Courrier des lecteurs : il n’est un si grand mal…
« Il n’y a plus de saison, ma bonne dame, mon bon monsieur ! ».Cette réflexion est sans doute sur toutes les lèvres à Belém au Brésil, à l’occasion de la COP30 pour l’action climatique. Et bien d’autres choses aussi !

À vrai dire, déjà depuis tout petit, j’ai entendu des milliers de fois cette petite phrase dans les conversations, tout au long de l’année, comme si les changements climatiques dataient déjà des années 1960. Nous vivons il est vrai dans une zone au climat tempéré, où la météo n’en fait qu’à sa tête depuis la nuit des temps, au gré des mouvements des masses d’air maritimes, des anticyclones et des rivières atmosphériques.
Sans qu’on sache trop pourquoi, des étés frais succèdent parfois à des printemps chauds, des hivers glaciaux à des automnes anormalement doux. La pire des sécheresses et canicules sévit en 1947, puis revint en 1976 ; rien d’une telle intensité depuis lors. En février 1980, je me rappelle avoir ébranché des épicéas à la rasette en t-shirt, et trois mois plus tard, il neigeait le 15 mai ! L’hiver 1984-85 fut sans conteste le plus rigoureux des cinquante dernières années, avec des températures sous – 25° en janvier. On a connu de tout au cours des six décennies écoulées : du plus sec au plus détrempé, du plus glacial au plus torride !
C’est pourquoi les changements climatiques globaux, objectivés par les scientifiques, ne nous alertent pas trop chez nous, habitués que nous sommes à subir à tour de rôle le froid et le chaud, le sec et le mouillé. Ces bouleversements sont pourtant bien là ! Mais comment se traduisent-ils en Belgique, et particulièrement en Ardenne ? Et bien, voyons l’actualité ! Nous venons de connaître un été Saint-Martin des plus agréables, et puis patatras, les températures ont chuté et quelques jolis flocons se sont posés sur les prairies gelées. Quoi de plus normal en cette période, car comme dit un vieux proverbe : « Brouillard et neige en novembre, Noël en décembre » !
Est-il temps de rentrer les animaux dans les étables et les bergeries ? Pas vraiment, car un redoux serait déjà annoncé la dernière semaine de novembre. Un constat s’impose : depuis trois décennies, nous rentrons chaque année un peu plus tard nos vaches et nos brebis. La Saint-Éloi est devenue la date référence et remplace la Toussaint ! De même, au printemps, nous sortons nos ruminants autour du 1er avril, en lieu et place du 1er mai ! Le calcul est vite fait : nous gagnons en gros deux mois d’hivernage sur six, grâce à ce qui est appelé communément le « réchauffement climatique ». C’est incroyable ! Si mes grands-parents revenaient en 2025, ils n’en croiraient pas leurs yeux, tant notre agriculture à plus de 500 m d’altitude s’est « civilisée » !
Oh bien sûr, les changements sont venus petit à petit, à pas de loup, par petites touches. Les Ardennais ont sorti leurs animaux de plus en plus tôt au fil des ans, les ont rentrés de plus en plus tard. Ils ont fauché leurs foins en juin, au lieu de juillet, puis aujourd’hui fin mai ! Ils ont débuté leurs moissons en juillet, au lieu d’attendre la Notre-Dame du 15 août pour que les grains soient mûrs. Cette année, j’ai vu de l’escourgeon récolté fin juin chez nous !
De l’escourgeon ! Les fermiers d’ici n’en emblavaient jamais avant l’an 2000, car les neiges trop abondantes et les fortes gelées les dévastaient en hiver. En 2025 on sème même du colza ! Le maïs n’est plus chez nous considéré comme une culture à risque, à la germination difficile, à la maturité rarement atteinte en octobre. On sème même du froment, jusqu’en novembre ! C’est ahurissant ! Et les rendements se sont améliorés de manière surprenante, si l’on peut croire les cultivateurs, qui donnent des chiffres de 7, 8, 9 t/ha, sur nos maigres terres ardennaises. Jusque dans les années 1990-2000, on était déjà bien content de récolter 4 à 5 t/ha d’avoine ou d’épeautre, de 3 à 4 t/ha d’orge ou de méteil !
Étonnamment, couplé aux progrès agronomiques, le réchauffement climatique est une bonne chose pour les fermiers des hauts-plateaux ardennais. Cultiver nos terres, élever du bétail, diversifier nos cultures : tout est soudain devenu plus facile, en l’espace de vingt ans ! Je vous le dis tout bas, de peur qu’on ne m’entende. J’ai honte de m’en réjouir car au niveau de la planète, cette hausse globale des températures est une véritable catastrophe. Elle entraîne des cataclysmes, des tornades, des inondations, des sécheresses, des événements plus meurtriers les uns que les autres. Un jour peut-être, nous les subirons aussi, comme les tempêtes de janvier et février 1990, les inondations de juillet 2021. Nous ne perdons rien pour attendre, fort probablement…
Les poussées de fièvre du climat bouleversent les écosystèmes, déplacent les populations de moustiques, de virus, d’animaux et de plantes invasives ; elles menacent la survie de populations entières. Des milliers de sommités internationales se sont réunies à Belém pour en parler lors de la COP30, bavarder, disserter, discourir, déplorer, culpabiliser, accuser, se disculper, discuter, marchander, pinailler… Blablabla… En aucune façon pour agir de manière concrète et décisive !
Pendant ce temps, la Terre se réchauffe et les gens souffrent, mais de manière certes fort inégale. Car il n’est de si grand mal qui n’ait un tout petit bien, en l’occurrence dans les zones froides comme la Haute-Ardenne, où la hausse des températures apporte quelques améliorations, que le Destin nous fera payer un jour…





