La Commission soumet le Mercosur à l'approbation des Etats membres
Nouvelle étape vers l'adoption de l'accord commercial entre l'Union européenne et les pays du Mercosur: la Commission a soumis mercredi les textes à l'approbation des Etats membres de l'UE et du Parlement européen. Elle espère apaiser ses opposants avec un mécanisme de sauvegarde qui doit être coulé dans un acte législatif.

Finalisé en 2024, cet accord commercial vise à supprimer des droits de douanes actuellement élevés et permettre à l'UE d'exporter voitures, machines et spiritueux vers l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay. L'UE mise sur cet accord pour diversifier ses partenariats commerciaux et renforcer les liens économiques et politiques avec des pays «partageant les mêmes valeurs» qu'elle, selon un communiqué. Une mise à jour de l'accord global avec le Mexique est également sur la table. «Nous continuons à diversifier nos échanges commerciaux, à favoriser de nouveaux partenariats et à créer de nouvelles opportunités commerciales», a mis en avant Ursula von der Leyen. «Les entreprises et le secteur agroalimentaire de l'UE bénéficieront immédiatement de la baisse des droits de douane et des coûts, ce qui contribuera à la croissance économique et à la création d'emplois».
Mais les opposants au Mercosur restent mobilisés. Ils y voient des risques trop importants pour l'agriculture européenne, la santé, l'environnement ainsi que les droits sociaux et humains. Pour tenter de les apaiser, la Commission a présenté plusieurs garanties. Tout d'abord, les importations agroalimentaires en provenance du Mercosur seront limitées à une fraction de la production de l'UE (1,5 % pour la viande bovine et 1,3 % pour la volaille, par exemple). Un mécanisme de sauvegarde, voulu notamment par la France, viendra également protéger les produits européens sensibles contre toute hausse brutale des importations. Cet outil doit être inscrit dans un acte législatif afin de le rendre contraignant.
L'accord a également été renforcé sur le plan environnemental, a souligné un haut fonctionnaire de la Commission. L'Accord de Paris sur le climat y est qualifié «d'élément essentiel», ce qui permet de suspendre tout ou partie du traité en cas de non-respect. Le texte comporte aussi des engagements contre la déforestation.
Selon la Commission, l'accord UE-Mercosur créerait la plus grande zone de libre-échange au monde, couvrant un marché de plus de 700 millions de consommateurs. Il pourrait faire bondir de 39% les exportations européennes annuelles vers ces pays, pour atteindre environ 49 milliards d'euros, et soutenir plus de 440.000 emplois à travers l'Europe. Sur le plan juridique, les accords avec le Mercosur et le Mexique sont chacun scindés en deux textes parallèles. Cette structure a été choisie pour permettre une mise en œuvre rapide des aspects commerciaux, qui relèvent de la compétence exclusive de l'UE, tout en laissant le temps nécessaire aux processus de ratification nationaux pour les autres volets.
L'approbation des accords commerciaux purs nécessitera la majorité qualifiée au Conseil (Etats membres), puis le feu vert du Parlement européen.
«Un tour de passe-passe anti-démocratique»
« En scindant l'accord, la Commission tente de le faire passer par la petite porte», a dénoncé le Réseau action climat (CAN Europe) dans un communiqué. Le réseau d'ONG environnementales estime que la Commission ignore les manifestations massives des agriculteurs, la réaction négative du public et l'opposition claire de plusieurs pays de l'UE au Mercosur. En Belgique, Ecolo a dénoncé un «tour de passe-passe anti-démocratique» visant à empêcher des pays - ou des parlements régionaux - de bloquer l'accord.
«Une fois de plus, il est question d'un deal qui ne profitera qu'à une minorité d'acteurs, pour la plupart issus de l'agro-business ainsi que des industries automobile et chimique», a dénoncé l'eurodéputée écologiste Saskia Bricmont. «En dépit d'une longue liste d'engagements, les dispositions en matière de durabilité ne sont que de belles promesses qui ne se concrétiseront probablement jamais».
«Cette décision est une mauvaise nouvelle pour l'Europe et en particulier pour nos agriculteurs, notre souveraineté alimentaire et pour la transition écologique», a également dénoncé le député européen et président des Engagés (Renew), Yvan Verougstraete. «La Commission européenne veut passer en force, sans réel contrôle démocratique, ce n'est pas acceptable».
Benoît Cassart (MR, Renew), lui, a regretté «l'opacité inacceptable» de la Commission envers les députés. Il mentionne la tentative de la Commission de rassurer quant au respect des normes de production en matière de pesticides et de bien-être animal applicables aux produits importés. Mais «sans des clauses miroirs incluses dans l'accord, les promesses sur la réciprocité sont totalement vides», balaye-t-il.
De son côté, le monde économique belge a appelé les autorités du pays à adopter une «attitude constructive et tournée vers l'avenir».
«Dans un monde marqué par des tensions croissantes et par la politique tarifaire disruptive de Donald Trump», les fédérations patronales dont la FEB, VOKA, Beci et Unizo voient cet accord d'un bon oeil. «Le libre-échange n'est pas un luxe, mais une nécessité économique», clament-elles.
«C'est non à l'accord en l'état», répète la Wallonie
«Notre position sur l'accord UE-Mercosur est claire et a été maintes fois répétée: c'est non à l'accord en l'état et ce sera donc au minimum une abstention pour la Belgique parce que c'est un non de la part de la Wallonie», a réaffirmé mercredi la ministre wallonne de l'Agriculture, Anne-Catherine Dalcq.
«Nous ne sommes pas contre le commerce mais nous sommes contre la concurrence déloyale parce qu'il n'y a pas de clause miroir dans cet accord. Et nous sommes contre le non-respect des producteurs», a-t-elle expliqué.
La ministre libérale était interrogée sur le sujet en séance plénière du parlement wallon par le député des Engagés Loïc Jacob. La nouvelle étape franchie ce mercredi par la Commission «est une étape que je regrette et qui me met en colère car nous allons vers plus de concurrence déloyale», a ajouté Anne-Catherine Dalcq. «Mais de notre côté, nous maintiendrons la ligne qui a toujours été présentée», a-t-elle conclu