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Maladies vectorielles: une pression croissante sur les troupeaux de petits ruminants?

La confirmation du premier cas d’infection au virus de la maladie de la langue bleue sous son sérotype 3 (BTV-3) en octobre dans un troupeau ovin belge localisé en province d’Anvers a fait resurgir les craintes d’une vague épidémique sans précédent à l’image de celle connue en 2006 lors du déploiement du sérotype 8 (BTV-8). Il faut dire que notre territoire national, et plus globalement celui de l’Europe occidentale, a connu les deux dernières décennies plusieurs épisodes épidémiques majeurs.

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Parmi ces épidémies au sein des troupeaux de ruminants domestiques citons celui du virus de la langue bleue sous son sérotype 8 (BTV-8) en 2006 et, cinq ans plus tard, celui du virus de Schmallenberg (SBV).

Ces événements sanitaires ont marqué les élevages et les esprits des éleveurs confrontés à des tableaux cliniques d’envergure : avortements en série, malformations congénitales… De nombreux points de similitude sont d’ailleurs partagés par ces différents agents pathogènes, et ce bien au-delà de leurs voies de transmission et des manifestations cliniques observées. Du point de vue des éleveurs et des vétérinaires praticiens, ils ont ainsi, en tant que pathogènes émergents, suscité nombre de questionnements tant au sujet de la prise en charge thérapeutique des animaux cliniquement malades que des mesures prophylactiques et de régie à déployer pour prévenir l’infection des troupeaux au temps de l’émergence virale comme lors des rebonds épidémiques ultérieurs.

BTV, SBV : un immanquable parallélisme…

Il est fort intéressant de constater à quel point ces entités virales, au demeurant génétiquement éloignées, partagent grand nombre de similitudes : zone géographique d’émergence, organisme vecteur, voies de transmission et tableau clinique.

L’europe occidentale, et plus précisément, les territoires néerlandais, belge et allemand ont été ainsi systématiquement les premières zones géographiques impactées par l’émergence de ces pathogènes avant que ceux-ci ne connaissent une expansion territoriale large. La présence de zone portuaires d’envergure et de sites d’intenses échanges commerciaux n’est pas anodine : l’organisme vecteur, un moucheron du genre Culicoides spp., est ainsi véhiculé depuis des régions subsahariennes, du moyen-Orient où ces mêmes agents pathogènes (ou leurs proches parents) circulent. Le culicoïde, et le virus dont il est innocemment porteur, profitent ainsi d’un transport à échelle internationale. Une fois débarqué dans nos contrées où, par définition les troupeaux de ruminants sont complètement naïfs vis-à-vis de ces agents pathogènes, c’est la débandade ! BTV et SBV s’immiscent dans l’organisme du bovin, de l’ovin et du caprin par l’intermédiaire de la piqûre d’un culicoïde porteur. La transmission est donc vectorielle, mais également transplacentaire. Du côté du BTV, les possibilités de transmission par placentophagie et par voie sexuelle ont été également établies.

Si les signes cliniques associés à l’infection par le SBV chez l’individu adulte sont plutôt discrets (hyperthermie et chute de production laitière transitoire), il apparaît que l’infection par le BTV est à l’origine d’un tableau bien plus aigu (première photo en bas de l’article). Ainsi, une congestion de la tête associée à une salivation excessive et une ulcération des muqueuses sont fréquemment observées. Les conséquences d’une infection pendant la gestation peuvent consister en l’avortement de l’animal gestant ou l’observation de troubles nerveux observés chez l’individu mort-né ou nouveau-né. En cas d’infection par le SBV, ces anomalies ont été systématiquement associées à des déformations squelettiques (deuxième photo en bas de l’article).

… mais aussi des points de distinction non négligeables

Si les similitudes sont nombreuses, il est clair que l’impact de l’infection par le BTV sur la santé et la productivité des troupeaux de ruminants s’est révélé plus important que celui lié à l’infection par le SBV. Un tableau clinique pouvant être qualifié de sévère, des taux de morbidité et de mortalité élevés, un impact négatif sur la qualité de la semence des taureaux et béliers et sur les performances de reproduction des femelles, ont clairement hissé le BTV au rang des pathogènes majeurs rencontrés ces dernières années dans les troupeaux de ruminants.

Culicoïdes : l’incontrôlable circulation vectorielle

Petit moucheron vecteur de grands troubles, c’est par l’intermédiaire de leur piqûre que les culicoïdes femelles (les mâles sont nectarivores) inoculent ces virus dans l’organisme animal, engendrant le(s) tableau(x) clinique(s) mentionné(s) plus haut. Appréciant certes les températures douces et les zones humides, le culicoïde se retrouve néanmoins dans les bâtiments d’élevage : de nombreuses études ont ainsi confirmé sa présence dans des formes pleinement active en période hivernale en bergerie. Le spectre d’une recrudescence en 2024 est donc réel…

Si l’effet « saison » semble clair sur la période susceptible d’être jugée comme « la plus à risque », la question de l’impact des bouleversements climatiques sur l’étendue de celle-ci est brûlante. Plusieurs études démontrent que les phases de circulation de ces virus sont intimement liées à l’abondance saisonnière des populations d’arthropodes vecteurs et l’influence du climat sur leur distribution et leur dynamique pose de réelles interrogations. Les culicoïdes semblent d’ailleurs les plus enclins à être affectés par des éléments telle la température ou la pluviométrie. Un accroissement de l’abondance des culicoïdes et un allongement de leur période d’activité ont été constatés ces dernières années dans nos contrées, augmentant non seulement la probabilité de transmission des virus qu’ils hébergent mais aussi leur capacité d’hivernage. Des températures plus douces en arrière-saison pourraient, en effet, promouvoir la survie de culicoïdes adultes et le risque de transmission virale en conditions hivernales.

Enfin, l’impact des conditions météorologiques, et plus particulièrement des courants aériens, sur la dispersion des culicoïdes (et donc de ces virus) est majeur. L’effet « vent » (direction, vitesse) peut ainsi participer à des dissonances de dispersion virale entre virus, mais aussi entre vagues épidémiques pour un même pathogène. Peut-être cet effet jouera-t-il un rôle non négligeable dans la dissémination de l’actuel BTV-3…

2023 : une vague épidémique prévisible ?

S’il serait bien ambitieux de prétendre que l’émergence du BTV-3 sur notre territoire et celui de nos voisins était prévisible, force est de constater que ces virus, à l’instar du BTV et du SBV, ont tendance à se manifester à intervalles réguliers. La diminution de mesures prophylactiques telle la vaccination déployée à hauteur sectorielle pour se prémunir contre l’infection virale, la difficulté de prévenir la transmission par les populations vectorielles, le renouvellement annuel du cheptel… sont autant de facteurs susceptibles de laisser ouvertes les portes à de réguliers épisodes de circulation virale.

Une étude intéressante menée entre 2012 et 2016 au Centre de Recherches Ovines dépendant de l’Université de Namur avait défini un modèle mathématique de résurgence du SBV fondé sur le taux de renouvellement des troupeaux. Cette étude « prévoyait » ainsi des rebonds de circulation virale à intervalles de quatre ans. Ce qui s’est par ailleurs vérifié en 2016 et 2020. Que ce soit sur notre territoire comme dans les pays voisins, des vagues de circulation sont et seront régulièrement observées consécutivement à une importante diminution du nombre d’individus séropositifs dans les troupeaux. La variabilité de conduite entre espèces de ruminants (taux de réforme, prolificité…) expliquera les écarts temporels entre les vagues de circulation observées.

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