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«Nous réclamons des conditions de vie et de travail dignes»

Elles ont su extraire du chaos engendré par leur colère la poignée de lumière suffisante pour éclairer la suite de leur chemin. Les différentes organisations syndicales ont certes réussi à se faire entendre. Mais seront-elles réellement écoutées? Chassé-croisé des réactions.

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Tant la FJA que la Fugea se sont félicitées de l’ampleur de la mobilisation de leurs troupes respectives à Bruxelles, mais aussi de leurs collègues un peu partout en Europe.

Colère européenne

Les agriculteurs espagnols, italiens, portugais, polonais et roumains ont en effet rejoint les protestataires français et belges. Tous dénoncent un secteur agricole qui se retrouve confronté à une frustration et un malaise croissant en raison de la bureaucratie étouffante générée par les réglementations européennes.

En Grèce aussi, le mouvement a pris de l’ampleur, poussant le premier ministre à accélérer le versement des aides financières aux agriculteurs victimes des graves inondations l’an dernier.

Et dans les premières heures de février, c’était des centaines d’agriculteurs portugais qui rejoignaient le mouvement de colère de leurs collègues européens afin de réclamer une valorisation de leur activité, en bloquant plusieurs axes routiers dont deux passages à la frontière avec l’Espagne. 

Responsabilités partagées dans la crise

Les revendications ont porté sur plusieurs axes et différents niveaux: les politiques européenne, wallonne, les industries de la transformation et de la distribution.

«Il s’agit d’une responsabilité partagée de la crise» a synthétisé Vincent Delobel, membre du conseil d’administration de la Fugea.

Des représentants du syndicat wallon ont pu rencontrer Rudy Volders, membre du cabinet de Charles Michel.

S’il y a eu de la compréhension, de l’écoute de la part des interlocuteurs, des actes, pas encore. Et les agriculteurs ne comptent pas se contenter de miettes distribuées par un Exécutif en fin de mandat. «C’est pour cette raison qu’il y a besoin de continuer à maintenir la pression sur ces différents acteurs» a insisté Vincent Delobel.

Un sentiment partagé par Guillaume Van Binst, secrétaire général de la FJA, dont des représentants ont été également reçus, avec ceux du Groene Kring, au conseil européen. 

Des délégations à la rencontre d’Ursula von der Leyen

Via le Ceja (conseil européen de jeunes agriculteurs), la fédération des jeunes agriculteurs a pu aussi faire passer ses demandes auprès de la présidente Ursula von der Leyen qui s’est engagée à formuler une proposition de simplification administrative d’ici le 26 février.

Le Copa-Cogeca et ses membres, dont la FWA, ont pu, eux aussi, faire entendre leur voix auprès de la présidente de la commission, d’Alexander De Croo et du premier ministre néerlandais Mark Rutte. Et leur faire part de leur sentiment «de ne pas être toujours entendu» a regretté la présidente de la fédération wallonne de l’agriculture, Marianne Streel.

Tant la FJA que la FWA ont abordé la question de l’accord avec les pays du Mercosur et c’est «la première fois que l’on a un petit sentiment d’écoute quant aux clauses miroir» a encore souligné Madame Streel.

Il ne faut malheureusement pas s’emballer. La commission n’a en effet jamais été capable d’obtenir la réciprocité sur les normes et l’ouverture des marchés de ses concurrents depuis 40 ans… Les Chinois ont par exemple accès à 98% des marchés publics européens et les Européens, à moins de 2% des marchés publics chinois.

Le revenu agricole comme enjeu principal

Même si la simplification administrative reste une nécessité, même s’il a moyen de mieux organiser la mise en œuvre des mesures agroenvironnementales, le manque de dignité au niveau du revenu agricole reste une priorité pour la Fugea, laquelle a été reçue par le commissaire Janusz Wojciechowski et l’ensemble de son cabinet.

Avec la coordination européenne Via Campesina, le syndicat agricole wallon a pu profiter de la pression de la rue pour alerter ses interlocuteurs sur le danger de la course à l’agrandissement des exploitations et surtout l’émergence de groupes financiers qui contrôlent les terres, la transformation et la distribution.

«Cela sera juste de la spéculation alimentaire, une évolution bien éloignée de l’objectif stratégique de l’UE qui consiste à nourrir ses citoyens».

Une Pac à bout de souffle

La FJA a quant à elle été reçue par plusieurs eurodéputés issus de différents bords politiques.

Marc Tarabella, Olivier Chastel, Philippe Lamberts et Benoît Lutgen, ont pourtant été «tous unanimes pour dire que le système de la Pac actuelle était à bout de souffle et qu’il fallait une mouture plus adaptée qui mettrait les agriculteurs et le revenu agricole au centre des préoccupations» détaille le secrétaire général de la FJA, Guillaume Van Binst.

La commission a finalement promis de préparer une proposition pour réduire le fardeau administratif.

Elle qui semble pourtant empêtrée dans l’impasse de son propre modèle de transition écologique qui soumet le secteur agricole à des contraintes sans comparaison avec celles qui restent à imposer au reste du monde.

Marie-France Vienne

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