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L’expérience française qui pourrait inspirer la Wallonie

Réduire le recours aux pesticides n’est pas une décision propre à la Wallonie. La France s’est aussi inscrite dans cette démarche, à travers le projet Parsada. Celui-ci a été initié pour anticiper les retraits de substances actives et accélérer la recherche et le déploiement d’alternatives afin de réduire la dépendance aux produits de synthèse.

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Parsada… Un acronyme inconnu en Belgique mais qui, en France, incarne un vaste plan de transformation de la protection des cultures. Ce « Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures » est né en 2023.

Un double objectif

« Tout débute par une histoire de betteraves… Les néonicotinoïdes, utilisés pour lutter contre les pucerons vecteurs du virus de la jaunisse, ont été retirés du marché en 2018. Des dérogations ont toutefois été octroyées aux planteurs en 2021 et 2022 mais pas au-delà. Dans ce contexte, deux plans de recherche ont été lancés afin de proposer des alternatives aux betteraviers », retrace Christian Lannou, directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).

En parallèle, les cultivateurs de colza ont été confrontés à une situation similaire, avec le retrait du phosmet, matière active utilisée contre les coléoptères d’automne. Là aussi, un plan de sortie a vu le jour afin de soutenir la mise en œuvre d’alternatives. Et l’histoire s’est répétée, en cerises et châtaignes. « Il n’était plus possible de continuer de la sorte… Le Parsada est né afin de répondre à ces problématiques, entre autres. »

Celui-ci poursuit un double objectif. D’une part, anticiper les retraits de substances pesticides et apporter aux agriculteurs des réponses opérationnelles en matière de protection des cultures. D’autre part, accélérer la recherche, le développement et le déploiement des alternatives afin de réduire la dépendance des producteurs aux produits de synthèse. Avec en filigrane, comme en Wallonie, la nécessité de conserver des filières agricoles productives, d’assurer la sécurité alimentaire de tout un chacun et à un coût abordable pour le consommateur, tout en assurant le revenu des producteurs.

Ne pas travailler dans l’urgence

« Le Parsada nous permet d’anticiper de possibles retraits de matières actives, plutôt que de réagir dans l’urgence, une fois le retrait acté. » Et comme ici, cela se fait en collaboration avec les filières concernées, les acteurs de la recherche, les interprofessions, le ministère… « En outre, des moyens très importants ont été débloqués, afin de concrétiser des projets ambitieux. »

Le Parsada s’articule autour de plusieurs task forces, similaires aux groupes de travail wallons. Des grandes cultures aux plantes aromatiques et médicinales, en passant par la vigne ou encore les semences ou les filières bio, toutes les productions sont concernées. »

« Le Parsada nous permet d’anticiper de possibles retraits de matières actives, plutôt que de réagir  dans l’urgence, une fois le retrait acté »,  insiste Christian Lannou.
« Le Parsada nous permet d’anticiper de possibles retraits de matières actives, plutôt que de réagir dans l’urgence, une fois le retrait acté », insiste Christian Lannou. - J.V.

« Les task forces identifient les cas où des retraits de substances actives remettent en question certains usages, priorisent les usages concernés, établissent un diagnostic complet des alternatives disponibles et construisent les plans d’action. » Chaque plan vise, tout d’abord, à récolter l’ensemble des connaissances nécessaires à la mise au point des méthodes de luttes (bioagresseurs, auxiliaires…). Ensuite, sont listées les solutions possibles à l’échelle de la plante (biocontrôle, méthodes génétiques et physiques…) et du parcellaire (aménagement du territoire, mosaïque paysagère…). Enfin, les innovations sont transférées vers le monde agricole pour y être déployées.

Faire adopter les innovations

En 2024, pas moins de 14 plans d’action ont été définis, selon les priorités identifiées par les filières. Cela a donné naissance à 27 projets de recherche, pour un budget dédié de plus de 143 millions sur cinq ans. « La lutte contre les adventices constitue la problématique la plus ciblée », commente Christian Lannou. En 2025, 14 projets ont été déposés et sont en cours d’évaluation, pour un budget réduit, mais conséquent, de 43 millions sur cinq ans. « Ici, c’est la lutte contre les maladies et ravageurs qui concentre l’essentiel des demandes. »

Il faut désormais que les innovations trouvent leur aboutissement dans la pratique « Il s’agit de la partie la moins contrôlable. Comment s’assurer que les agriculteurs adoptent les mesures suggérées ? Nous devons réfléchir à la manière de diffuser nos informations. Construire des sites web ou distribuer des fiches est une chose, mais qu’en font les agriculteurs ? Indéniablement, notre plus grand défi réside dans l’adoption par les acteurs de terrain des innovations découlant du Parsada. » Il y a fort à parier que la Wallonie fera face au même enjeu.

Jérémy Vandegoor

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