maximum deux applications par saison culturale (dose maximale homologuée de 1,5 l/ha).
Comme expliqué ci-avant, ce produit est intéressant pour protéger les fongicides à action uni-site de l’apparition de résistance. Il sera particulièrement utile dans la lutte contre la ramulariose afin de remplacer son cousin, le chlorothalonil. Il est important de signaler que l’efficacité du folpet est cependant moindre que celle du chlorothalonil. Il permettra donc d’aider à la lutte contre la ramulariose mais il ne faudra pas s’attendre à obtenir des résultats d’efficacité aussi bons qu’avec son homologue. Le placement idéal du Stavento dans un programme de traitement fongicide se situe autour du stade dernière feuille étalée (BBCH 39).
Cra-w
