«Je viens d’une ferme»

Chuchotis feutrés, rauque brouhaha, houle veloutée, agitation tamisée. L’épaisse moquette du paquebot européen absorbait invariablement les mouvements chaloupés d’un public nombreux venu assister à l’audition du commissaire désigné à l’Agriculture. Le crépitement des flashs qui accompagnait l’arrivée de Christophe Hansen dans l’arène a donné le la. Sa prestation sera médiatisée, scrutée, analysée.
L’impétrant le sait parfaitement. Ancien eurodéputé, il a l’avantage de maîtriser les codes de l’Institution mais aussi la réalité du monde agricole, lui qui a tout de go rappelé avoir grandi dans une ferme à la frontière entre la Belgique et le Luxembourg. « Je connais la vie dans une exploitation agricole et les difficultés rencontrées par mon père et mon frère face à toute la paperasse alors qu’ils voulaient juste travailler sur leur terre et s’occuper de leurs animaux ». Le Luxembourgeois est donc bien placé pour savoir que les agriculteurs sont sous pression, car peinant à vivre correctement de leur travail, souffrant de l’instabilité géopolitique, de la concurrence déloyale, de la complexité réglementaire et du poids des charges administratives. « J’entends bien être un commissaire ancré dans le réel » a-t-il avancé dans son propos liminaire avant d’annoncer qu’il saisira toutes les occasions pour se rendre se le terrain, visiter des exploitations et dialoguer avec les agriculteurs. Soucieux de ne pas déplaire à son futur employeur, il a salué le travail réalisé dans le cadre du dialogue stratégique sur l’Agriculture à partir duquel il entend jeter les bases de son action. Il a prévenu qu’il s’attellerait à la préparation de la vision pour l’agriculture et l’alimentation que la présidente de la commission lui a demandé de rédiger dans les 100 premiers jours de son mandat, s’il est confirmé dans sa fonction. Le commissaire désigné a indéniablement marqué des points dans l’approche globale, et non pyramidale, qu’il veut donner à son portefeuille. Il a notamment évoqué la future stratégie qu’il souhaite initier au niveau du renouvellement générationnel « en étroite collaboration avec les jeunes agriculteurs ». « Seuls 10 % des agriculteurs européens ont moins de 40 ans » a-t-il rappelé avant de prévenir que « nous allons être face à un gouffre démographique ». Et de proposer le développement d’un « observatoire des terres agricoles pour en améliorer l’accès ». Il s’est par ailleurs engagé à se battre pour le maintien d’un budget de la Pac dédié et à son niveau actuel et a souligné le besoin d’investissements dans le secteur, notamment en matière d’innovation. Pour cela, « il faut regarder là où il y a de l’argent disponible », c’est-à-dire du côté du fond de transition juste et de la banque européenne d’investissement (Bei).
Moins convaincant lorsque ses anciens collègues l’ont questionné sur la possible ratification de l’accord avec les pays du Mercosur, M. Hansen a toutefois laissé une impression globale très positive à son auditoire. À l’issue de plus de trois heures de discussions, sa prestation, dont nous détaillerons les grands axes dans notre prochaine édition, a été largement applaudie par ses anciens pairs.