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Rosa, Rosier, Rosam…

Que ceci reste entre nous mais je n’ai eu besoin, ni de Virgile, ni de Jacques Brel, pour décliner Rosa, Rosier à toutes les sauces. Et comme pour toutes les entreprises, pardon, pour tous les rosiers, les plus belles fleurs ne s’interdisent pas les épines.

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Ainsi en est-il aussi d’une usine d’engrais du Hainaut occidental que le monde agricole connaît plus ou moins bien. Plus de 150 ans d’existence, d’abord entreprise familiale, puis filiale de Total pendant plus de 50 ans mais avec une gestion locale décentralisée, en faisant confiance au terrain. Les choses ont évolué après l’explosion de l’usine AZF de Toulouse, 15 jours après la destruction des tours WTC à New York. Officiellement, l’explosion est restée inexpliquée en France. Néanmoins, dès que cela fut possible, le secteur engrais de ce groupe fut vendu à ceux que tentait ce métier.

C’est une entreprise germanique (avec des fonds venus des émirats) qui racheta Rosier et fit gérer l’entreprise via le parachutage de technocrates diplômés du business international. Le résultat fut inversement proportionnel au niveau des diplômes. Les réserves financières résultant du travail local cumulé pendant 150 ans disparurent en 10 ans et c’est un autre actionnaire qui tente aujourd’hui l’aventure.

Avec lui s’ouvre un monde nouveau, pour l’entreprise locale comme pour le monde des engrais en général. De fait, les spécialistes du secteur annoncent pour 2050 une production d’azote qui serait le double de celle d’aujourd’hui. Au niveau mondial, on passerait de 200 millions de tonnes d’azote à 470 millions de tonnes. Un miracle ou un mirage ? Sans doute ni l’un ni l’autre, juste un pari sur l’avenir qui n’a pas grand-chose à voir avec l’agriculture.

Nous sommes dans le cadre de la course à la neutralité carbone pour les entreprises. Pour l’instant, le carburant d’avenir qui tend les bras aux armateurs maritimes qui veulent remplacer le fuel des grands chalutiers, c’est l’ammoniac. Et oui, le même que celui qu’on épand dans les champs, combiné au nitrate. Le même que celui déjà utilisé comme réfrigérant et toujours le même que celui qu’utilisent les ménagères pour le nettoyage. L’ammoniac, NH3, un atome d’azote associé à trois atomes d’hydrogène se stocke plus facilement que l’hydrogène pur, coûte beaucoup moins cher à produire, peut s’utiliser assez facilement à partir des moteurs diesel des gros cargos et, surtout, ne renvoie pas de carbone dans l’atmosphère.

Bref, en tant que carburant, un bilan écologique avantageux, bien moins polluant que le fameux fuel lourd actuel, utilisé pour le fret maritime de longue distance. Les deux atomes qui le composent sont à disposition dans l’air et l’eau mais il faut quand même mettre un minimum d’énergie pour le fabriquer, et c’est là qu’il peut changer de couleur selon son mode de production : gris, s’il s’agit d’énergie fossile, bleu si le CO2 de la production est mis de côté (souvent enfoui dans le sous-sol), et vert si l’énergie est renouvelable (panneau solaire, éolien, barrage).

Et oui, les gros cargos se font écolos et s’intéressent aux usines d’engrais. Rosier ne produit pas d’ammoniac mais l’utilise dans ses fabrications. Son nouvel actionnaire, à connotation maritime, va devoir naviguer dans un autre monde, celui de l’agriculture. Et là, on peut aisément prédire son avenir. S’il procède comme l’actionnaire précédent, ce sera « touché, coulé », avec pertes financières pour l’opérateur, sans compter l’impact social.

S’il agit comme l’actionnaire antérieur, en faisant confiance aux gens de terrain, proches de l’agriculture, alors, vogue la galère comme ce fut longtemps le cas.

On savait que tous les chemins mènent à Rome. On découvre aujourd’hui que dans la lutte contre le réchauffement climatique, beaucoup mènent à l’azote. Les voies de l’écologie sont comme celles de Dieu, impénétrables. Ainsi va le monde !

JMP

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