Patrick Mauën et ses «Clapiers d’antan» remettent la viande de lapin au goût du jour
Ce n’est pas pour rien que Patrick Mauën est surnommé « Monsieur lapin ». Ce policier s’est lancé il y a quelques années dans l’aventure cunicole. Alors qu’au départ, il s’agissait d’un projet personnel, suite à l’engouement pour cette viande, délaissée par certains mais adorée par d’autres, il a créé « Les clapiers d’antan ». Un succès pour ce passionné qui gère tout : de la naissance des lapereaux à la commercialisation des produits.
300 lapins par an sont élevés sur ce site qui accueille 12 femelles et un mâle. L’éleveur souhaiterait augmenter le nombre d’animaux, tout en misant sur la qualité de ses produits. - D.T.
Par : Déborah Toussaint
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Dénicher un éleveur de lapins de chair dans nos régions n’est pas une mince affaire… En effet, ces cuniculteurs se font de plus en plus rares. Pourtant, certains sont de fervents défenseurs de cette viande. C’est le cas de Patrick Mauën. Chez lui, à Lesve, en région namuroise, il en élève 300 par an, le tout grâce à ses 12 femelles et à son mâle. « Cela reste à un petit niveau », explique celui qui ne cherche pas la quantité mais plutôt la qualité. Une recette qui fonctionne.
En effet, « Les clapiers d’antan » a réussi à se faire un nom. Et ce, grâce au savoir-faire et également à la créativité du passionné pour valoriser cette viande. Boulettes, pâtés, boudins… : il ne lésine pas sur les idées lorsqu’il s’agit de proposer son produit sous toutes les coutures. « Ce qui fait notre force est que l’on propose de la très bonne qualité, et des choses originales pour nous différencier. Par exemple, j’adore le barbecue. Nous avons donc voulu lancer une saucisse de lapin, et cela a été un réel succès », complète-t-il.
Un projet privé qui prend de l’ampleur…
Pourtant, rien ne prédestinait Patrick Mauën à travailler dans l’élevage. Cet inspecteur de police a, certes, toujours eu un attrait pour la nature et les animaux, néanmoins, personne dans son entourage n’est agriculteur.
« C’est arrivé totalement par hasard, je n’avais aucune formation », confie-t-il d’ailleurs. Toutefois, en 2018, son épouse souhaite avoir des lapins pour leur propre consommation. Il va alors en acheter deux, ce qu’il pense être un couple. Néanmoins, pour l’anecdote, à l’époque il ne savait pas différencier un mâle d’une femelle. Autant dire que la reproduction a dû attendre… Autodidacte, il ne se décourage pas, commence à se documenter, à connaître d’autres éleveurs, à acheter des animaux. Petit à petit, l’histoire s’écrit. Il commence dès lors à proposer sa viande auprès de sa famille. Une réussite ! Ensuite, il discute avec une personne de chez Paysans Artisans. La machine était lancée.
Les femelles sont placées ensemble selon leur lien de parenté afin d’éviter que l’une ne s’attaqueaux lapereaux de l’autre. - D.T.
La difficulté de trouver des sites agréés
Il trouve aussi la race qui convient le mieux à son activité. Si, au départ, il ne travaillait qu’avec des Géants papillons français et des Fauves de Bourgogne, il se rend compte que le croisement entre ces deux races est prolifique. « Les croisées sont de bonnes mères, et cela donne des lapins avec le gabarit adéquat ». Les mères, justement, sont élevées à l’extérieur, dans d’anciennes volières. Dedans, y est installé un clapier. Et surprise : en soulevant le toit, on découvre les lapereaux. Ici, les femelles ont entre 3 et 4 portées par an. « Je ne les pousse pas. Lorsqu’elles sont trop vieilles pour élever, j’essaie de les placer à l’adoption ».
Pour procéder à l’accouplement, le mâle reste auprès des femelles une quinzaine de jours. Après une gestation de 30 jours, les lapereaux naissent, avec des portées entre 2 et 10 jeunes, bien que l’éleveur en ait déjà eu 16 pour une naissance. Ensuite, les mères vivent avec leurs petits jusqu’aux premiers signes de maturité sexuelle, soit entre deux mois et demi et trois mois. Ils peuvent alors partir vers les parcs de finition, à l’intérieur. « Plus le lapin est gros, plus il a du goût. Ils vivent là jusqu’à l’âge de quatre mois et demi et six mois, soit lorsqu’ils ont atteint un poids compris entre 2,2 et 3 kg ».
Pour l’abattage, l’éleveur se rend à Pipaix, dans le Hainaut, auprès d’un abattoir agréé. « Il faut trouver un site qui accepte les lapins ». La découpe se déroule, elle, à Suarlez chez ID Coupe. C’est là qu’une partie de la viande est transformée en boulettes, saucisses barbecue… Tandis qu’il collabore également avec l’Atelier de l’Artisan pour d’autres produits, comme les pâtés. Notons qu’entre 50 et 56 % de la bête peuvent être consommables.
Autodidacte, ce policiers’est lancé dans l’élevage de lapins de chair grâce à son épouse. - D.T.
Des animaux fragiles à élever avec précautions
Néanmoins, si le lapin semble être un animal assez facile, c’est loin d’être le cas. La preuve, lorsque l’on demande à Patrick Mauën ce qui est compliqué en cuniculture, il répond, de but en blanc : « Tout ! ». Et pour certains facteurs, il l’a appris à ses dépens. Par exemple, lorsque l’on place des femelles au même endroit, il faut qu’elles possèdent un lien de parenté fort, comme deux sœurs nées ensemble ou une mère et sa fille. En effet, dans le cas contraire, l’une des lapines risque de manger les jeunes de l’autre. « J’ai essayé avec des cousines, néanmoins cela ne fonctionne pas, car la femelle est territoriale ».
Très fragiles, ils peuvent aussi succomber à la coccidiose. De même, les risques de mortalité sont accrus lorsque la météo n’est pas au beau fixe. « C’est l’une de mes erreurs… J’ai trop voulu être dans le bien-être animal. Si je devais repenser mon site, je mettrais tous les lapins à l’intérieur, où je n’ai jamais de souci. Tandis qu’à l’extérieur, les pertes peuvent être de l’ordre de 50 %, surtout lorsque les animaux sont jeunes. S’il faisait tout le temps sec, avec des températures comprises entre 22 et 23°C, ce serait nickel… ».
Une autre erreur qu’il admet avoir commise est de ne pas les avoir vaccinés contre la fièvre hémorragique. « À la police, je m’occupe de l’environnement ainsi que du bien-être animal. Cela me permet d’être averti lorsque la maladie circule et, dorénavant, je vaccine s’il y a un danger pour mon élevage ».
De plus, Patrick Mauën, dont le souhait est de travailler de la manière la plus locale possible, prend aussi des précautions lorsqu’il va chercher des aliments pour chouchouter ses petites bêtes. Herbivores, elles mangent de l’herbe, reçoivent du foin, de la paille et des granulés. Et leur propriétaire veut « faire comme à l’époque ». C’est pourquoi il se rend dans des endroits propices, et sans risque pour leur santé, afin de ramasser des pissenlits, des branches de noisetiers… pour leur plus grand plaisir.
Se développer et travailler avec une vingtaine de femelles
À présent, le cuniculteur souhaiterait se développer. En montrant ses infrastructures, il explique qu’il souhaite repenser certains de ses enclos et parvenir à posséder une vingtaine de femelles. Ainsi, il en a déjà sélectionné pour assurer l’avenir de son élevage. « C’est une question de feeling. Il faut qu’elles me plaisent et qu’elles soient sympas ».
Quant au mâle, il souhaiterait en acquérir un second pour éviter les problèmes liés à la consanguinité. « Le dernier, je suis même allé le chercher à Marche-en-Famenne afin d’être certain d’éviter tout souci à ce sujet ».
Bref, autant de projets pour permettre aux « Clapiers d’antan » de s’inscrire dans le futur, tout réhabilitant une viande que beaucoup redécouvrent avec plaisir.
ElevageUn arrêté royal relatif aux modalités de paiement des interventions liées à la campagne de vaccination contre la FCO et la MHE sera prochainement publié. Concrètement, deux phases sont prévues en juin et en septembre.