Les recommandations de l’Irbab, à l’aube de la saison 2025
Cette année encore, l’Irbab a passé au crible de nombreuses variétés de betterave sucrières. Rendement, richesse, sensibilité aux maladies… ont été évalués, parmi d’autres critères. En voici les résultats, associés aux faits marquants de cette dernière campagne, pour anticiper au mieux les prochains semis.

Inutile de rappeler que les années 2023 et 2024 ont été difficiles. En effet, les conditions météorologiques se sont dégradées dès la mi-octobre 2023 et ne se sont améliorées qu’un an plus tard !
L’hiver 2023-2024 a été particulièrement humide et, à part des gelées intenses mi-janvier, les températures ont été particulièrement élevées. Au printemps, les sols ont été en grande majorité impraticables avant le 10 avril, date de début de semis qui se sont prolongés jusque mi-juin.
Déjà au printemps, les pluies pratiquement incessantes tombées jusque mi-avril ont retardé le début des plantations, à quelques exceptions près. Les essais ont été semés en trois vagues : entre le 10 et le 14 avril, autour du 1er mai et, pour finir, vers le 10 mai, date à laquelle, en pratique, seulement deux tiers des emblavements étaient réalisés.
Une croissance lente
Les levées au champ ont été bonnes. Seul le semis du 14 avril, à la veille du retour des pluies et du froid, a souffert d’une levée hétérogène qui a également pu subir les conséquences de la nuit de gel du 23 avril.
Les betteraves ont connu une croissance lente au printemps, le stade 6 feuilles n’a souvent été atteint que vers début juin, voire plus tard dans les semis tardifs. Les pluies continues et régulières ont perturbé les emblavements mais aussi les interventions en culture. Heureusement, elles n’ont pas favorisé les vols de pucerons vecteurs de jaunisse virale.
L’hiver relativement chaud et humide, suivi d’un printemps humide, a fait resurgir une maladie méconnue depuis 2015 : le mildiou de la betterave, Peronospora farinosa f.sp. betae. Ce pseudo-champignon inféodé au sol peut attaquer les betteraves. Des différences variétales ont été importantes dans un site d’essai.
Une nouvelle explosion de cercosporiose
L’année 2024 est une répétition, plus intense, de la situation des maladies foliaires observée la saison dernière.
La cercosporiose est apparue plus tôt, de façon continue, et s’est développée jusque tard dans la campagne. Malgré deux, trois, et parfois quatre traitements fongicides, le pathogène semblait non maîtrisable dans certaines parcelles.
De grandes différences variétales ont toujours été observées dans les « observatoires » de l’Institut royal belge pour l’amélioration de la betterave (Irbab), qui ne reçoivent aucune protection fongicide. Mais depuis deux ans, et surtout cette année, l’aspect « variétal » s’exprime tout autant dans les sites ayant reçu une protection fongicide adéquate. L’aspect « tolérance variétale » domine de loin l’aspect « protection fongicide », bien que les deux soient complémentaires.
En fonction des dates d’arrachage prévues, deux ou trois traitements fongicides ont été appliqués dans les essais. Malgré cela, cette année est très favorable aux variétés possédant une forte tolérance à la cercosporiose. La majorité des essais ayant été arrachée entre mi-octobre et mi-novembre, le développement de la maladie s’est répercuté sur le rendement et la richesse des variétés les plus sensibles.
Contrairement aux années antérieures, la rouille a pratiquement été absente des cultures. L’oïdium s’est déclaré dans quelques parcelles et a envahi les variétés les plus sensibles, mais a souvent été bien géré par un traitement fongicide.
Aphanomyces, l’autre mauvaise surprise
L’autre phénomène de l’année est un développement de la pourriture sèche due à Aphanomyces cochlioides.
L’attaque de ce champignon du sol peut apparaître à deux périodes. Au stade plantule, il provoque le « pied noir » avec des jeunes betteraves étranglées au niveau du sol (stade 2-6 feuilles).
Plus tard dans la saison, il cause la pourriture sèche qui se développe sur la racine dans des conditions d’humidité importante et d’asphyxie dans le sol au printemps. L’attaque induit une déformation et un étranglement de la racine juste en dessous la surface du sol. Cet étranglement provoque un déficit de rendement plus que de richesse, mais aussi des pertes à l’arrachage. De fortes différences entre variétés ont pu être mises en évidence.
Les parcelles susceptibles au développement sont celles qui présentent un pH relativement acide, un sol battant sensible à l’asphyxie.
Des richesses décevantes
Afin de protéger au mieux les essais de variétés, un suivi rigoureux est réalisé et des traitements contre les pucerons et maladies foliaires sont réalisés, si besoin, par l’agriculteur sur conseil de l’Irbab. La fumure azotée est ajustée pour répondre au mieux aux conditions de sol et besoins de la culture.
L’arrachage des essais a démarré le 21 septembre et s’est terminé le 14 novembre dans des bonnes conditions. Les rendements racinaires sont, en moyenne, bons avec 102 t de racines net dans les essais « classiques » et 97 t dans les essais « nématodes ».
Par contre, les richesses de la campagne ont été très faibles en début de récolte (entre 15 et 16,5°S) mais ont, régionalement, atteint 17,5°S et même plus. Les écarts de richesse sont plus importants entre variétés en présence importante de cercosporiose. La richesse moyenne des essais est de 17,0 % de sucre.
Toutes les données variétales recueillies à l’issue de cette saison sont présentées dans les tableaux 1 et 2, à savoir : les caractéristiques de rendements (racines, richesse, tare terre), la résistance aux maladies foliaires, le risque de montaison…
Miser sur la stabilité
Réaliser le bon choix variétal est important dans le but de répondre à des situations de sol ou de stress biotique ou abiotique. Il peut influencer la phytotechnie qui sera appliquée à la culture durant la saison. Opter pour des tolérances variétales s’inscrit de plus en plus dans la stratégie de lutte intégrée (IPM). C’est également essentiel en matière de sécurisation du rendement et du revenu, qui seront une clé essentielle de réussite dans l’avenir.
C’est pour cette raison que figer son choix variétal pour 2025 sur l’expérience d’une seule année, qu’elle soit bonne ou moins bonne, n’est pas judicieux ! Choisir ses variétés sur base du résultat annuel ne pourra pas prédire le comportement de celles-ci dans des conditions à venir qui ne sont pas maîtrisées.
L’analyse des résultats, prenant en compte le potentiel des variétés sur plusieurs saisons (les variétés confirmées sur 3 ans ont plus de données) ainsi que la stabilité (figure 1) du rendement et de la richesse entre les années permettra de s’assurer d’un choix raisonné.
Pour quelles variétés opter en situation classique ?
Toutes les variétés ont été testées par l’Irbab (tableau 1 et figure 2) dans des situations classiques sans problème particulier important afin de comparer le potentiel de rendement et d’établir les caractéristiques variétales.
Dans cette situation, le choix de la variété s’orientera préférentiellement vers les caractéristiques intrinsèques qui forment le rendement plutôt que vers le type de variété « rhizomanie », « tolérant au nématode » ou « résistant au rhizoctone brun ».
En plus du potentiel de productivité de la variété, la tolérance aux maladies, la levée au champ, la sensibilité à la montaison sont des facteurs pouvant guider dans le choix de l’une ou l’autre variété.
Le regroupement pluriannuel des essais donne toujours une meilleure idée du comportement global de la variété sous l’influence des années différentes par leur climat, pression des maladies et autre.
Les résultats des essais en situation classique peuvent parfois regrouper des terres avec de faibles infestations de nématodes. Si le comportement des variétés classiques « rhizomanie » est généralement satisfaisant dans ces parcelles, certaines variétés peuvent rapidement en souffrir, d’autant plus que les conditions sont limitantes en eau.
Les variétés tolérantes au nématode à privilégier
Le choix pour une variété tolérante au nématode à kyste Heterodera schachtii est impérative dans toute parcelle infestée par celui-ci.
Au-delà de 150 œufs+larves par 100 g de sol, les pertes de rendement peuvent être de plusieurs pourcents, perte limitée par l’utilisation des variétés tolérantes au nématode. L’intérêt de celles-ci est d’autant plus intéressant que l’infestation est forte, même si cette infestation se situe dans les couches plus profondes (en dessous de 30 cm).
Beaucoup de variétés tolérantes au nématode possèdent aujourd’hui le potentiel de rendement comparable aux autres variétés en situation classique (tableau 2 et figure 3).
La détection de nématodes se fait par des analyses de sol, mais encore mieux par l’observation de la culture de betterave précédente. Certains symptômes sont indicateurs de cette présence : jaunissement du feuillage avec une carence en magnésie, flétrissement par ronds, kystes (blancs) sur les radicelles de betteraves, rendements racines faibles. Les variétés tolérantes au nématode à kyste peuvent toujours multiplier le ravageur, mais cette multiplication restera réduite par rapport à la multiplication mesurée avec des variétés de type classique !
Certaines variétés associent la tolérance au nématode et au rhizoctone brun.
Qu’en est-il de la tolérance au rhizoctone brun ?
Avant de faire le choix pour une variété tolérante au rhizoctone brun, on s’assurera d’avoir étudié les facteurs de risque présents sur la parcelle, à savoir :
– une rotation (fréquente) avec du maïs, surtout maïs grain ou du ray-grass. L’incorporation de matière non digérée est un facteur aggravant ;
– défaut de structure du sol, suite aux récoltes effectuées dans des conditions humides, même au cours des dernières années ;
– présence de rhizoctone brun en betterave.
L’utilisation d’une variété tolérante atténue fortement la présence de betteraves pourries, mais ne l’exclut pas totalement ! Il s’agira de choisir le bon niveau de résistance.
Par ailleurs, les variétés tolérantes ne donnent pas de solution si elles ne s’accompagnent pas de mesures agronomiques adéquates : rotation, respect de la structure du sol, pH optimal et fumure raisonnée.
Chaque année, l’Irbab étudie la tolérance au rhizoctone brun dans des essais spécifiques infectés naturellement. L’observation pendant la saison et la cotation de la pourriture de toutes les racines récoltées de l’essai permet de déterminer la tolérance à cette maladie. En la matière, la figure 4 ci-dessous permet de préciser son choix.
Réserver les variétés Smart Conviso aux situations difficiles
Plusieurs variétés tolérantes à l’herbicide Conviso One (figure 5) sont disponibles via la liste européenne. Elles permettent de mettre en œuvre un désherbage basé sur un mode d’action ALS.
L’utilisation des betteraves Smart doit répondre à des problèmes de désherbage difficiles. Notons parmi ceux-ci : la présence de betteraves mauvaises herbes (« sauvages »), forte présence d’adventices dont chénopode, crucifères, ombellifères difficiles à contrôler…
À cause de son mode d’action trop ciblé utilisé dans de nombreuses cultures de la rotation, Conviso One doit obligatoirement être appliqué en mélange à un (ou plusieurs) herbicides possédant un autre mode d’action (par exemple : 1 l de Betanal et 0,2 l de Tramat ou un herbicide racinaire). On n’oubliera pas d’y ajouter 1 l d’huile à chaque application. Pour obtenir un désherbage efficace, il est indispensable d’intervenir dès que les chénopodes ou arroches sont au stade 2 feuilles (maximum 4 feuilles !).
L’utilisation de ces variétés et du système doit par contre répondre à certaines précautions. Ainsi, il ne faut pas les semer dans des terres avec présence (re)connue d’adventices résistantes aux herbicides ALS. Certaines sont déjà bien connues chez nous comme la matricaire, le seneçon, le coquelicot, le mouron… et plusieurs espèces de graminées (ray-grass, jouet-au-vent et vulpin) !
L’herbicide Conviso One peut engendrer des manques de sélectivité dans la culture suivante en cas de non-labour (voir l’agréation).
De possibles adaptations des modalités légales d’application de l’herbicide sont évoquées à partir de l’an prochain. Il sera donc nécessaire de se tenir informé.
Irbab