Les troubles locomoteurs pour les ovins et les caprins : savoir partir du «bon pied»
Les troubles locomoteurs représentent un défi constant pour les éleveurs ovins et caprins. Au-delà de l’impact évident sur le bien-être animal, ils entraînent des pertes économiques considérables : baisse de la production de lait, de viande mais aussi des coûts vétérinaires élevés voire une réforme prématurée des animaux.

Les atteintes du pied sont nombreuses chez les petits ruminants et ne se résument pas au seul et bien connu « piétin ». D’origines différentes et touchant des zones distinctes du pied, elles se caractérisent par des symptômes précis. Leurs points communs : l’inconfort voire la douleur généré(e) et une cause très fréquemment infectieuse. Une gestion proactive, basée sur l’observation rigoureuse, la prévention et l’intervention rapide, est essentielle pour maintenir un élevage performant et rentable.
Tour d’horizon des causes les plus fréquentes
Plus de 75 % des troubles locomoteurs siégeant au(x) pied(s) ont une claire origine infectieuse. Comme l’illustre la figure 1, le podium est occupé par la dermatite interdigitée, le piétin et la dermatite digitée. Toutes trois sont d’origine bactérienne et se confondent assez fréquemment : une boiterie marquée et des signes d’inflammation notables au niveau de l’extrémité digitée. Elles se distinguent cependant par leur zone d’atteinte : le haut de l’onglon pour la dermatite digitée, l’espace situé entre les onglons pour la dermatite interdigitée et, enfin, la boîte cornée toute entière en ce qui concerne le piétin.
La dermatite interdigitée est, en quelque sorte, l’antichambre du piétin. Elle est initialement causée par une blessure podale, créant une porte d’entrée pour les bactéries présentes dans l’environnement tel Fusobacterium necrophorum. Des signes tels l’échauffement et le suintement de l’espace interdigité se présentent alors ainsi qu’une gêne au poser du pied et lors du déplacement, bien entendu.
L’histoire pourrait s’arrêter là mais… Parce qu’il y a un mais… Lorsque cette dermatite interdigitée se complique, entendez par là que d’autres genres de bactéries (Dichelobacter nodosus) profitent des lésions existantes pour s’y infiltrer, une odeur rance se fait ressentir. La boiterie s’intensifie et des lésions de décrochage apparaissent au niveau du talon et progressent petit à petit vers la pointe de l’onglon. Ça, c’est le « vrai » piétin : un décollement de la boîte cornée de son pied de chair. La chaussure se désengrène du pied, et c’est une affection particulièrement douloureuse !
À côté de cela, on distingue également les abcès de pied, les granulomes et les maladies dites de dégénérescence de corne. Les deux premières affections sont strictement liées à des blessures de la face podale du pied, celle qui repose sur le sol, tandis que la troisième est clairement associée à un déficit de minéralisation.
Les signes associés aux troubles locomoteurs
Le tableau clinique est dominé par une constante : la boiterie. Celle-ci peut se marquer tant à froid, lorsque l’animal est à l’arrêt et refuse de poser un membre au sol, qu’à chaud, lorsque celui-ci est en mouvement et minimise la pose d’un de ses membres sur le sol.
La douleur causée par l’une de ces affections de pied peut également modifier son comportement. Qui n’a jamais observé une brebis atteinte de piétin se déplacer sur les genoux en prairie ?
Les autres signes venant compléter le tableau sont des éléments remarquables du processus inflammatoires : le gonflement, l’échauffement, le suintement et la gêne à la manipulation. C’est une constante pour les formes de dermatite et le piétin. Attention, et bien malheureusement, certains animaux porteurs des bactéries responsables du piétin demeurent asymptomatiques. Ils passent à côté des radars et peuvent véhiculer l’agent pathogène entre prairies, lots voire même troupeaux. On ne le dira jamais assez mais le piétin est une maladie qui s’achète !
Et si le problème siégeait plus haut ?
Si les affections du pied ont été évoquées, il ne faut pas oublier que l’origine d’une boiterie peut se situer à des étages supérieurs. Ainsi, l’arthrite qu’elle soit d’origine bactérienne, virale ou traumatique, affecte les articulations des membres, provoquant gonflement, douleur et boiterie. Les articulations du genou et du jarret sont particulièrement vulnérables.
On relèvera ainsi chez les caprins l’arthrite encéphalite virale caprine (CAEV), chez les ovins et caprins les traumas résultant de chutes, de coups ou de manipulations brusques, sans oublier des installations mal conçues et des clôtures inadaptées qui peuvent augmenter le risque de traumatismes.
Plus rarement, des carences nutritionnelles entraînent des troubles de la croissance, des boiteries et des déformations.
Des facteurs environnementaux dégradants ?
L’humidité et la température du sol (prairie comme bergerie) favorisent les infections podales. Une gestion rigoureuse des pâtures et de la litière en bâtiment est indispensable.
Dans le cas plus précis du piétin, l’élément fondamental à retenir est que le réservoir premier de Dichelobacter nodosus, l’agent pathogène, c’est le pied de l’animal. Autrement dit, le piétin entre dans une exploitation à la faveur d’un pied contaminé. Les « mouvements » d’animaux, achats, retour de rassemblement sont des facteurs de risque d’introduction de la bactérie.
Autre élément de régie à citer : l’entretien du pied. Un pied mal paré dont la corne se recourbe sous la sole emprisonnant terre, matières fécales devient un terrain propice au développement des germes. La race, et peut-être même certaines lignées, semble influencer également la survenue de la maladie. Enfin, l’alimentation pourrait également être impliquée. De nombreux oligo-éléments à l’image du zinc sont indispensables à la bonne santé de la corne. Des déficits voire des carences pourraient ainsi prédisposer aux affections de pied.
Que dire de la météo et du sol ? Dichelobacter nodosus apprécie la chaleur, l’humidité et la matière organique. Les zones humides et boueuses particulièrement fréquentées sont des espaces 5 étoiles pour la bactérie. Une météo douce et humide favorise son maintien au niveau des sols, sans excéder toutefois une quinzaine de jours. Autrement dit, une prairie contaminée laissée libre d’occupation pendant deux semaines successives se voit nettoyée de toute présence de Dichelobacter.