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Quelles pratiques adopter pour limiter l’érosion des terres?

L’érosion des parcelles agricoles est un phénomène que tout agriculteur souhaite éviter et ce, pour diverses raisons. Pour y parvenir, plusieurs techniques réduisant de manière plus ou moins importante le travail du sol peuvent être adoptées. De même, il convient de minimiser les périodes durant lesquelles le sol se retrouve nu, totalement exposé aux éléments.

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L’érosion des sols peut survenir en diverses circonstances, de même qu’il existe plusieurs facteurs sur lesquels agir pour en limiter l’impact, tant pour les agriculteurs que pour les riverains installés en bordure des parcelles cultivées. Pour rappel, l’érosion entraîne une perte du « capital sol », ô combien essentiel pour une ferme, impacte négativement la productivité des terres agricoles, cause des dégâts aux cultures ainsi que des pertes de rendement et, dans les cas les plus graves, entraîne la formation de ravines compliquant grandement les opérations culturales.

Hors milieu agricole, on peut observer des dommages aux infrastructures privées (habitations, notamment) et publiques (routes et chemins…), une baisse de la qualité de l’eau (turbidité due aux matériaux charriés par l’eau, contamination potentielle par des produits de protection des plantes)…

Comprendre l’érosion permet de mieux anticiper et, dans la mesure du possible, gérer ce phénomène (lire également en pages précédentes). À l’occasion d’un agriwebinaire proposé par le Service public de Wallonie Agriculture, Ressources naturelles et Environnement, Valentine Damanet, membre de la cellule Giser, est revenue sur les diverses pratiques agricoles à adopter pour limiter l’érosion.

Associer les TCS aux couverts végétaux

Au premier rang desdites pratiques, figurent les techniques culturales simplifiées (ou TCS) dont le but est de limiter les perturbations du sol au maximum tout en maintenant sa structure en place. « Il s’agit d’un panel relativement important de techniques et d’intensité de travail, allant des TCS lourdes, incluant le recours à des outils animés et un affinage important de la terre, aux TCS légères caractérisées par un travail du sol effectué en profondeur, sans impact sur la partie superficielle », détaille Valentine Damanet.

Leur adoption ne nécessite pas nécessairement un surcoût pour les agriculteurs. En effet, bien qu’il existe du matériel spécifique, il est déjà possible de réaliser certaines opérations culturales avec le matériel disponible sur la ferme.

Mme Damanet alerte toutefois quant aux périodes d’intervention : « Réaliser les opérations dans de mauvaises conditions peut entraîner une compaction du sol et en détruire la structure… Ce qui serait totalement contre-productif ! ». Et d’ajouter : « TCS et couverture du sol sont indissociables. Les couverts hivernaux doivent donc être pensés comme des outils remplaçant partiellement le travail du sol. On optera pour des espèces présentant des systèmes racinaires variés, à savoir pivotants et fasciculés, et, si possible, assez profonds ».

Certaines pratiques requiert une gestion sans faille des couverts végétaux. Il conviendra de s’en souvenir le moment venu.
Certaines pratiques requiert une gestion sans faille des couverts végétaux. Il conviendra de s’en souvenir le moment venu. - J.V.

Ces techniques ont pour avantage de maintenir la structure du sol, sans perturber son activité biologique, sans remuer la matière organique… « Elles augmentent également la perméabilité du sol et la rétention de l’eau, avec une influence positive certaine sur les cultures en période de sécheresse », complète-t-elle.

Celles-ci sont toutefois à adapter selon le type de sol, la météo de la saison, les besoins de la culture… « L’adoption des TCS requiert également une adaptation progressive et, comme déjà signalé, une vigilance accrue quant aux périodes d’intervention. » La gestion des adventices ainsi que la fertilisation peuvent également nécessiter quelques adaptations, dépendant des techniques appliquées.

Le strip-till, pour un travail limité à la ligne de semis

Le strip-till, quant à lui, consiste à limiter le travail à la ligne de semis, tout en maintenant couverture (débris végétaux, couvert hivernal, repousses de céréale…) dans les inter-rangs. Cette technique est adaptée à de nombreuses cultures et permet de combiner travail du sol et semis en un passage. Elle allie préservation de la structure dans l’inter-rang et affinage, minéralisation et réchauffement du sol dans la ligne de semis. « La levée s’en trouverait également optimisée, de même que la gestion du couvert est facilitée. »

Cependant, pour obtenir un affinage optimal, deux passages sont parfois requis. « Dans tous les cas, il est essentiel de ne pas travailler dans le sens de la pente, au risque de créer des chemins préférentiels pour l’eau et, potentiellement, faciliter la création de ravines », insiste Valentine Damanet.

Enfin, du matériel adapté est indispensable, pour lequel des aides aux investissements existent.

Rouleau anti-érosion, cultivateur hydro-rétenteur et cloisonnement des inter-buttes

Parmi les différents outils disponibles en vue de réduire l’érosion, figurent également le rouleau anti-érosion, sous la forme d’un prototype développé par le Centre indépendant de promotion fourragère (Cipf) voici plusieurs années, et le cultivateur hydro-rétenteur. Tous deux créent des micro-reliefs qui freinent le ruissellement et favorisent l’infiltration de l’eau. « Le recours à ces deux outils ne nécessite pas de modifier les autres étapes de l’itinéraire cultural, qu’il s’agisse de la préparation du sol, du désherbage… Le passage du premier s’envisage dès la plantation tandis que le second s’utilise rapidement après la levée. »

Le rouleau anti-érosion a été développé spécifiquement pour la culture du maïs. Le cultivateur peut, lui, être adapté à la largeur de l’inter-rang et s’utiliser dans d’autres cultures sarclées que le maïs. La distance entre les « diguettes » façonnées est également adaptable.

La lutte contre l’érosion peut être bénéfique à la culture également. En effet, l’eau retenue dans les bassins, créés entre les diguettes, peut s’infiltrer dans le solet, ainsi, être disponible pour la culture.
La lutte contre l’érosion peut être bénéfique à la culture également. En effet, l’eau retenue dans les bassins, créés entre les diguettes, peut s’infiltrer dans le solet, ainsi, être disponible pour la culture. - J.V.

« Ces outils sont intéressants en été. En effet, l’eau retenue dans les bassins créés entre les diguettes peut s’infiltrer et, ainsi, être disponible pour la culture. De même, cela limite les mouvements de l’eau et, par conséquent, réduit le lessivage des engrais et autres produits de protection des plantes. »

Adopter ces techniques nécessite cependant un investissement de la part des agriculteurs. À noter également : le rouleau anti-érosion n’est pas commercialisé.

En culture de pommes de terre, le cloisonnement des inter-buttes permet d’obtenir le même résultat, toujours en créant de micro-reliefs devant se maintenir le plus tard possible dans la saison. La plupart des planteuses actuellement commercialisées sont équipées à cet effet. Toutefois, le type de diguette, et donc la quantité d’eau retenue, peut différer d’un constructeur à l’autre. « Si les diguettes sont lessivées dès la première grosse averse, tout le bénéfice de la technique est perdu. Dans les situations les plus extrêmes, la rupture de diguette peut conférer davantage de vitesse à l’eau libérée qui, dans la foulée, peut emporter les diguettes suivantes et la terre qui les compose. Avec un effet bien plus négatif que celui initialement recherché… »

Il est possible de combiner cette pratique avec un ensemencement de l’inter-rang et des diguettes. Cela permet de stabiliser davantage les micro-reliefs créés et, ainsi, d’accroître leur durée de vie. Cependant, cette pratique est encore peu documentée en Belgique et des questions se posent quant à son éventuel impact sur le rendement en tubercules (ou en carotte, culture dans laquelle la technique peut également être adoptée).

Outre les atouts cités précédemment en matière de disponibilité en eau et réduction du lessivage des intrants, le cloisonnement des inter-buttes permet de limiter l’érosion des faces latérales des buttes. « Il s’agit néanmoins d’une technique à réserver aux parcelles de pente moyenne, pour éviter une « rupture » des barrages retenant l’eau, au risque de voir celle-ci dévaler la pente et gagner en force d’arrachement ».

Les planteurs notent aussi que le maintien des reliefs jusqu’en fin de saison peut être source d’inconfort à l’arrachage. « Les bénéfices obtenus valent bien d’être quelque peu « secoué » à la récolte. »

Le semis direct, source de gain de temps et d’énergie

Le semis direct, consistant à l’implantation de la culture sans travail préalable du sol dans un couvert ou des résidus de culture, constitue une piste supplémentaire en vue de réduire l’érosion des parcelles agricoles. Cette approche permet de maintenir la structure du sol via, entre autres, la présence des racines du couvert en place ou de la culture précédente. Elle n’a que peu d’impact sur l’activité biologique et la micro-porosité de la parcelle, ce qui améliore sa capacité à retenir l’eau.

« Le principal avantage de cette technique est qu’elle ne nécessite que peu de passages avec, à la clé, un gain de temps et d’énergie pour l’agriculteur », commente Valentine Damanet. Implanter sur un sol couvert permet également d’en accroître la portance.

Au rang des inconvénients, faire l’impasse sur le travail du sol limite le réchauffement et la minéralisation et peut donc retarder la levée de la culture. « Le semis direct requiert également une bonne connaissance des couverts et de leur gestion, notamment en matière de destruction. Ceux-ci ne doivent pas concurrencer la culture. » Enfin, du matériel nécessaire est requis mais, ici aussi, des aides sont disponibles.

D’autres techniques de semis à expérimenter

D’autres voies existent. C’est notamment le cas du semis réparti, ou semis à la volée, résidant en l’implantation de la culture sans création de lignes de semis et d’inter-rangs laissés nus. « C’est une technique que l’on peut appliquer au maïs. Elle permet de ralentir le ruissellement de l’eau en limitant la création de chemins préférentiels dans l’inter-rang. » Elle ne nécessite ni modifications des autres étapes de l’itinéraire technique, ni matériel spécifique. A contrario, la prédation des graines, se trouvant en surface, est possible. La météo joue également un rôle important, une pluie étant attendue brièvement après le semis.

L’adoption de techniques culturales simplifiées  augmente la perméabilité du sol et la rétention  de l’eau, avec une influence positive certaine  sur les cultures en période de sécheresse.
L’adoption de techniques culturales simplifiées augmente la perméabilité du sol et la rétention de l’eau, avec une influence positive certaine sur les cultures en période de sécheresse. - J.V.

Le semis à 45°, soit l’implantation selon un angle par rapport à la pente en vue de freiner le flux d’eau, est une autre piste. « Elle porte ce nom mais ne nécessite pas de respecter 45° à tout prix. L’objectif est de ne pas semer dans le sens de la pente, mais pas perpendiculairement à celle-ci non plus, au risque d’observer un effet « rupture de barrage » en cas d’averse importante. Son rôle est de rallonger le chemin parcouru par l’eau pour éviter la formation de ravine dans l’inter-rang », éclaire Mme Damanet. Aucun matériel spécifique ne doit être acquis, l’itinéraire cultural n’est en rien modifié et l’infiltration de l’eau s’en trouve améliorée. « Selon les situations, la récolte peut toutefois être plus difficile. » À retenir : si la parcelle présente des pentes multiples, il sera également nécessaire de modifier à plusieurs reprises le sens de semis.

Reste la culture associée betterave-céréale. « Si cette technique est initialement mise en œuvre dans le cadre de la lutte contre la jaunisse de la betterave, on observe également un effet bénéfique sur l’érosion car le sol s’en trouve couvert durant les premiers stades de la betterave. » Les bénéfices seraient donc multiples, mais la technique est encore expérimentale. Il faut veiller à ce qu’aucune perte de rendement ne soit enregistrée, qu’il n’y ait pas de concurrence entre la culture et le couvert avant sa destruction et que des ravageurs ne soient pas attirés par ce dernier. La destruction de la céréale suscite encore quelques questions, qu’elle soit chimique ou mécanique, notamment en termes de stade d’intervention optimal. Ce que les expérimentations permettront d’éclaircir.

Jérémy Vandegoor

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