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Pâturage ovin des couverts d’interculture: une collaboration «gagnant-gagnant»

Verra-t-on bientôt de plus en plus de moutons pâturer les couverts d’intercultures dans les campagnes wallonnes ? En tout cas, cette pratique semble avoir le vent en poupe… Logique, puisqu’elle comporte de nombreux avantages, tant pour l’éleveur que pour le cultivateur. Un partenariat « gagnant-gagnant » à mettre en place en respectant plusieurs précautions, notamment sanitaires, pour qu’il tienne toutes ses promesses.

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D’un côté, il y a les cultivateurs qui ont implanté des couverts dans leurs parcelles. Des intercultures dont les bienfaits environnementaux et agronomiques ne sont plus à démontrer. De l’autre, se trouvent les éleveurs de moutons, souvent à la recherche d’endroits où faire pâturer leur troupeau. Et si, finalement, ces deux mondes se rencontraient ? Ne pourrait-on pas aboutir à de belles collaborations, portées par des bénéfices communs ? C’est justement tout l’enjeu de la soirée organisée par le Parc naturel de la Burdinale Mehaigne, dédiée au pâturage ovin des couverts d’intercultures.

Une soirée qui a recueilli un vif succès. Il faut dire que cette pratique a déjà séduit, ou est en passe de séduire, plus d’un agriculteur.

Tout d’abord, pour le cultivateur, faire pâturer des moutons sur les terrains permet notamment un gain de temps pour la destruction du couvert, en évitant le recours au broyage. Toujours au niveau des avantages, on peut noter que ces ruminants, grâce à leur piétinement, peuvent contribuer à limiter la présence de limaces. Quant aux campagnols, ils pourraient également s’y sentir un peu moins à leur aise.

Pour les éleveurs, ce type de partenariat semble aussi avoir tout bon. Évidemment, il permet de prolonger la saison de pâturage, et de cette façon limite la distribution de fourrages conservés et de concentrés à l’auge. « Nous travaillons souvent avec des éleveurs professionnels. Ils réalisent les économies qui peuvent être faites en travaillant de cette façon », note d’ailleurs Cyril Regibeau, conseiller technique en élevage ovin et caprin chez Elevéo.

Attention à la transition alimentaire…

Toutefois, avant de se lancer dans l’aventure, plusieurs aspects sont à prendre en compte. Pour les détenteurs d’ovins, l’une des interrogations pourrait porter sur la valeur alimentaire de ces couverts. Là encore, bonne nouvelle : sous réserve, bien entendu, de semer des espèces adaptées au pâturage, leur qualité permet de couvrir les besoins de toutes les catégories d’animaux, sans apport de concentré ni de fourrage.

« Grâce aux pesées, nous avons toujours constaté une amélioration de la croissance et de l’état corporel des animaux », ajoute Cyril Regibeau. Et ce, que ce soit pour les bêtes en lactation, à l’engraissement, pour des brebis en lutte, etc. Bref, il s’agit d’un fourrage riche et équilibré, avec une excellente valeur alimentaire durant l’automne et le début de l’hiver suivant leur implantation. Avec environ 0,9 UFL (unité fourragère lait) et 90 g de PDI (protéines digestibles dans l’intestin) par kg de matière sèche, leur qualité nutritionnelle est équivalente à celle des repousses d’herbe d’automne, et largement supérieure à un foin de première coupe.

Cependant, attention avant de laisser les moutons pâturer sur ces parcelles… Il faut, d’abord, s’assurer que leur ventre soit déjà bien rempli. S’ils ont faim, la transition alimentaire peut mal se dérouler. « En prenant l’exemple d’animaux dans des prairies avec moins d’herbe que l’on déplace sur des couverts végétaux riches en jeunes plantes, en légumineuses… c’est comme un buffet à volonté pour eux ». Pour éviter tout souci, l’une des possibilités consiste à ne pas distribuer de la nourriture la veille au soir, d’en proposer le matin pour les rassasier, puis de les laisser accéder aux intercultures vers midi. Une autre technique est de mettre les animaux au pâturage au fil. De cette façon, les ovins consomment l’ensemble des plantes disponibles, et pas seulement celles qu’ils préfèrent. « Cela limite les refus ».

Par ailleurs, le mouton s’adapte puisqu’il apprend à aimer de nouveaux aliments. « Par exemple, lors d’un essai avec des tournesols, ils ont fini par les apprécier, alors que c’était ce qu’ils mangeaient en dernier dans leur prairie précédente ».

Une solution durable face à la gestion du parasitisme

« Le parasitisme digestif est, chez le mouton, la première cause de maladie et de mortalité pour les bêtes en première saison de pâture », a rappelé François Claine, responsable opérationnel à l’Arsia pour les ovins, caprins et camélidés.

Une problématique sanitaire d’envergure, d’autant plus inquiétante que ces parasites ont réussi à développer leur résistance face aux produits destinés à les combattre. En effet, dans plusieurs cheptels, la vermifugation commence à montrer ses limites. C’est encore plus vrai que les dernières solutions disponibles datent d’avant 2010…

Face à ce constat, et afin de diminuer les risques de confrontation entre les moutons et ces parasites, des solutions alternatives se sont mises en place. Il y a les rotations de parcelles, ou encore les pâturages mixtes, en mettant plusieurs types d’herbivores sur un même terrain, puisqu’ils ne partagent pas les mêmes espèces de parasites. Toutefois, pour mettre en place ce type de stratégie, il faut posséder suffisamment de surface.

Dès lors, les couverts semblent, une fois de plus, être une option intéressante pour les éleveurs souhaitant s’inscrire dans une gestion durable et raisonnée du parasitisme. Premièrement, les moutons arrivent normalement sur des parcelles saines. Ensuite, le pâturage de ces couverts est prévu à des périodes moins chaudes, avec des températures moins favorables au développement des œufs.

Néanmoins, le passage sur un couvert végétal ne va pas « nettoyer » l’animal. Il permettra simplement de mettre en pause une pathologie qualifiée d’accumulation sur l’année puisqu’au fur et à mesure des semaines passées à l’herbe, la bête accumule une quantité de plus en plus importante de larves, futurs parasites. Leur cycle se poursuit alors sans interruption, de génération en génération. Le passage sur ces nouveaux terrains permet donc de faire une pause dans ce développement.

De plus, lorsque les températures nocturnes chutent sous les 10°C, certains parasites adaptent leur stratégie. Ils s’enkystent dans la paroi du tube digestif de l’animal, attendant que les conditions redeviennent favorables.

Ainsi, même si un animal semble sain à l’automne, il peut en réalité conserver des parasites dormants, prêts à se réveiller. « Il faut alors juger du degré d’infestation des ovins avant de les mettre sur ces surfaces. De cette manière, l’éleveur peut gérer leur état de santé en lien avec le parasitisme, et être certain qu’ils ne soient pas de gros contaminateurs de parcelles lors de la prochaine saison de pâturage ».

Plusieurs modalités à définir entre les différents acteurs

Si, sur le plan sanitaire, le pâturage des couverts peut répondre à de nombreux besoins, plusieurs points restent à prendre en compte.

D’abord sur le plan réglementaire, il ne faut pas oublier d’établir un contrat de pâturage entre les parties. D’autres règles sont également à respecter.

Par exemple, et très logiquement, un mouton issu de l’agriculture biologique ne peut pâturer que des couverts certifiés bio. À l’inverse, un mouton conventionnel peut consommer du couvert bio, à condition que cela reste pour une période limitée, et que le cultivateur n’élève pas lui-même d’ovins bio.

Enfin, la réussite de cette pratique passe autant par le bien-être des animaux… que par celui de l’éleveur ! Et pour éviter de courir dans tous les sens, mieux vaut prévoir de bonnes clôtures. Il existe plusieurs solutions comme les filets et, bien entendu, les clôtures électriques, plus économiques, qui ont déjà fait leurs preuves sur le terrain. « Bien que le meilleur moyen de contention reste qu’ils aient assez à manger », glisse le conseiller.

Reste aussi à se mettre d’accord sur les modalités pratiques : qui prend en charge le semis ? Quel est le calendrier prévu ? Combien d’hectares sont concernés ? Autant de points à bien définir afin d’éviter les mauvaises surprises et permettre aux différents acteurs d’être pleinement satisfaits de cette collaboration.

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