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Courrier des lecteurs : ma mère-grand,que vous avez de grandes dents!

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Cette fois, nous y sommes : les loups sont à nos portes !

Encerclés de tous côtés par de grands massifs forestiers, nos plateaux agricoles de Haute-Sûre craignent de devenir à terme un vaste fast-food pour ces prédateurs issus d’un autre âge, revenus chez nous à la faveur d’un statut de protection renforcée. À quelle sauce seront mangés nos ruminants, nos chaperons multicolores et nos petits cochons ? Les gros également, par ailleurs, ainsi que les équidés, et tout ce qui court à quatre pattes, sauf les tables et les chaises évidemment ! Comment concilier les utopies rêvées par les uns et les réalités vécues par les autres ?

De quel animal parle-t-on ? Le loup est bien plus qu’une sorte de gros chien, n’en déplaise à ses défenseurs. C’est un véritable fauve, d’une taille adulte de 50 à 90 cm au garrot, pour un poids de 30 à 50 kg. Cinquante kilos de muscles d’acier s’entend, équipés d’une mâchoire capable d’infliger des morsures avec une puissance de 150 kg/cm², contre 65 kg/cm² en moyenne pour les chiens. Les champions des morsures restent toutefois les chiens de défense Rottweiler (230 kg/cm²), lesquels surclassent les bergers allemands, Pitbull et autre Amstaff (150 kg/cm²). Imaginez ce que donnerait le croisement entre un loup et un Rottweiler : la sauvagerie de l’un combinée à la force démesurée de l’autre…

Voilà qui campe déjà le décor… Je ne voudrais pas être Petit Chaperon Rouge me promenant dans les bois, ni aucun des Trois Petits Cochons, et encore moins l’Agneau de la fable de Jean de La Fontaine. «  Car vous ne m’épargnez guère, vous, vos bergers et vos chiens ! On me l’a dit : il faut que je me venge  ! ». Ceci dit, le loup est un animal farouche, à l’image de toute la faune sauvage. Il a peur de l’être humain, ce super-prédateur qui terrorise tous les animaux de nos forêts, mais pas que. Par contre, en absence de berger, le loup ne craint pas les brebis et en fait volontiers son quatre-heures quand l’occasion se présente. Voilà qui est fâcheux !

Jusqu’à présent, le retour du loup n’inquiétait pas outre mesure les gens d’ici. Les Fagnes sont bien loin de chez nous. Mais au sud de notre commune, un couple se serait installé dans la Forêt d’Anlier. Sans doute Monsieur et Madame Loup vont-ils aller travailler au Grand-Duché, comme la plupart des gens de la région ? Au Nord, dans les Bois de Saint-Hubert, on signale également la présence de ce prédateur, ainsi qu’à l’Est dans les massifs forestiers entre Neufchâteau et Florenville. Le plateau herbager de Haute-Sûre se trouve pile poil au centre du triangle ! Viendront-ils chez nous faire leurs emplettes, ou organiser des « croque-party » avec moutons ou veaux bleu-blanc en zakouskis ?

Je n’ai rien contre ces magnifiques carnivores sauvages, tant qu’ils se contentent de boulotter des chevreuils et des sangliers. Quoique, pour attraper ces derniers, les grands méchants loups ont intérêt à faire gaffe ! Les sangliers « résistent et mordent  » (comme les soldats des régiments de Chasseurs Ardennais en mai 1940). Les laies défendent leurs marcassins jusqu’à la mort et la puissance de leur mâchoire n’a rien à envier à celle d’un Rottweiler, d’après les chasseurs, sans compter les terribles défenses des mâles : «  debout sur la frontière, la troupe altière veille au flanc des noirs coteaux  ». Bref, manger du sanglier au p’tit déj et réguler leur population, très peu pour Monsieur et Madame Loup !

Brebis et agneaux par contre, ont tout pour leur mettre l’eau à la bouche ; ou à défaut un petit veau, un poulain, un âne, le toutou d’un promeneur. Quand un loup pénètre dans un enclos de moutons, le troupeau se met à tourner en rond à toute vitesse, avec les jeunes à l’intérieur du cercle pour se protéger. La masse compacte en mouvement rapide décourage le ou les prédateur(s) de risquer de se faire piétiner. Mais il lance des attaques sporadiques et finit par désolidariser le troupeau, surtout s’il est accompagné de sa copine. Le loup peut alors se lancer à la curée. Il mord au ventre et mange en premier le foie et le cœur, sans se soucier de savoir si sa proie vit encore. Ce sont de charmants animaux aux goûts très délicats !

Mais pourquoi donc interdit-on l’abattage sans étourdissement, tandis qu’on pardonne aux loups de manger leur proie vivante ? Encore une absurdité bien belge ! Les loups seront-ils sensibilisés aux lois sur le bien-être animal ? Il faudrait qu’on m’explique, car rien ne pourrait davantage me révolter que de voir mes moutons massacrés par des loups en goguette !

Le loup, pérorent les écologistes, est une espèce à la fois « parapluie » et « clé de voûte ». « Parapluie » : elle bénéficie d’efforts de conversation qui profitent aux autres espèces qui partagent le même habitat. « Clé de voûte » : elle joue un rôle crucial dans la structure et le fonctionnement d’un écosystème. Alors, pourquoi avoir chassé le loup voici 150 ans ? Les animaux de nos forêts et de nos exploitations agricoles n’ont jamais regretté leur départ, et ne se sont pas si mal débrouillés depuis lors. Mais aujourd’hui, les loups sont devenus les petits chéris de certains.

Dieu merci, la Haute-Sûre est également triangulée par les autoroutes E25 et E411 ; elle compte des kyrielles d’éoliennes, des zones habitées, des grands-routes, des chasseurs... Alors, s’il-vous-plaît, Monsieur et Madame Loup, je vous aime bien, mais restez dans votre forêt d’Anlier et laissez nos moutons tranquilles ! Pour votre bien et le nôtre.

La raison du plus fort, il est vrai, est toujours la meilleure ! Mais certains contes et fables pour enfants ne nous enchantent guère…

«  Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents  ! »

«  C’est pour mieux te manger, mon enfant  ! ».

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