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La Fiwap, trente ans d’expérience… pour aborder au mieux les défis de l’avenir

Née sur fond de crise, la Fiwap informe et encadre le secteur de la pomme de terre sur les plans technique et économique depuis trente ans déjà. Elle a ainsi été témoin de l’essor considérable qu’a connu cette filière en Wallonie, mais figure également en première place pour aider les agriculteurs à faire face aux changements qui s’imposeront bientôt dans leur quotidien.

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Si l’année 1992 est restée dans les mémoires de bon nombre de cultivateurs de pommes de terre, ce n’est certainement pas pour de bonnes raisons. En effet, à l’issue de la campagne, la surproduction de tubercules était telle que les prix s’effondrèrent, passant sous la barre de 1 €/100 kg. Pour les agriculteurs, pareille situation ne pouvait plus se reproduire ! Une structure d’information et d’accompagnement, alors inexistante, devait voir le jour.

« Un noyau de cultivateurs s’est mobilisé, puis a impliqué le négoce, l’industrie, le monde de la recherche… Le but n’était pas de former un syndicat de producteurs, mais bien une véritable association interprofessionnelle regroupant tous les acteurs du secteur de la pomme de terre en Wallonie. Un premier financement a pu être obtenu auprès de la Région wallonne et c’est ainsi qu’est née la Fiwap, en 1993 », se souviennent Pierre Lebrun, qui a été le premier à rejoindre la structure en tant que directeur, et Daniel Ryckmans, qui l’a suivi en 1994.

Assurer un suivi économique

La première tâche de la jeune organisation consistait en la réalisation d’un état des lieux de la filière. Mais très rapidement, ses missions se sont renforcées et élargies.

« Vu la croissance du secteur, l’importance de réaliser un suivi des marchés et de faire circuler diverses informations économiques et statistiques entre nos membres a toujours été primordiale », insiste Pierre Lebrun. C’est d’ailleurs un rôle qui a grandement contribué à assurer la légitimité de l’asbl.

« Et qui a également évolué », ajoute Daniel Ryckmans. « À nos débuts, nous cotions les variétés dédiées au marché du frais vendues à la ferme en sac de 25 kg. C’est quelque chose que l’on n’imaginerait plus faire en 2023 mais qui montre comment s’est développée la dimension économique de la filière. »

Aujourd’hui, une cotation des marchés belges industriels et un état des lieux des marchés belges et européens sont toujours transmis chaque semaine aux membres de l’association. Plusieurs fois dans l’année, des évaluations des stocks, d’une part, et du rendement et de la qualité des pommes de terre, d’autre part, sont aussi réalisées en collaboration avec le Carah, le PCA et Inagro.

Tout le monde ne le sait peut-être pas, mais la Fiwap a également assuré la promotion de la pomme wallonne à travers l’Europe. « Nous avons participé à des foires agroalimentaires à Paris, Parme, Barcelone… en vue de booster l’export de nos pommes de terre de consommation et plants vers ces contrées. » Ce rôle a depuis été abandonné car le fonctionnement de l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers (Awex) a évolué. En outre, l’expansion de l’industrie sur le territoire national en a réduit la nécessité.

L’asbl assure encore un rôle de représentation et de défense des intérêts du secteur auprès des autorités fédérales et régionales et de diverses autres structures (Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité, Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire et Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement).

Améliorer la qualité des productions

À côté du suivi économique, l’aspect technique a gagné du terrain, au gré des différents projets de recherche menés, notamment en collaboration avec le Centre wallon de recherches agronomiques (Cra-w). « Très rapidement, nous nous sommes attardés sur les diverses variétés de pommes de terre mises sur le marché. À l’époque, Bintje occupait 70 % des surfaces, mais le secteur s’intéressait aux autres variétés et souhaitait disposer d’informations adaptées aux conditions belges. » Depuis, Innovator, Fontane, Challenger et d’autres ont détrôné Bintje.

La Fiwap accorde une grande importance à l’accompagnement technique des producteurs, que ce soit par le biais de coins de champ et de hangar, de démonstrations...
La Fiwap accorde une grande importance à l’accompagnement technique des producteurs, que ce soit par le biais de coins de champ et de hangar, de démonstrations... - J.V.

L’amélioration constante de la qualité des productions est un autre fer de lance de l’association, que ce soit par le biais de réunions techniques (les traditionnels coins de champ et de hangar), de conseils ou encore d’achats groupés de matériel permettant d’atteindre cet objectif.

Plus récemment, d’autres projets ont été menés afin de répondre à l’évolution du secteur : modulation des apports de défanants, maîtrise de la germination sans Cipc, recherche d’alternatives au défanage chimique…

Vers une pomme de terre plus durable

La filière « pomme de terre » s’est métamorphosée ces dernières décennies et devrait encore connaître de nombreux développements. La Fiwap se dit même convaincue que les changements seront plus nombreux dans les vingt prochaines années que lors des vingt dernières saisons écoulées.

« Au cours des prochaines campagnes, nous accompagnerons le secteur vers une production de pommes de terre moins impactante pour l’environnement, en vue de répondre à la demande sociale. C’est un enjeu de taille auquel nous devons faire face, au même titre que les changements climatiques », déroule Pierre Lebrun. Plusieurs outils permettront d’atteindre cet objectif de durabilité : la sélection variétale, les nouvelles technologies…

« Ces dernières doivent être intégrées dans les fermes. Économiquement parlant, il faut aussi qu’elles soient utiles, intéressantes… et accessibles. Elles ne doivent certainement pas pousser les planteurs de petite et moyenne tailles à abandonner la pomme de terre », met-il cependant en garde. Les entrepreneurs auront probablement un rôle à jouer en la matière, en rendant ces technologies accessibles aux agriculteurs ne pouvant les acquérir. De son côté, l’asbl pourra évaluer ces nouveaux outils sur les plans économiques et environnementaux.

Concernant la sélection et la génétique, les variétés dites « robustes » gagnent de plus en plus de terrain. « On en retrouve dans des exploitations bio mais aussi dans un nombre croissant de fermes conventionnelles. On devrait en planter davantage pour deux raisons. D’une part, l’industrie y est de plus en plus attentive ; d’autre part, les agriculteurs souhaitent réduire le nombre de pulvérisations qu’ils effectuent », embraye Daniel Ryckmans. Ce qui correspond, en outre, aux attentes de la société actuelle et contribue à renforcer l’image positive de la culture de la pomme de terre.

Pour soutenir les changements attendus, l’association collabore avec les acteurs wallons de la recherche en vue d’orienter leurs projets vers les attentes de la filière. Elle diffusera ensuite les résultats obtenus vers ses membres, comme elle le fait déjà actuellement.

« En trente ans, la pomme de terre est devenue un véritable pilier  de l’agriculture wallonne. Elle a quitté son bassin historique qu’est  le Hainaut pour gagner toute la région », retrace Pierre Lebrun.
« En trente ans, la pomme de terre est devenue un véritable pilier de l’agriculture wallonne. Elle a quitté son bassin historique qu’est le Hainaut pour gagner toute la région », retrace Pierre Lebrun. - J.V.

« Anticiper ces différentes solutions, c’est aussi notre rôle ! Les producteurs réfléchissent à la saison en cours et à celle à venir. De notre côté, nous avons un regard sur les cinq à dix prochaines années en vue de les aider à affronter au mieux les changements qui s’imposeront dans leur quotidien. »

Éviter d’entrer dans une « impasse phytosanitaire »

À travers ses travaux, la Fiwap aborde fréquemment la question des risques sanitaires. « Il faut rester vigilant en la matière. Nous plaidons depuis longtemps pour que la pomme de terre revienne moins souvent dans la rotation, en vue de réduire la pression exercée sur la culture », plaide Pierre Lebrun.

Enfin, l’association veille à éviter que les producteurs n’entrent dans une « impasse phytosanitaire ». « On peut accepter que certaines matières actives disparaissent, lorsque des alternatives techniquement et économiquement réalistes peuvent les remplacer. Mais en voulant aller trop vite et trop loin, les instances européennes risquent de mettre en péril un secteur économiquement important… »

J. Vandegoor

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