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Les vignerons des Pyrénées-Orientales craignent le pire

À flanc de collines plongeant dans la Méditerranée, des vignes clairsemées portent des raisins souvent trop petits. Après des mois de sécheresse dans le département des Pyrénées-Orientales (sud de la France), les vendanges s’annoncent particulièrement faibles. Elles attisent les craintes pour l’avenir du vignoble.

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«  Celle-ci, elle va donner trois raisins. Celle-là, je ne suis pas sûr qu’elle reparte l’an prochain », souffle Lionel Lavail, directeur du domaine Cazes, devant un plant dénudé. Les parcelles proches de la plage s’en sortent mieux, avec seulement quelques feuilles jaunies. Mais les vignes plus en hauteur n’ont pas suffisamment poussé et certaines ne pourront pas être vendangées.

Sur cette zone de 75 hectares entre Banyuls et Port-Vendres, « je vais avoir une baisse de 30 % de la récolte » par rapport à l’an dernier, estime le viticulteur de 49 ans. Dans le reste du domaine de 220 hectares, irrigués en partie autour de Rivesaltes, il prévoit des pertes de l’ordre de 10 %.

« On n’a même pas eu 200 mm de pluie cette année, autant que dans le Sahara », déplore Julien Thiery, en charge de la vigne à la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales.

Selon lui, la production départementale devrait atteindre à peine 400.000 hectolitres au total, contre plus de 550.000 l’an dernier et 750.000 il y a dix ans. Le rendement sera, déplore-t-il, « le plus bas que l’on ait jamais connu » : autour de 20 hectolitres par hectare au lieu d’une trentaine habituellement.

Dans les plaines des Aspres, les vignes paraissent bien vertes à première vue. Mais avec son œil de vigneron, Patrick Mauran, 54 ans, observe des feuillages trop peu fournis, qui risquent de ne pas abriter suffisamment les raisins pour leur permettre une bonne maturation.

La sécheresse affecte la quasi-totalité du département et s’étend sur une partie de l’est de l’Aude voisine. Seules les cultures proches des massifs, qui ont reçu quelques précipitations à la fin du printemps, résistent mieux.

Patrick Mauran songe ainsi à déménager une partie de ses vignes plus près des montagnes. Également maire d’une petite commune voisine, il hésite néanmoins par attachement à son territoire. À ses yeux, une alternative pourrait être de remplacer ses vignes par une autre culture. « Pourquoi pas de l’aloe vera ? »

Le millésime 2023 n’est en effet pas le seul en danger. Les vignerons craignent que les plantes, épuisées par la sécheresse de cette année, meurent ou donnent encore moins de fruits l’an prochain. D’autant plus que le réchauffement climatique devrait multiplier les années sèches et l’instabilité des saisons.

« C’est un peu un laboratoire qui permet de voir, comment il se manifeste. Ce qui se passe dans les Pyrénées-Orientales aujourd’hui est peut-être ce qui se passera dans dix ans dans la vallée du Rhône », avance le directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE), Jean-Marc Touzard.

À la chambre d’agriculture, Julien Thiery craint que de plus en plus de viticulteurs ne jettent l’éponge. « On a même des jeunes qui entament des démarches pour arrêter », assure-t-il.

Certains, comme Lionel Lavail, soutiennent que la solution est l’irrigation, restreinte par arrêté préfectoral et interdite dans certaines appellations.

M. Touzard estime que les viticulteurs peuvent aussi jouer sur la diversification des cépages, la gestion des sols, une montée en gamme des vins ou encore le développement de services comme l’oenotourisme.

Mais dans un contexte de surproduction des vins rouges en France par rapport au marché, « cela va être compliqué de demander à la fois des subventions pour irriguer et pour distiller » le surplus, souligne-t-il.

Belga

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