Celle que l’Europe sacrifie en silence

À l’approche de l’hiver, les sols se figent, les ombres s’allongent, les passages se raréfient. Mais à l’orée de l’hiver, la colère agricole resurgit. Le calendrier n’a rien d’anodin. Tandis que les ministres européens de l’Agriculture s’apprêtent à se prononcer sur un accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur, la présidente de la commission se prépare, elle, à s’envoler pour le Brésil afin d’en sceller la signature. Le contraste frappe les esprits et nourrit le sentiment de cynisme d’un pouvoir qui avance, cérémonial compris, quand le terrain, lui, s’alarme.
Au cœur de ce malaise, une ligne politique inquiète tout particulièrement : celle d’une simplification réglementaire présentée comme une évidence, mais vécue comme une menace. Sous l’intitulé technique de paquets législatifs dits « Omnibus », la commission entend alléger certaines règles agricoles et environnementales. Sur le principe, nul ne conteste la nécessité de réduire la lourdeur administrative. Cependant, pour les organisations agricoles, la crainte est nette : que cette simplification ne serve de paravent à un détricotage progressif de la conditionnalité environnementale, au bénéfice des acteurs industriels les plus puissants. Car l’enjeu dépasse largement la seule paperasserie. Abaisser les normes aujourd’hui, avertissent-ils, c’est fragiliser les fermes qui ont investi pour répondre à des exigences élevées en matière d’environnement et de santé publique. C’est aussi faciliter, demain, la conclusion d’accords de libre-échange fondés sur l’alignement par le bas des règles de production. Cette inquiétude est indissociable de la question budgétaire. L’agriculture européenne, rappellent les syndicats wallons, ne peut affronter simultanément la transition écologique, la concurrence internationale et les attentes sociétales sans un soutien public solide. Or les signaux envoyés sur l’avenir de la politique agricole commune vont dans le sens opposé. La perspective d’un budget affaibli, insuffisant pour compenser l’inflation et accompagner la transformation des pratiques, alimente la crainte d’un décrochage durable.





