En Belgique, la terre agricole attise les convoitises
Alors que les prix des terres agricoles atteignent des sommets, la Belgique connaît des tensions croissantes entre générations, entre modèles agricoles et entre impératifs économiques et écologiques. La question foncière s’impose comme un enjeu central, appelant à une réforme structurelle. C’est ce qui ressort d’une note de Jan De Keyser, responsable Agri & Food chez BNP Paribas Fortis.

Avec un prix moyen de 65.000 €/ha en Flandre, et des pics à plus de 100.000 € en périphérie urbaine, contre 40.000 €/ha en Wallonie, la Belgique se positionne parmi les pays les plus chers d’Europe, juste derrière les Pays-Bas. Cette flambée ne relève pas seulement de la conjoncture. La terre est désormais perçue comme un placement refuge, une ressource écologique stratégique et un outil de pouvoir économique.
L’accès à la terre, un défi pour les jeunes agriculteurs
Pour le représentant de l’institution bancaire, plusieurs facteurs expliquent cette inflation : la rareté du foncier, la faible rotation des terres, l’intérêt croissant d’acteurs non-agricoles et une spéculation alimentée par les perspectives de changement d’affectation.
Parallèlement, la terre est désormais valorisée pour ses services écosystémiques (séquestration du carbone, biodiversité, gestion de l’eau) attirant de nouveaux acheteurs, souvent non-agricoles, qui y voient un capital écologique durable. Mais cette dynamique a ses revers, elle renforce les inégalités d’accès, marginalise les jeunes sans capital et favorise l’agrandissement des exploitations au détriment de leur ancrage local. À terme, c’est le modèle agricole familial qui pourrait en pâtir.
L’avenir du foncier agricole pourrait suivre trois trajectoires. Sans intervention, la spéculation risque de s’intensifier et d’exclure les nouvelles générations. Un scénario de stagnation est aussi possible si les politiques environnementales ou fiscales freinent les investissements sans rétablir l’équilibre. Une troisième voie, plus volontariste, consisterait à revaloriser la terre comme bien commun, à travers des outils publics tels que les banques foncières, les baux encadrés ou les coopératives, avec une priorité donnée aux projets durables.
Redonner à la terre sa valeur sociétale
Dans ce contexte, l’agriculture régénérative propose une réponse structurelle. En restaurant la fertilité des sols, en renforçant la biodiversité et la résilience climatique, elle redonne à la terre sa valeur productive et sociétale.
Alors que l’accès à la terre devient un enjeu de souveraineté alimentaire et de cohésion territoriale, les décisions politiques à venir détermineront qui pourra cultiver, dans quelles conditions, et dans quel but. Comme le rappelle le représentant de la banque belge, « la terre agricole n’est pas seulement un facteur de production, mais un actif stratégique, créateur de valeur durable pour l’agriculteur, l’investisseur et la société ».