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Mercosur : «on parle d’un accord qui sacrifie l’agriculture au profit des voitures»

La proximité d’une conclusion de l’accord avec les pays du Mercosur a une nouvelle fois attisé les craintes et l’ire des filières d’élevage européennes, actuellement les plus fragiles économiquement. Tout autant que l’ampleur des volumes, les agriculteurs s’étranglent face à la possible mise en concurrence avec des productions agricoles aux normes bien moins élevées qu’en Europe sur le plan environnemental. Présente à la manifestation du 13 novembre au cours de laquelle elle a pris la parole, l’eurodéputée écologiste Saskia Bricmont , toujours très volontaire, a laissé poindre un certain pessimisme…

Temps de lecture : 5 min

Saskia Bricmont ne se montre « pas optimiste » à l’égard d’un accord qu’elle dénonce depuis de nombreuses années.

Saskia Bricmont, vous êtes très critique vis-à-vis de la commission européenne ?

Tout à fait, car elle attise la colère des agriculteurs en refusant d’apporter des réponses aux besoins du terrain alors que c’est un enjeu démocratique fondamental. Le secteur agricole a besoin de l’Europe. La commission aurait dû faire preuve de flexibilité et d’ouverture par rapport à l’expression de la colère agricole du début cette année.

Où en est-on au niveau du protocole d’accord avec les pays du Mercosur ?

Il est trop tard pour réclamer des changements dans le traité. La France, l’Autriche, les Pays-Bas, potentiellement la Pologne et, pourquoi pas, la Belgique puisque tous les partis francophones se sont exprimés contre l’accord, peuvent constituer une minorité de blocage. La partie agricole n’est pas rediscutée et ne le sera pas.

Avez-vous une idée du calendrier qui nous attend ?

Politiquement, Ursula von der Leyen a annoncé un accord d’ici la fin de l’année, ce qui sonne la conclusion des négociations au niveau de la commission. Une fois qu’elle sera actée, cela prendra encore six mois pour que le parlement et le conseil puissent disposer des textes. Le processus de ratification en tant que tel ne pourra débuter qu’après cette étape.

Y a-t-il encore des marges de manœuvre d’ici la fin de l’année ?

Sur le contenu, non, parce que la commission a renégocié la partie sur les marchés publics et les véhicules électriques mais elle a rendu très clair le fait qu’elle ne toucherait pas aux autres volets de l’accord. Elle ne réouvrira pas les discussions sur l’agriculture tandis que l’Europe a reculé sur son règlement anti-déforestation qui a été reporté et vidé de son sens par le PPE alors qu’il devait apporter des garanties dans le cadre de l’accord avec le Mercosur. On se retrouve donc avec une coquille vide…

Nous vous sentons fataliste sur ce dossier en particulier…

La situation fait peur, car nous sommes revenus en arrière alors que la présidente de la commission avait stipulé que l’on ne ferait pas demi-tour sur des législations qui avaient été adoptées. Et la première décision qu’elle prend, c’est de la postposer d’un an tandis que son propre groupe politique déposait une série d’amendements. C’est l’un des premiers reculs du Pacte Vert.

Qu’en est-il des clauses miroirs ?

On peut oublier cet argument. Pour l’UE, il n’est pas question de dire au Brésil quels pesticides il peut utiliser ou non. Donc les choses sont très claires. La commission estime toujours que les produits interdits en Europe ne pourront pas être importés sauf que dans les faits, aucun contrôle n’est réalisé. À moins qu’il n’y ait un audit. L’un d’eux a démontré qu’il était impossible de s’assurer que de la viande brésilienne destinée à l’exportation vers l’Europe était exempte d’antibiotiques. À ce stade, les négociations continuent comme si de rien n’était. Et je n’ai aucun espoir que les choses changent une fois l’accord en vigueur.

Qu’en est-il du fameux fonds de compensation agricole ?

Nous avons tenté d’en savoir plus et il semblerait qu’il n’y ait rien qui se négocie à ce niveau-là entre l’UE et les pays du Mercosur car cela ne concernerait que les agriculteurs européens. Il n’y aurait pas de fonds en tant que tel mais un engagement politique qui pourrait se calquer sur le modèle qui a été mis en place dans le cadre du conflit en Ukraine. Que ce soit un vrai fonds ou des compensations ponctuelles, nous y sommes opposés. Il s’agit en fait d’un écran de fumée qui a pour but d’occulter les problèmes structurels qui s’accroîtront avec des accords de libre-échange élaborés sur le modèle de celui qui est négocié avec les pays du Mercosur. Pour nous, il faut changer le contenu des accords commerciaux et non pas poser des sparadraps en cas d’effets négatifs sur l’agriculture européenne. On peut vraiment parler ici d’un accord qui sacrifie l’agriculture européenne au profit des voitures.

Que pensez-vous de la nomination de Christophe Hansen en tant que commissaire à l’Agriculture?

Il a déjà été député, il a été rapporteur sur la réglementation anti-déforestation sur lequel il avait la volonté ferme d’avancer positivement. Je suis sûre qu’il se serait opposé à sa réouverture. Face à son groupe et la commission qui veut avancer sur le Mercosur, il n’a pris aucun engagement à titre personnel. On ne pourra pas compter individuellement sur un commissaire. Ils vont tous marcher au pas dont le rythme sera donné par Ursula von der Leyen.

Quel regard jetez-vous sur son audition au parlement ?

Globalement lors des auditions, les commissaires ont pu faire transparaître leur sensibilité personnelle. C’était le cas de la Roumaine Roxana Minzatu (chargée des personnes, des compétences et de l’état de préparation) ; elle a porté un agenda plutôt ambitieux en matière d’Europe sociale qui ne se reflète pas nécessairement dans la présentation globale de celui de la commission. Christophe Hansen pourra certainement, s’il en a la volonté, avancer sur certains dossiers de manière plus proactive. Mais à mon avis il ne sortira pas des clous, en tout cas, sur le Mercosur. En revanche, j’ai noté qu’il avait basé son intervention sur le dialogue stratégique sur l’agriculture. S’il est cohérent, il devrait tenir compte des recommandations en vue d’une autre mouture de la Pac. On peut espérer qu’il laissera une trace plus positive que son prédécesseur avec lequel j’étais en profond désaccord. L’erreur de la commission sortante a clairement été de ne pas avoir suffisamment aligné les agendas pour aider les agriculteurs dans la transition qui leur était demandée.

Marie-France Vienne

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