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Courrier des lecteurs : Black ou Green Friday, prêts?

Alors qu’on a à peine Halloween et la Toussaint derrière nous, je ne sais pas vous mais j’ai la sensation qu’on se précipite sur la Saint-Nicolas à grands petits souliers. Puis, il y a les calendriers de l’Avent qui nous sont suggérés pour ne pas perdre le décompte des jours qu’il reste avant Noël et d’entendre, à sirènes hurlantes, Maria Carrey « All I Want For Christmas Is You ».

Temps de lecture : 6 min

On est envahis de suggestions mais on résiste, on tient bon, car on sait que le plus difficile reste à venir : payer les dernières factures et surtout trouver des sous pour les cadeaux de fin d’année. Le pire, c’est cette histoire de cacahouète. Alors que mon niveau de cortisol est à son niveau maximal de l’année en cette fin novembre, trouver un cadeau à quelqu’un qu’on tire au sort ne fait qu’aggraver ma tension artérielle. Sans oublier les courses pour les nombreux apéros, repas, desserts et vins à venir. C’est l’angoisse. Mais avant d’arriver à cette échéance, on a heureusement ce fameux « Black Friday » qui est là pour nous aider à faire le plein de tous les cadeaux qu’on a sur notre liste. Avec lui, la promesse est claire : on fait des économies. Du coup, on se lâche !

Inconnu des Belges il y a encore dix ans, c’est aujourd’hui un rendez-vous immanquable pour toute la société. On s’y prépare comme pour un marathon : bien à l’avance, on liste tous ceux à qui on doit faire des cadeaux et on demande aux parents ce qui ferait plaisir aux enfants. Alors que jadis on posait la question la semaine avant Saint-Nicolas, aujourd’hui, c’est évidemment avant le vendredi noir. Enfants, parents, filleul(le), nièces et neveux, beaux-parents… Tout le monde y passe. Y compris pour soi. Puisque je ne suis pas rémunérée pour faire du placement de produit, je dirai simplement qu’un robot – cuisinier me fait de l’œil depuis deux ans. Apparemment, il serait capable de cuisiner tout seul comme un chef : des repas préparés pendant que je suis au travail et que mes enfants-ogres vont rentrer de l’école, prêts à fouiller dans les placards comme des rats. Le rêve. Le robot, pas les rats. Donc vu que c’est la crise pour tout le monde, cher robot, si tu me lis, tu es le bienvenu dans ma cuisine à prix cassé. Vous l’aurez compris, le Black Friday, on l’attend toute l’année. C’est une consommation frénétique car exit les préliminaires de -20 % ou – 30 %. Ce jour-là on en attend beaucoup plus, des réductions ultra-agressives, rendant les gens hystériques.

Avant de poursuivre, je vous invite à lire ce petit interlude sur l’origine du Black Friday, histoire qu’on en retire quand même une notion de culture générale. Ça vient d’où ? Pure produit marketing comme l’est devenu le Père Noël ? Pas tout à fait. Il existe plusieurs versions, dont notamment celle qui dit que ce jour aurait été inventé par les commerçants pour booster leurs ventes en baisse à la fin novembre, afin de faire passer leur livre de compte du rouge (négatif) au noir (bénéfices).

Si aujourd’hui les grandes entreprises en Belgique jouent le jeu à fond, bon nombre de petites et moyennes entreprises râlent un peu face à cette énième tentative de brader les prix. Est-ce que les petits commerçants et dans le prolongement, leurs fournisseurs, les agriculteurs, doivent-ils jouer le jeu de ce vendredi noir ? Mais alors, comment ? Pour que les réductions soient possibles, je ne vois qu’une solution. « Action spéciale : le litre de lait à – 50 % ! Venez le traire vous-même. On fournit la vache, pas la motivation   ». Les consommateurs risquent de faire la grimace. Le prix des jambons, du lait et des fromages sont généralement plus chers que tous les produits trouvés en grandes surfaces. Toutefois, j’émets une réserve quant à cette idée reçue car sans additifs, eau, artifices et emballage superficiel, je ne serais pas étonnée que les fromages artisanaux fassent grimacer la vache qui rit.

Loin de moi l’intention de vouloir jeter la première pierre à qui que ce soit durant le week-end prochain. Comme dit précédemment, j’ai moi-même très envie de m’acheter quelques articles avec une promotion, si tant soit peu, elle est réelle. Autre débat. Mais y a-t-il toutefois une alternative à cette journée qui va précipiter, contrairement aux multinationales, notre livre des comptes du noir au rouge ? En faisant quelques recherches sur le sujet, je découvre le Green Friday. Il en est à ses débuts, comme il y a dix ans avec la version noire. Ce concept, comme son nom l’indique, vient carrément à contre-courant de son grand frère. Au lieu de se jeter dans une surconsommation pas toujours très raisonnable après coup, le Green Friday a l’ambition de contrecarrer le mouvement en sensibilisant les consommateurs à acheter local. Un produit local n’a en effet pas besoin d’être en promotion pour avoir du sens. Il est éthique, responsable et économiquement intelligent puisqu’on est en circuit court. On ne va pas en refaire la démonstration, d’autres le font très bien. Mais comment donner de l’élan à ce petit David contre Goliath ?

Alors qu’un jour je grinçais des dents vis-à-vis de quelqu’un qui profitait d’un effet de mode sans aucune démarche éthique et qui était plutôt vénal, une personne de mon entourage m’a dit de prendre du recul et de me concentrer sur moi-même. « Valérie, quand le soleil brille, il brille pour tout le monde ». C’est exactement ça ! Sous les projecteurs de ce Black Friday, lancez le #GreenFriday en signant des photos de produits artisanaux. Qui ça ? Et bien, vous chers agriculteurs, mais aussi chers indépendants, gérants de petites épiceries et même consommateurs. Mais… attendez, ça risque d’être un peu trop mielleux par rapport à la concurrence. Et croyez-moi, cette vibe en marketing, c’est un « tue commerce ». Ce qu’il faudrait faire, c’est aller plus loin avec de l’unboxing. C’est quoi encore cette histoire ? De l’unboxing. Encore un mot venu d’Amérique et qui signifie qu’on découvre le contenu d’un paquet devant la caméra. On ne feint pas la surprise même si elle est évidemment surjouée et on donne une ambiance plus authentique à la vidéo qui sera postée sur les réseaux sociaux. Attention, n’allez pas trop loin en ambition : pas de live ! Imaginez au moment où vous partagez en direct ce que vous voyez à travers votre téléphone et que Rendac se pointe. C’est certain que vous allez en faire des vues !

Bref, présentez vos produits, en photos ou en vidéo avec la sensation d’avoir découvert la 8e merveille du monde. Je vais m’arrêter là, car j’ai l’impression de me vêtir des habits de la Jeanne d’Arc des réseaux sociaux. Loin de moi l’intention de vouloir finir sur le bûcher des haters numériques. Mais n’hésitez pas ! Rendez-vous le 28 novembre prochain, sur le #GreenFriday.

Valérie Neysen

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