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Le maïs, ce migrant mal aimé

L’autre jour, en sortie en milieu naturaliste, un botaniste de qualité et de bonne foi, laisse tomber : « Quand même, le maïs, ce n’est pas notre terroir ». Sous-entendu : il n’est pas de chez nous, il n’a pas sa place ici.

Temps de lecture : 3 min

Je n’ai pas voulu plomber l’ambiance, mais cela n’interdit pas de réfléchir à charge et à décharge.

Le maïs est en effet le dernier migrant d’Amérique à s’être installé chez nous.

Les aînés se souviennent de la contribution de l’agronome Ledent et du CIPF depuis les années soixante. Il représentait alors 1 % des surfaces cultivées. Aujourd’hui, le maïs fourrage occupe 20 % des terres hors prairies et le maïs grain 6 %. Au total : 60.000 ha en Wallonie. On peut dire qu’il s’est bien intégré.

Avant lui, d’autres cultures ont traversé l’Atlantique, en prenant la route ouverte par Christophe Colomb : la pomme de terre, les haricots, les courgettes, et plus au sud, l’ananas, le papayer, l’hévéa.

D’autres ont pris le chemin dans l’autre sens : le café, le coton, le tabac, l’arachide, le manioc. Ce fut la première grande opération de bio-diversification mondialisée.

Le maïs a mis du temps pour arriver chez nous. Il s’est d’abord adapté au bassin méditerranéen. Au XIXe siècle, on l’appelait le « blé de Turquie ». Puis, au hasard d’une mutation naturelle, il a acquis des gènes de résistance au froid et a progressivement remonté la France.

Apparemment, les adeptes d’une agriculture « intensivement écologique » ne l’aiment pas beaucoup, bien qu’il y ait 28.000 ha de maïs biologique en France. J’essaie de comprendre pourquoi.

Certains me disent que c’est parce qu’il est trop grand et peut cacher la vue. D’autres, qu’il sert de base au rationnement des animaux, et que pour les végétariens, ce n’est pas une bonne cause. Pour les végans, c’est encore pire. Soit !

Pour d’autres, c’est parce qu’il est gourmand en eau et en engrais. En fait, il a besoin de 14 unités d’azote pour faire une tonne de matière sèche alors que le blé a besoin de 30 unités pour une tonne de grains. Même en comptant la paille, il est moins exigeant et valorise bien les fumures organiques qui minéralisent l’été, quand il fait chaud. Pour l’eau, c’est pareil : il suffit de 238 l d’eau pour produire un kilo de MS en maïs fourrage alors qu’il faut plus de 500 l d’eau en moyenne pour les grandes cultures.

Du côté de la protection phytosanitaire, c’est un exemple de rusticité : pas de fongicide en cours de végétation et rarement d’insecticide. Contre la pyrale, il existe des solutions de lutte biologique mais ce n’est pas encore un parasitisme préoccupant chez nous. Question désherbage, la vieille atrazine n’existe plus depuis longtemps. Au contraire, le maïs est un vecteur d’innovation au niveau des cultures associées et du robot binage mécanique.

Même concernant l’érosion, il existe aujourd’hui des solutions raisonnées comme les rouleaux antiérosifs combinés au semoir qui réduisent de sept à dix fois les dommages possibles.

Et surtout, en produisant facilement 20 tonnes de MS/ha, le maïs fixe énormément de CO2 et fournit même deux fois plus d’oxygène qu’un hectare de forêt. C’est un champion dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Alors, pourquoi tant de préjugés contre lui ? Et si c’était tout simplement parce qu’on a beaucoup parlé de maïs transgénique ? C’est vrai, le pauvre se fait plus qu’un autre manipulé génétiquement, mais c’est sur d’autres continents. Et comme dans notre société manichéenne, il faut des bons et des mauvais, il se trouve que les naturalistes ont pris le pli de se pincer le nez en passant devant un champ de maïs. Il est peut-être temps de demander une révision de ce procès en opinion.

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