Le Cepicop souffle ses 20 bougies
À l’occasion de l’anniversaire du centre pilote wallon des céréales et des oléo-protéagineux, nous avons rencontré le coordinateur, Loïc Detilleux, et l’une des ingénieurs, Christine Cartrysse, pour revenir sur ces vingt dernières années de développement et de vulgarisation.

L’étude des céréales, des oléagineux et des protéagineux a lieu depuis des dizaines d’années sur les terres de Gembloux. Aujourd’hui, le Cepicop, acronyme de centre pilote wallon des céréales et des oléo-protéagineux œuvre pour le développement et la vulgarisation de techniques liées à une vingtaine de cultures, représentant 24 % de la SAU en Wallonie.
Aux prémices de l’asbl
C’est lors d’une nouvelle phase de régionalisation de l’agriculture lancée par l’État, au début des années 2000, qu’est créé le Cepicop. À cette époque, de nombreuses structures de recherches et de développement existaient et ont été redessinées en Flandre comme en Wallonie. La volonté a donc été de regrouper les différentes asbl travaillant sur les mêmes sujets.
Dix organismes sont à la base de la naissance du centre pilote dont la Faculté de Gembloux (aujourd’hui Gembloux Agro-Bio Tech), le Centre wallon de recherches agronomiques (Cra-w), le Corder, le Cadco (Centre agricole de développement des céréales et des oléoprotéagineux), l’Appo (Association pour la promotion des protéagineux et des oléagineux), le Pob (Promotion d’orge brassicole) et les organismes provinciaux comme le Carah, Brabant wallon Agro Qualité, le Chpte (aujourd’hui Cpl-Végémar) et l’Opa de Ciney.
Le Cepicop est basé à Gembloux, au sein de la Faculté et est le fruit de la collaboration entre les dix partenaires. Reconnue par la Région wallonne, l’asbl reçoit durant plusieurs années des financements redistribués entre les associés pour ses recherches. En effet, le centre pilote n’a engagé aucun employé jusqu’en 2019. La première équipe d’ingénieurs a été formée en 2020 pour poursuivre l’encadrement et le conseil donné aux agriculteurs sur les plans techniques et économiques.
Constitué de plus d’agriculteurs
Au fur et à mesure des années, la collaboration avec les différentes organisations a évolué. Certaines ont notamment disparu et été remplacées par Fegra (Représentant du commerce belge des céréales, des matières premières pour l’alimentation animale et de l’agro-approvisionnement) et Fevia (Fédération de l’industrie agroalimentaire belge), ce qui marque un intérêt grandissant pour la commercialisation, la transformation et la valorisation des productions.
Le conseil d’administration a donc progressé et intrègre désormais plus d’agriculteurs. La convention prévoit une représentation d’un tiers d’agriculteurs au sein de l’organe d’administration. Le centre pilote en est à sa troisième présidence, assurée actuellement par le Sombreffois, Wilhelm Bommers. « Nous avons toujours eu un agriculteur comme président », explique Christine.
L’objectif principal des centres pilotes est d’être au plus près de la profession agricole. Les choix établis pour les expérimentations, comme les variétés implantées, le programme de protection phytosanitaire, la surveillance des insectes ravageurs en saison, sont réalisés en fonction des réalités du terrain et des enjeux actuels.
Comme mentionné plus haut, le Cepicop n’engageait pas de personnel et était un organisme « chapeau ». Aujourd’hui, l’équipe se compose d’un coordinateur, d’une secrétaire, de trois ingénieurs et de trois techniciens. Le centre pilote bénéficie également d’un apport de la Faculté, avec des techniciens qui viennent prêter main-forte. Le personnel est hébergé dans un bâtiment de la ferme expérimentale avec laquelle il travaille en synergie.
Informer, avertir et conseiller
En saison, au printemps et à l’automne, le Cepicop publie une série d’avertissements tous les mardis en céréales et en colza. Le but est de relayer aux agriculteurs les observations effectuées sur les parcelles du réseau. En collaboration avec différents acteurs de terrain, comme le Cra-w, le Carah et le Cpl-Végémar, ce réseau de parcelles est réparti dans toute la Wallonie.
La mise en commun de protocoles et des résultats permet de couvrir un large territoire et de tenir compte des différents contextes agricoles et environnementaux. « Ce qui se passe à Gembloux n’est pas généralisé partout », explique Loïc. Il poursuit : « Donner un conseil unique et précis est très compliqué. Nous encourageons les agriculteurs à effectuer leurs propres observations des cultures et de comparer l’état sanitaire avec les avertissements. Nous mettons les signaux d’alarme mais la réalité du terrain est propre à chaque parcelle ».
Au départ, ces avertissements étaient envoyés aux agriculteurs et professionnels agricoles par publication dans la presse agricole et par voie postale ou fax sur base d’un abonnement. L’arrivée et la généralisation d’internet ont simplifié les choses.
Christine raconte : « il y a longtemps, il existait même des émissions radios sur la Rtbf. Elles étaient diffusées généralement avant 13 h ainsi que le samedi matin. Un journaliste spécialisé en agriculture était chargé de venir collecter les informations, notamment sur l’arrivée des pucerons et de réaliser un reportage ».
À l’époque les agriculteurs téléphonaient régulièrement pour se tenir au courant et, encore aujourd’hui, participaient aux réunions du Livre Blanc, aux synthèses bisannuelles et aux réunions d’information.
À l’heure actuelle, la communication du centre pilote se fait quasi exclusivement par internet, par l’envoi de mail aux abonnés, par publication dans la presse ainsi que sur les réseaux sociaux. Ces derniers prennent une part de plus en plus importante.
Des variétés implantées diversifiées
Le Cepicop a toujours travaillé sur le froment et l’orge d’hiver ainsi que sur l’orge de printemps, le colza d’hiver et le pois protéagineux, et plus récemment sur l’avoine, le lin oléagineux et les féveroles de printemps et d’hiver.
Depuis environ cinq ans, il s’est lancé dans l’implantation d’autres cultures de diversification. L’objectif est de tester de nouvelles variétés, notamment pour mieux s’adapter aux changements climatiques. Le rôle premier du centre pilote est de fournir une information la plus large possible pour aider les agriculteurs. Il est facile de trouver des renseignements sur de nouvelles cultures sur internet mais pouvoir les tester à petite échelle est un atout utile et important.
Parmi ces nouvelles espèces on peut citer : la moutarde, le soja, le pois chiche, les lentilles, le sarrasin et la cameline. « Nous avons choisi un nombre important de variétés au départ afin d’observer ce qui fonctionne ou non dans nos régions et d’avoir un retour d’agriculteurs. Maintenant, après quelques années de culture, le nombre se réduit. C’est notamment le cas de la cameline qui a été abandonnée par manque de maîtrise de la levée et des mauvais résultats de rendement », explique Loïc. Les tests ont débuté en 2018, à la sortie de plusieurs années de sécheresse.
La mise en place de culture de diversification est souvent dictée par les marchés. Par exemple, les prix élevés du tourteau de soja ont poussé la recherche d’alternatives.
De plus, depuis deux ou trois ans, suite à une demande grandissante de la Région wallonne, des essais en agriculture biologique ont été intégrés aux programmes d’expérimentation. Ceux-ci représentent un pourcentage du budget dont la part augmente chaque année. Par manque de terres certifiées, les céréales et les petites cultures comme la moutarde, les lentilles et le sarrasin sont semés sur des parcelles bio, en collaboration avec les fermes expérimentales de Louvain-la-Neuve.
Une évolution qui suit les besoins
La Pac est un moteur important qui influence le soutien ou non de certaines cultures. L’implantation d’essais a dès lors également évolué en parallèle. En outre, la promotion de l’agriculture biologique et la réduction des produits phytosanitaires demandent, par exemple, le développement de variétés résistantes aux maladies ainsi que de techniques culturales comme le désherbage mécanique. De nombreuses recherches, en collaboration avec le Cra-w, doivent encore être accomplies sur ces sujets pour rendre, entre autres, ces technologies accessibles aux agriculteurs.
Le Cepicop travaille dans ce sens, en étant conscient des enjeux environnementaux et en incluant plus de durabilité. L’anticipation et l’essai de nouvelles pratiques ou cultures restent la clé pour trouver des solutions et répondre aux besoins des agriculteurs.
« On prévoit de plus en plus la réduction des produits phytosanitaires. Mais les agriculteurs y arrivent par eux-mêmes aussi, notamment à cause des coûts de production. Tout semble aller dans cette direction », ajoute Christine. C’est notamment dans le but de diminuer l’utilisation d’intrants et, par la même occasion, les coûts de production que des tests sur les associations culturales ainsi que le concept de seuil d’intervention ont été intégrés dans le programme de recherche.
Un pari sur l’avenir
« Il est très difficile pour nous d’imaginer l’avenir », affirment Loïc et Christine. La plus grosse contrainte est le manque de vision budgétaire. En effet, le Cepicop travaille avec des subventions et des conventions annuelles de la Région wallonne dont le programme débute le 1er avril et se termine le 31 mars de l’année suivante. « Inutile de vous dire qu’une saison culturale n’est jamais totalement couverte », ajoute Loïc. Le programme doit être rentré en décembre ou janvier et la réponse n’est parfois obtenue qu’en juillet. Cela rend les choses parfois compliquées, surtout au niveau de la mise en place des essais et du personnel. « Si nous devions attendre l’approbation de la convention, les essais auraient lieu une année sur deux », explique Christine, qui poursuit : « Nous faisons un pari sur l’avenir à chaque période de semis ». Ce type de convention ne permet donc pas de se lancer dans des tests sur le long terme et laisse toujours une incertitude.
Concernant les cultures qui seront étudiées dans les essais ces prochaines années, cela dépendra des projets existants ou des partenaires qui se tourneront vers le centre pilote. Ces sujets sont souvent régis par la demande locale mais aussi par le marché. Par exemple, le Cepicop étudie la moutarde suite à la flambée des prix de la moutarde canadienne qui était largement importée chez nous.
Le soutien de la Région wallonne est également primordial pour la poursuite des activités mais est toujours incertain. Selon Christine, nous vivons une période d’incertitude générale qui ne s’applique pas uniquement à l’agriculture. Imaginer la situation agricole dans vingt ans est impossible. « Les agriculteurs font face à de nombreux défis : le changement climatique, la réduction des produits phytosanitaires, le renouvellement des générations… Tout cela pourrait bien changer le paysage agricole actuel ».
L’avantage avec les céréales est que la culture est bien adaptée et largement implantée en Wallonie. Elles ont toujours leur place et l’auront probablement encore malgré le changement climatique. Enfin la question de l’indépendance protéique prouve que les cultures protéagineuses ont encore un bel avenir devant elles. Seulement, le marché ne suit pas... « Nous restons très dépendants de l’importation de protéines comme le soja, mais continuera-t-il à être disponible et, surtout, à un prix abordable ? », se questionne Christine.