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Champs jaunes, carton jaune?

Début avril, une amie m’interpelle pour comprendre pourquoi tant de champs se démarquent par leur jaunissement au milieu des campagnes de plus en plus vertes?

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Aïe, j’imagine que bien des verts doivent voir rouge et brasser des idées noires à propos des agriculteurs. Ce n’est pas l’heure de la moisson, ce jaune-là n’augure pas la paille bien dorée, annonciatrice d’une belle moisson.

Effectivement, il fait tache pour le promeneur en quête d’un prochain retour du printemps, d’autant que le ciel reste sombre et pluvieux. Comment expliquer au citoyen lambda «la problématique» des couverts végétaux, ce beau tapis de verdure qui protège les sols de l’érosion tout au long de l’hiver?

Comment lui expliquer que ces couverts, généralement variés, participent à la biodiversité si souvent sollicitée mais qu’il faut bien, à un moment donné, qu’ils cèdent la place à des cultures de printemps?

Comment lui expliquer que, plus ils sont développés, plus ils stockent du carbone par photosynthèse, et participent ainsi, même en hiver, à la lutte contre le réchauffement climatique mais sont ensuite plus délicats à détruire si l’on ne veut pas, au niveau énergétique, dépenser du carburant pour un tracteur et un broyeur, qui de surcroît, risque de tasser un sol resté cette année perpétuellement humide?

Comment lui décrire le cycle des minéraux, stockés dans cette matière organique, évitant les pertes d’azote en profondeur, lequel pourrait ensuite, bien plus tard, polluer les nappes phréatiques alors que maintenu en surface, il est source de vie pour les cultures qui vont suivre?

Comment lui rappeler qu’avant, on labourait tous les champs systématiquement et tout le temps, ce qui rendait plus facile l’incorporation des repousses et des mauvaises herbes mais qu’un labour par temps humide générait des semelles de durcissement en profondeur et in fine, pouvait dégrader durablement la structure des sols?

Comment lui faire imaginer que si cette structure est bonne, on pourra semer, après ressuyage, dans de bonnes conditions, sans perturber l’activité microbienne en place mais qu’il faut quand même stopper, le plus tard possible, certes, mais avant le retour du beau temps, la photosynthèse de cette biomasse végétale?

Et surtout, plus compliqué encore, comment justifier que ceci nécessite l’usage d’un herbicide, tant décrié dans la société civile alors que de multiples travaux scientifiques persistent et signent de son innocuité dans les conditions où il est utilisé?

Ouf, le beau temps revient. On peut enfin ouvrir les terres. La page est tournée. Vive le printemps!

JMP

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