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La norme, en ce temps là…

C’était un jour d’enterrement, comme dans toutes les familles au fort ancrage agricole…

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Pour le coup, la défunte, âgée et retirée dans un home, avait tenu à rassembler sa famille, en fait, ses neveux, nièces et cousins. La mise en terre se fit en bonne et due forme, selon la tradition : une vraie messe suivie d’un vrai repas, aux normes d’autrefois.

Des hommages furent rendus comme il se doit, à ses qualités, à son vécu, avec quelques anecdotes à l’humour correctement dosé. Certes, les arrachages de betteraves et de pommes de terre étaient dans les esprits mais l’essentiel de la génération présente avait passé la main.

Même si la patine du temps a buriné les visages et ralentit la démarche, le présent se mêle au passé pour évoquer tout un vécu partagé.

Des vies bien remplies au rythme des campagnes, c’est un siècle d’évolution qui habite les esprits. Tous ont connu les chevaux, le fumier souvent dans la cour, les premiers tracteurs puis l’intensification maximale, il y a 50 ans, avec ses dérives heureusement neutralisées. C’était le temps du E605 sur pas mal de poireaux de beaucoup de jardins ruraux. C’était aussi celui des piqûres d’hormones réclamées par le marché du bétail. C’était le temps où les règlements étaient insignifiants. Le glyphosate, aujourd’hui diabolisé par tous ceux qui jugent l’agriculture sans rien y connaître, était alors apparu comme l’ange gardien de la propreté, à la place des démons noirs de l’époque, chlorates de soude, colorants et autres diquat et paraquat.

Le monde a changé. Les règlements ont connu une croissance exponentielle. L’informatisation n’a pas allégé le nombre de fonctionnaires appelés à accompagner les agriculteurs (qui restent…) dans le respect des normes environnementales qui se modifient au rythme que la météo.

La ferme, berceau de la famille, est toujours en activité. Située au point de convergence de trois frontières – France, Flandre et Wallonie – elle fut longtemps un point de rencontre entre les gens, qui venaient s’approvisionner « à la ferme » en produits laitiers, pommes de terre et maraîchage.

Je l’ai toujours connue ainsi, fort active dans la vente directe, en toute simplicité. Le voisinage était naturel, en proximité, et c’était bien avant que les bobos ne s’enflamment pour ce qui apparaît aujourd’hui comme le Graal du bonheur néo-rural.

Mais là aussi, les choses et les normes ont changé. Et la vente à l’ancienne, sans ajustement suffisant par rapport aux entreprises qui, évidemment, doivent bétonner les normes de sécurité vu l’ampleur de leurs chiffres d’affaires, est amenée à disparaître. L’Afsca veille au grain, c’est son boulot.

La ferme continue à produire du grain, des patates et du lait. Tout part maintenant en laiterie et aux marchands. Les petites gens qui étaient clients vont désormais chez Lidl et Aldi pour faire leurs courses. Le monde continue de tourner, selon la norme.

JMP

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