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Histoire d’eau

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Il en aura fallu du temps après une succession de sécheresses dévastatrices pour que la commission dévoile, le 4 juin dernier, sa stratégie pour la résilience en eau. Attendue, nécessaire, cette feuille de route se veut une réponse aux bouleversements climatiques qui menacent l’équilibre hydrique du continent. Mais à l’heure du constat, force est de reconnaître que l’ambition affichée reste timorée. « Restaurer le cycle de l’eau », tel est l’objectif proclamé. Mais derrière la formule, les engagements concrets manquent de netteté et de fermeté. La commission invite les États membres à améliorer de 10 % l’usage de l’eau d’ici 2030. Une injonction sans contrainte, sans méthode harmonisée pour mesurer l’efficacité hydrique, et sans instruments juridiques pour en garantir l’application. Pire, aucun objectif sectoriel n’est défini pour répartir équitablement l’effort, notamment entre l’agriculture, l’industrie ou encore l’approvisionnement domestique.

Ce flou est d’autant plus préoccupant que l’agriculture, en particulier dans les pays du sud de l’Europe, représente à elle seule 60 % des prélèvements d’eau agricoles de l’UE. Des leviers existent pourtant : irrigation goutte-à-goutte, sélection de cultures plus résistantes à la sécheresse, réduction des fuites… L’Agence européenne de l’environnement estime que jusqu’à 20 % des prélèvements pourraient être économisés. Mais encore faut-il une volonté politique affirmée pour les activer. Or, en matière de stockage ou de réutilisation de l’eau, les intentions restent là aussi floues. Pas de projets financés à ce jour, peu de perspectives claires à l’horizon. La stratégie évoque certes la nécessité d’une planification rigoureuse pour les ouvrages hydrauliques, mais sans trancher sur leur pertinence ni sur les financements qu’ils mobiliseraient. Le commissaire Hansen rappelle avec justesse qu’« il n’y a pas d’agriculture sans eau », mais l’Exécutif semble paralysé par la crainte de s’engager franchement.

Quant à la pollution de l’eau, la stratégie reste évasive, en renvoyant l’essentiel des réponses au plan Zéro Pollution. Seule avancée notable, un soutien annoncé à la réduction de la pollution aux nitrates via un futur « outil d’assistance » pour les États membres. Une boîte à outils encore théorique, qui n’aborde pas frontalement la question de l’élevage intensif dans les zones vulnérables. Face à l’urgence, les moyens financiers annoncés peuvent sembler significatifs : 15 milliards € via la Banque européenne d’investissement (BEI), un accélérateur d’investissements pour vingt projets pilotes… Néanmoins ces dispositifs restent embryonnaires. Et comme le souligne à juste titre le Copa, sans ciblage clair et soutien opérationnel, ces ambitions risquent de se dissoudre dans les méandres bureaucratiques. L’Europe a besoin d’une politique de l’eau cohérente, volontariste, et adaptée aux enjeux de notre siècle. Pas d’un catalogue d’intentions molles. La transition agricole et la résilience climatique passent par une gestion rigoureuse et solidaire de l’eau, bien commun par excellence. Laisser filer cette occasion serait, au sens propre comme au figuré, assécher notre avenir.

Marie-France Vienne

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